Quels sont les faits ? :
47% des actifs des sociétés du CAC 40 sont détenus par des étrangers (on est pas loin des 50% !), 20% par des ‘Fonds de pension’.
La force de frappe des ‘Grands fonds étrangers’ serait de l’ordre de 1 500 milliards $. Ils ont déjà engloutis : le Groupe Taittinger, Le Printemps, Buffalo Grill, Les Pages Jaunes etc., ils auraient en ligne de mire : Vivendi, Carrefour, Saint-Gobain etc.
Les ‘Fonds de pension’ anglo-saxons (KKR, Blackstone, Starwood, Calpers, Scottish Widows …), pour leur part, ont fait mains basses sur : Le Lido, Le Crillon, La Haute Couture Ungaro, Les Chaussures André, Les Surgelés Picard etc.
Quant aux Fonds spécialisés dans les fusions/acquisitions (Quantum –Georges Soros, Carlyle –famille Ben Laden- qui vient, entre autres, de récupérer le friche ‘Imprimerie nationale’, sise dans le XV° arrondissement de Paris…) dont la technique est celle du « lego financier » c’est à dire du dépeçage d’entreprises pour en extraire « la cash », l’achat par pur endettement puis remboursement ultérieur sur « la bête » grâce aux bénéfices et plus-values qui en sont retirés. Il faut savoir que déjà 5 000 PME (entreprises de moins de 250 salariés) sont déjà passées sous contrôle étranger : Revillon, Mont-Blanc, Collants Dim etc. et cela est loin d’être terminé !
Les transferts de technologie contre l’accès à des marchés sont devenus monnaie courante. C’est ainsi que l’on assiste, impuissant, à l’européanisation –et maintenant la mondialisation- des entreprises de ‘Haute technologie’ : EADS, MBDA-Missiles, AIRBUS, AREVA ( ?) etc. La Compagnie European Intelligence Service mentionne même le fait qu’un fond américain- créé par la CIA aurait pu s’emparer de la société GEMPLUS (leader en matière de carte à puce) si la société SAGEM n’avait pas jouer les ‘chevaliers blancs’ !
Une étude récente de la banque « MORGAN STANLEY », qui porte sur les Fonds dits ‘Souverains’ –ultime avatar de la mondialisation résultant du recyclage des excédents pétroliers et des surplus d’épargne de certains états- montre que ces derniers sont capables de mettre sur le tapis aujourd’hui 2 500 milliards $ et en 2015 seront capables vraisemblablement d’en aligner 15 000 (soit l’équivalent de la moitié du Produit Intérieur Brut européen !). Ainsi le QIA ‘Qatar) a – il pris une participation à hauteur de 6% dans le Groupe Lagardère, KIA (Koweit) : 7% chez Daimler –Chrysler. GPF(Norvège)est présent dans près de 100 entreprises françaises :EDF, AXA, BNP, M6 …, sa force d’intervention étant de 300 milliards $. DIC (Dubaï) est devenu majoritaire dans les sociétés gérant les terminaux portuaires aux E-U et ainsi de suite…
A cet ultra-capitalisme s’ajoute donc la puissance de la force étatique ; ce qui veut dire que ces fonds peuvent disposer d’une influence politique dans les pays où ils investissent (ne serait-ce que par le risque de retrait massif de capitaux qu’ils sont capables d’imposer aux économies nationales).
A ce niveau de l’exposé il est utile de rappeler l’une ces conséquences sociales de ces manœuvres prédatrices : 400 000 chercheurs européens (niveau Doctorat) sont partis aux E-U, 2 000 000 de Français se sont expatriés, , 1,5 milliard de personnes dans le monde -soit un tiers de la population en âge de travailler- sont « potentiellement sous utilisés » (Source : Bureau International du Travail).
Et enfin pour terminer ce chapitre, il est également indispensable de rappeler l’essor extraordinaire des mafias, en tous genres et de tous pays (russe, chinoise, albanaise, colombienne , tamoul, israëlienne, turque, indo-pakistanaise etc.) qui sont capables de générer 2 000 milliards $ en attente de recyclage …
Pour la beauté du calcul cela fait 6 000 milliards$ de sauterelles financières susceptibles de s’abattre, à n’importe quel moment, sur les marchés financiers pour les perturber ou les économies nationales pour les désorganiser.
Quelles sont les réactions face à cette situation ?
Celles des états et autres organisation s étatiques paraissent bien faibles eu égard les menaces réelles sus-décrites, d’ailleurs on peut se poser la question de savoir s’ils ont réellement les moyens d’agir pour contrecarrer les méfaits avérés ou éventuels, (même s’il n’est pas question d’éluder certains bienfaits qui peuvent en résulter en matière de création d’emplois notamment) de ces puissances financières mondiales …
Le 17 mars 2007 : 20 syndicats du monde entier ont lancé un appel visant à construire une parade contre l’emprise croissante des Fonds d’investissement, en mettant l’accent sur les conséquences négatives du développement fantastique de ce capitalisme financier, généré par un ‘libéralisme’ forcené et exacerbé par une réglementation insuffisante.
La dénonciation de l’apparition de « Bulles financières » (‘webienne’, immobilière ou mobilière) a été dénoncée par des ‘Grands’ patrons de l’économie, comme Henri Lachman (PDG de Schneider Electric) ou encore un des dirigeants d’AXA. Aujourd’hui nous voyons bien comment la technique de la « Titrisation »l’absorption des créances douteuses » peut, par subtile osmose, se faire par répercution sur l’ensemble des marchés financiers et finalement, par dilution, être supporté massivement par les acteurs les plus faibles desdits marchés (les particuliers-investisseurs notamment).
A coté de ces praticiens de l’économie, des théoriciens ont haussé le ton pour attirer l’attention du public et des pouvoirs publics sur ces dangers bien réels.
Le grand économiste Nicolas Kaldor avait démontré dans ses ouvrages que l’Histoire montrait à l’évidence que le ’Libre-Echange’ tendait à favoriser les pays dominants au détriment des autres. En 1984, il avait écrit : « L’industrie a besoin de protection dans deux cas : quand elle est dans son enfance et quand elle est dans sa vieillesse ». La concurrence extérieure ne stimule que si elle s’exerce dans certaines limites, sinon elle tue. L’Europe s’est vu ainsi affaiblie petit à petit dans ses points forts : l’industrie, mais au profit de qui ? elle regrettera certainement un jour d’avoir abandonné l’ossature de son économie et d’avoir livré ses secteurs les plus faibles aux prédateurs internationaux.
Et récemment (dans les années 2000), deux prix Nobel d’Economie (s’il vous plait !) se sont exprimés sans ambiguïté sur le sujet :
Joseph E. Stiglitz (ancien conseiller du président Bill Clinton) quand il écrit : « Aujourd’hui, la mondialisation, ça ne marche pas ; ça ne marche pas pour les pauvres du monde ; ça ne marche pas pour l’environnement ; ça ne marche pas pour la stabilité de l’économie mondiale. », attire par ailleurs l’attention sur les risques de spéculation concernant les pays émergents, montre en fin de compte que la mondialisation est un non-sens et qu’il est urgent que les Etats interviennent pour restaurer la concurrence saine et non faussée, en luttant contre les monopoles et autres ententes illicites (comme la téléphonie).
Pour sa part le Professeur Maurice Allais est encore plus cinglant quand il publie : « (à propos de la libéralisation mondiale excessive des échanges) Cette évolution s’est produite sous l’influence de plus en plus dominante des sociétés multinationales américaines, puis à leur suite des sociétés multinationales du monde entier. Ces sociétés multinationales ont chacune des centaines de filiales. Elles disposent d’énormes moyens financiers, et elles échappent à tout contrôle. Elles exercent de fait un pouvoir politique exorbitant. Elles seules bénéficient de la libéralisation inconditionnelle des échanges sur tous les plans.
En fait, cette évolution s’est accompagnée du développement d’un capitalisme sauvage et malsain.
Quelles sont les pratiques de ces marchés financiers et pour quels résultats ?
Si les Bourses sont les organes pivot de ces marchés. On ne peut pas dire qu’ils procèdent de la quintessence de la ‘rationnalité’ des comportements de ‘l’homo economicus’ La Bourse ressemble en fait bien souvent à l’un de ces jeux où les participants votent non pas pour leur choix propre mais en fonction de ce qu’ils pensent devoir être le choix majoritaire.
« Les ‘marchés financiers’ sont foncièrement instables, c’est leur raison d’être ». Edouard Tétreau, dans un livre plein d’humour ‘Au cœur de la folie financière’, comme le dit la quatrième de couverture : (l’auteur) nous fait découvrir ici l’irrationnel du théâtre d’ombres de la planète Finance » et il sait de quoi il parle puisqu’il fut analyste financier. On peut y savourer les délices de la manipulation des actionnariats, de la création de bulles, la volupté de commettre des délits d’initiés, de réaliser des ‘effets de levier’ exorbitants, les mystères des boites noires des produits dérivés (le qualificatif est involontairement savoureux !) etc. si on ajoute à cela la magie de la ‘Titrisation’, l’art de pratiquer le LBO (Leverage Buy Out), le monopoly des fusions/acquisitions et la pratique outrageante des ‘Stock options’ de leurs accompagnateurs les ‘Retraites dites d’entreprises, qualifiées non sans humour de « chapeau » (!) on comprend mieux alors pourquoi les marchés financiers sont loin du modèle de fonctionnement d’un marché dit de ‘concurrence pure et parfaite’ dont il faut rappeler les hypothèses théoriques prévalentes : atomicité des agents, homogénéité des produits, libres entrée/sortie sur le marché, transparence des informations et mobilité des facteurs de production.
En réalité on assiste à un dysfonctionnement où les investisseurs institutionnels et autres riches opérateurs dictent leurs exigences , notamment au détriment des PME, en recherchant des ‘effets de levier’ (rapport entre dettes et fonds propres) extravagants, en utilisant des outils financiers sophistiqués difficilement contrôlables et en exerçant leur pouvoir de faire endosser les risques engendrés aux autres agents de l’économie. Mais les intermédiaires « de tous poils » ne sont pas en reste quand on sait qu’après le ‘blanchissement de l’argent sale’ existe désormais ‘le salissement de l’argent propre’ par la technique de camouflage dite de l’ETBIDA’ , où l’on se réfère allègrement au concept de l’EBE (Excédent Brut d’Exploitation) au lieu de celui plus juste du RE (Résultat d’Exploitation) permettant par là-même de dissimuler les ‘survaleurs’ (ou surcoûts) et autres frais et commissions d’intermédiation. Car il faut savoir que les commissionnements hallucinants : 2% d’un marché mondial évalué à 2 000 milliards !. C’est ainsi que les services financiers représentent aujourd’hui dans les pays développés entre 5 et 10% du PIB (Produit Intérieur Brut).
Ce n’est pas sans raison qu’Eva Joly, ex-magistrate du pôle financier français, vient de pousser un « coup de gueule » en dénonçant un pays (malheureusement : la France) « qui responsabilise ses enfants et ses fous, mais irresponsabilise ses élites », ce qui indique bien que notre pays n’est pas le dernier de la classe, en ce domaine.
D’ailleurs deux économistes : Davis Thesmar et Mathieu Thoenig (polytechniciens, l’un français, l’autre suisse) viennent de démontrer que le développement et l’internationalisation de la sphère financière se faisait au détriment de la partie « réelle » de l’économie (notamment les salariés) dans une étude portant sur les entreprises cotées françaises –période 1977/2003-. En effet les résultats de leurs investigations montrent que les entreprises auraient versées davantage à leurs investisseurs (en devenant certes plus rentables mais aussi plus volatiles) aux dépens de leurs travailleurs. En fait ils ont clairement posé le problème du partage de la Valeur Ajoutée et de l’affectation des risques.
Quelles conclusions doit-on en tirer et quelles peut-on propositions faire ?
Si l’application de la théorie des ‘avantages comparatifs’ permet globalement l’amélioration globale des richesses par l’obligation de spécialisation, là où se situe le meilleur savoir-faire, qu’elle entraîne, cette évolution accélérée peut être extrêmement coûteuse pour les pays qui la pratiquent sans discernement parce qu’elle expose ses membres à des fluctuations plus fortes de l’activité. Car le dilemme est celui du partage de la valeur ajoutée en fonction des risques encourus.
Car si les investisseurs peuvent couvrir les risques qu’ils prennent, moyennant un coût supplémentaire, grâce à l’utilisation notamment des produits ‘dérivés’, les travailleurs, eux, ne le peuvent pas et souffrent fatalement d’une surexposition aux aléas. Car comment les salariés, eux, peuvent-ils s’assurer contre ces chocs violents qu’ils subissent ? Et que leur importe de bénéficier de baisses de prix (d’ailleurs souvent érodées par des baisses de qualité), en tant que consommateurs, s’ils perdent par ailleurs leurs sources de revenus par suppression de leurs emplois ou voient leurs revenus ‘réels’ (c’est à dire en termes de pouvoir d’achat) diminuer par la stagnation de leurs rémunérations ?
Le drame est qu’il est impossible de vouloir conserver une protection sociale (élaborée patiemment depuis des lustres) en acceptant d’acheter et de consommer des biens et des services aux prix (c’est aux coûts) de pays producteurs qui, eux, disposent peu ou prou de protection sociale. Il faudra bien un jour trancher ce nœud gorgien : ou bien renoncer aux « avancées sociales », par souci d’égalitarisme, et par conséquent accepter des chutes drastiques de niveaux de vie ou bien faire payer les disparités de niveaux de vie en rétablissant des frontières et des droits de douane. Dans une optique « d’égalité et de réconciliation », il existe bien une solution : réattribuer les droits de douane perçus aux pays qui ont la volonté de remonter leur niveau de protection sociale, mais est-ce bien réaliste ? Car quel(s) sera (ont) le pays (ou les pays) qui acceptera (ont) de donner l’exemple et pourra-t-on contrôler la bonne affectation de ces sommes quand on connaît le niveau de corruption régnant aujourd’hui sur la planète ? Est-on pour autant condamner à voir se reconstituer, pour plaire à Platon, une économie d’esclavage, sachant « qu’esclavage loin des yeux = esclavage loin du cœur » ?
En tout cas un pays semble avoir donné l’exemple : le Japon. Les fonds d’investissements n’y sont pas les bienvenus ! Le 1à juillet 2007 le raid lancé par le Fonds d’investissement américain ‘Steel Partners’ sur le fabricant nippon de condiments ‘Bulldog Sauce’ a subi un échec cinglant. La cour d’appel de Tokyo a débouté ‘Steel Partners’ en confirmant la décision du tribunal du 26 juin, précisant que : « le fonds avait montré que son principal objectif était d’empocher des profits par des transactions financières et, éventuellement par la cession des actifs de la société. » et qualifiant le prédateur d’’acquéreur abusif’ . La Cour d’appel a d’ailleurs rappelé que : « le profit est généré par des activités économiques impliquant, entre autres, les salariés et les consommateurs ». C’est dans cette optique que la société ‘Bulldog Sauce’ a distribué des bons de souscriptions à tous ses actionnaires (sauf ‘Steel Pertners’ indemnisée à hauteur de 13,6 millions d’euros). Cette pilule ‘empoisonnée » a eu pour effet de diluer la part détenue par le Fonds de 10, 15% à 3% environ.
La « Jeanne d’Arc » du Groupe Madame Shoko Ikepa a dit vouloir « défendre une histoire de 105 ans et une marque unique ». Ce plan de défense a d’ailleurs été adopté par 83,4% des actionnaires… D’autres Fonds ont subi des échecs analogues et les entreprises japonaises sont très sensibilisées à ce problème. C’est ainsi que le pourcentage d’investissements étrangers n’est que de 2,4% contre 47,4% en France ! Depuis patronat et gouvernement japonais sont même allés plus loin en unissant leurs efforts pour rendre les fusions triangulaires (c’est à dire par le biais de filiales) très difficiles en imposant un dispositif fiscal opérant comme un véritable barrage.
En conclusions les propositions susceptibles d’être avancées vont dans le sens de « plus de transparence et de régulations » :
1) l’instauration de la libération des échanges uniquement dans le cadre d’ensemble régionaux économiquement et politiquement associés, regroupant des pays de développement économique comparable (la « petite Europe » par exemple), chaque association régionale se protégeant raisonnablement vis à vis des autres par :
o 1.1) Interdiction de prises de participation étrangères dans des entreprises nationales (ou européennes ?) présentant un caractère stratégique pour le pays (ou l’Union économique) ;
o 1.2) Mise en place d’un système de normes d’hygiène et de sécurité réaliste et efficace
o 1.3) Elaboration d’un système de quotas sur les produits fabriqués par la Communauté (contingentement) modulables dans le temps et selon les secteurs et les produits ;
2) Une proposition de recherche d’outils à mettre en place, permettant de mettre au point une politique des Revenus ou des Rémunérations, pouvant servir de base à une négociation sur le partage de la Valeur Ajoutée.
3) Le renforcement des moyens accordés aux juridictions de contrôle de la régularité des opérations financières (après redéfinitions et précisions de règles éthiques dans ce domaine), contrôles des flux importants de capitaux par une Autorité financière centrale ou niveau pays ou (Union financière) et exercices de pressions pour éradiquer « les paradis fiscaux artificiels » (« The existence of widespread tax avoidance is evidence that the system, not the tax payer, stands in need of radical reform » a écrit Nicolas Kaldor), le bon sens commandant de s’en remettre à cet aphorisme :
« Mon Dieu, donne-moi le courage de changer les choses que je peux changer, la sérénité d’accepter celles que je ne peux pas changer et la sagesse de distinguer entre les deux », généralement attribué à Marc-Aurèle et que l’ironie de l’Histoire doit restituer à un obscur pasteur américain du XIX° siècle.
Par Patrick Verro (économiste-financier)
Bibliographie conseillée :
The Role of Increasing Returns, Technical Progress and Cumulative Causation in the Theory of International Trade : Nicolas Kaldor
Alternative Theories of Distribution bye Nicolas Kaldor (Review of economics Studies)
L’Europe en crise - Que faire : Maurice Allais
La Grande Illusion : Joseph E. Stiglitz
Au Cœur de la Folie Financière : Edouard Tétreau
Bon Appétit Messieurs ! La Grande prédation économique en France : Robert Hautlecoeur