Egalité et Réconciliation
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La lente érosion de l’espace Schengen

Plusieurs pays européens se prépareraient à la réintroduction des contrôles aux frontières dans le cas d’une situation d’urgence en Grèce, qui entraînerait une fuite illégale de capitaux à l’étranger ainsi qu’un essaimage de la criminalité. C’est ce qu’a révélé le quotidien autrichien Der Standard dans son édition du 30 mai (« Crise grecque : l’UE prépare la fermeture des frontières »), s’appuyant sur une source provenant du Conseil européen.

Cette fuite confirme la menace d’effritement qui pèse sur l’espace Schengen depuis plus d’un an. Alors que la question de la restauration des frontières était jusqu’à peu assimilée à une idée d’extrême-droite, elle s’est posée de façon concrète et inévitable lorsque les Italiens ont avoué leur impuissance à maîtriser les flux de réfugiés libyens durant les révoltes arabes au printemps 2011.

La France, au grand dam de Bruxelles, a rétabli pour plusieurs semaines ses contrôles à la frontière italienne, faisant prévaloir la fameuse clause de sauvegarde. Cette clause autorise les membres de Schengen à restaurer provisoirement le contrôle des biens et des personnes à leurs frontières intérieures dans des cas extrêmes. Dans la foulée, toujours sous les foudres de Bruxelles, la France prendra des mesures d’expulsion à l’encontre de clandestins issus de Roumanie dans le cadre d’un accord bilatéral avec ce pays.

Succession de prétextes ou levée de boucliers ?

Puis c’est au Danemark d’envisager un rétablissement des contrôles en mai 2011. Le cas franco-italien a créé un précédent. Désireuse de contrôler la situation et les revendications, la Commission européenne cherche absolument à garder la main sur la question des frontières internes à l’espace Schengen en voulant maintenir coûte que coûte le libre-échangisme en vigueur. Sa tentative d’ « élargir étroitement » la clause de sauvegarde est un échec. Un trio d’Etats, la France, l’Allemagne et l’Espagne, la jugent trop restrictive. On assiste en fait de plus en plus à une levée de bouclier des Etats à l’encontre de la Commission.

Dans une lettre conjointe adressée à la Présidence danoise de l’UE, le 19 avril 2012, Paris et Berlin critiquent ouvertement les propositions de la Commission, qui dépossèdent selon eux la capacité des Etats à déterminer eux-mêmes les conditions du rétablissement des contrôles aux frontières. France et Allemagne plaident alors pour un rôle uniquement consultatif de la Commission.

Enfin, preuve que l’autorité de Bruxelles connaît une sérieuse inflexion en la matière, l’Espagne vient de prendre librement et de façon unilatérale la décision de rétablir des contrôles à la frontière pyrénéenne pour quelques jours, à l’occasion de la réunion de la Banque centrale européenne à Barcelone. Fait rapporté par La Dépêche, le 02 juin 2012 : « Craignant l’arrivée massive d’anarchistes italiens déterminés à en découdre avec les forces de l’ordre, le gouvernement espagnol a suspendu les accords de Schengen. Il a mobilisé 6000 hommes en armes pour contrôler, dévisager, et le cas échéant, fouiller les personnes et les véhicules (…) ».

La déstabilisation politique et économique des pays d’Europe du Sud par la crise ne peut qu’encourager ce que certains dénoncent déjà comme l’ « inimaginable retour au protectionnisme ».