Le vote par le Conseil de sécurité des Nations Unies, dans la nuit de vendredi 27 au samedi 28 septembre de la résolution sur les armes chimiques en Syrie, co-présentée par la Russie et les Etats-Unis, a été un moment important dans la reconstruction d’un ordre international.
Ce vote, obtenu à l’unanimité des 15 membres du Conseil de sécurité, présente plusieurs points qui appellent des commentaires :
1/Il fait obligation à toutes les parties en présence en Syrie de remettre les armes chimiques qu’elles détiennent aux Nations Unies à fin de destruction. Il enjoint à toutes les parties en présence de cesser la production ou le transfert de ces armes.
2/ Il réaffirme solennellement que la prolifération des armes de destruction massive est une menace pour la paix et la sécurité.
3/ Il réaffirme la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie.
4/ Il précise qu’en cas de violation par l’une des parties de l’accord, le « chapitre VII » de la charte s’appliquera, soit qu’il y aura une nouvelle réunion du Conseil de sécurité et qu’il faudra un nouveau vote avant l’engagement de la force armée.
Ce vote est incontestablement une victoire pour la Russie, comme le soulignent tous les observateurs. Toutes les parties impliquées dans la crise Syrienne, à commencer par la France et les Etats-Unis, ont dû accepter de se plier à la légalité des Nations Unies. Il ne peut, dans ces conditions, y avoir de frappes « décidées unilatéralement. Cette victoire de la Russie est aussi, et surtout, une victoire du Droit International. Mais, c’est aussi une victoire pour la Russie car la résolution reconnaît le gouvernement légal de la Syrie comme son interlocuteur et le désigne comme tel dans la tenue d’une conférence de paix qui doit se tenir à Genève. Dès lors, il ne saurait y avoir de préalable, et en particulier le départ de Bachar el-Assad. De fait, les Etats-Unis et la France ont été isolés, non seulement face à la Russie mais aussi face aux « BRICS » et à une grande majorité de pays, et ont dû accepter la logique de la position russe.
Cette victoire de la Russie est historique. Elle signe tant la cohérence de sa politique étrangère, mise en œuvre par son Président Vladimir Poutine et par son Ministre des affaires étrangères M. Serguey Lavrov et qui a fait de la défense de la légalité internationale sa pierre angulaire, que le changement de rapport de force international. Mais, cette victoire confère de nouvelles responsabilités à la Russie. Désormais on attendra d’elle non pas tant une position réactive qu’une position pro-active sur les différentes crises internationales.
Cette victoire de la Russie doit aussi être mise en parallèle avec l’effacement de l’Europe et l’échec de la France. Cet échec est humiliant. La France s’est retrouvée isolée, et n’a pas été partie aux négociations de Genève entre la Russie et les Etats-Unis, négociations qui ont rendu possible le vote de cette résolution. Cet échec est celui, en profondeur, de la politique étrangère suivie par notre pays. Échec qui est le prix de l’incohérence : comment concilier l’action au Mali au début de cette année (dont on oublie trop vite qu’elle a été rendue possible par la mise à la disposition d’avions-cargos russes pour assurer la logistique) avec la position sur la Syrie. Échec qui est le prix d’une absence de doctrine, ou plus précisément de la montée du moralisme à la place d’une pensée politique réelle. Échec, enfin, dans la capacité à unir l’Union Européenne sur nos positions. Jamais l’Union Européenne n’est apparue autant divisée et sans position dans l’arène internationale. La France à cru beaucoup sacrifier à la construction européenne dans l’espoir qu’elle en tirerait avantage sur le plan international et que sa position en ressortirait renforcée. Elle doit aujourd’hui déchanter. Les sacrifices de souveraineté n’ont pas abouti à la constitution d’une position unifiée de l’Union Européenne. Ils ont par contre redonné une légitimité à l’Allemagne comme grande puissance.
De cet échec, il faudra impérativement en tirer les leçons et faire le bilan de vingt années de « construction européenne ». Mais il faut aussi que M. Laurent Fabius tire personnellement le bilan du vote de cette nuit au Conseil de Sécurité, au vu de son activité et de son activisme des mois derniers, et qu’il assume sa responsabilité dans cet échec en démissionnant.