C’est la question que pose RFI ce samedi 18 mars 2017 à l’occasion de la Semaine du cerveau. Oui, ça existe. Ça change de la journée de la Gentillesse. Des études récentes montrent que la pauvreté, c’est-à-dire l’indigence matérielle, peut avoir un impact sur le cerveau et son développement. Chez les enfants, évidemment.
- Bidonville en Inde
On sait depuis longtemps que certaines carences en nutriments ont un impact sur le développement du cerveau du fœtus ou du jeune enfant : la carence en iode ou en fer, par exemple, qui continue d’être un problème dans certains pays pauvres.
Mais ce n’est pas tout. Les techniques d’imagerie médicale, qui permettent de scruter les différentes régions cérébrales, apportent un éclairage nouveau. Selon plusieurs études scientifiques, certaines zones du cerveau seraient moins développées chez les enfants pauvres, que chez les enfants riches, celles en particulier liées au langage et à l’attention.
On sait tous que les trois premières années sont déterminantes, mais pas forcément fatales, dans le développement ultérieur de l’enfant. Ce n’est pas du freudisme, mais de la biologie du comportement. Il suffit parfois d’un choc émotionnel pendant la période intra-utérine pour provoquer chez l’enfant une schizophrénie à l’âge adulte. Mais la schizophrénie peut aussi s’hériter : un enfant de schizophrène a une chance sur deux de développer ce syndrome à son tour.
Quant aux coups de marteau sur la tête d’un bébé, on sait tous que ça limite assez drastiquement les options futures. Sans parler de résilience, ce terme à la mode, le cerveau est un organe unique qui s’autocorrige, ou qui s’autosoigne. Ainsi, un enfant né dans un univers violent peut-il, si l’État lui prête bourse, entrer 20 ans plus tard dans une faculté de renom.
- Mauvais garçons (début du XXe siècle), ou garçons manquant de structure morale
L’expérience socialiste soviétique, à côté des immenses sacrifices plus ou moins utiles infligés au peuple russe, a montré que des milieux analphabètes pouvaient en une génération produire des chercheurs, des musiciens, des intellectuels. Non pas que ces métiers soient supérieurs aux autres, mais ils montrent que dans de bonnes conditions culturelles, un enfant dans la misère matérielle peut sauter deux ou trois générations de travailleurs. Car, en général, dans une société en développement, les générations améliorent leur sort avec une certaine lenteur. En général...
Pourtant, pourtant, il est beaucoup d’enfants issus de familles très comme il faut qui sont aujourd’hui diagnostiqués « dis » : dispraxiques, disorthographiques, discalculiques, dislexiques... De plus en plus de spécialistes (orthophonistes, pédopsychiatres, neuropsychologues) voient débarquer dans leurs cabinets saturés des enfants qui présentent des symptômes de développement ralenti. Ou jugé pas assez rapide par leurs parents... Le culturel ne fait donc pas tout.
Inversement, à partir d’un certain niveau matériel, on peut même dire que la richesse ne développe pas le réseau neuronal. L’exemple des stars planétaires est pour cela édifiant : la double obsession de son image et de son tiroir-caisse ne rend pas foncièrement intelligent. Scientifiquement parlant, un individu comme Cyril Hanouna, passé en un an d’animateur ringard à numéro un du PAF, devenant multimillionaire d’un coup (de Bolloré), montre des signes inquiétants de mésintelligence, ou de désintelligence.
Ainsi, la surprotection apportée par l’argent freine-t-elle la progression intellectuelle que devrait connaître tout individu adulte. Après avoir grandi physiquement, il doit grandir intellectuellement. Cependant, la plupart des gens arrêtent cette étape de l’évolution personnelle pour des raisons d’urgence de survie. Le travail avant tout, et le besoin de repos, ou de divertissement. Notre société présente ce paradoxe qu’elle inonde d’informations, mais qu’elle abêtit si on se laisse faire.
Avoir besoin d’argent peut plomber une vie, si ce besoin est trop cruellement ressenti, mais il peut aussi donner des ailes, et développer l’imagination, c’est-à-dire le sens de la solution originale. Souvent, pour en revenir au thème lancé par RFI, ce n’est pas le dénuement matériel qui abêtit, sauf en cas de misère noire, mais la structure familiale. Si elle est intacte, alors l’enfant souffrira moins du manque d’argent. Les familles chrétiennes ont ainsi élevé leurs enfants, pendant la révolution industrielle, dans le respect des valeurs qui forgeaient un cacractère. La pauvreté était compensée par la morale, certes rigoureuse, et parfois extrême.
Aujourd’hui que cette morale tend à disparaître, et disparaître sous les coups de la socioculture (l’injonction médiatique, politique, publicitaire et en fin de compte interrelationnelle), le manque matériel se fait logiquement plus durement ressentir. Aux États-Unis, les enfants des familles monoparentales noires présentent un retard scolaire équivalent à une ou deux classes. Parce que le père est absent. Pas parce que maman ne gagne que 600 dollars par mois. Ou qu’elle serait noire.
La richesse, c’est donc la structure.
Et donc, l’information.