Cet archipel de personnalités, de micro-mouvements et de médias aux contours flous est un foyer d’agitation permanent à droite, mais qui se retrouve aujourd’hui dans une impasse politique de plus en plus visible.
Incarnée médiatiquement par Robert Ménard, Éric Zemmour ou Patrick Buisson, ainsi que par l’ancien candidat à l’élection présidentielle Philippe de Villiers ou l’ancien ministre de la Défense Charles Millon, la « droite hors les murs » a vu ses rêves s’envoler ces derniers mois. Elle se rêvait comme une « alt-right » à la française, mais sans Donald Trump, et sous une présidence faisant preuve d’un syncrétisme idéologique propre aux expériences césariennes, elle se trouve aujourd’hui fort dépourvue.
L’échec de François Fillon, puis surtout la désastreuse performance de Marine Le Pen face à Emmanuel Macron lors du débat de second tour de l’élection présidentielle, ont sonné le glas des rêves de cette petite galaxie. L’éclipse politique de Marion Maréchal-Le Pen, que n’a pas compensé l’élection à l’Assemblée nationale d’une députée « hors les murs » en la personne d’Emmanuelle Ménard, n’a pas amélioré l’optimisme de cet aréopage de personnalités en quête d’un débouché politique.
Malgré son traditionnel pessimisme, cette droite s’était pourtant laissée porter, quelques années durant, à un relatif optimisme quant à ses chances de peser politiquement. Les cinq années de présidence de François Hollande lui avaient fait espérer une influence exponentielle. La Manif pour tous (LMPT) avait donné naissance à un vaste mouvement conservateur, aux marges duquel une myriade de groupes militants avaient pris leur essor. Après la présidence Sarkozy, le retour de flamme identitaire avait porté le débat public à incandescence. À l’automne 2016, la primaire de droite avait porté François Fillon, soutenu par les militants les plus conservateurs de la droite parlementaire, à la candidature à l’élection présidentielle. Économiquement le plus souvent libéraux, marqués par un conservatisme militant, les membres de cette droite « hors les murs » aspiraient alors à changer le programme trop « à gauche » (c’est-à-dire étatiste sinon statolâtre) du FN et à imposer des mesures programmatiques à LR.
« Oz ta droite » sans magicien
Si cette « droite hors les murs » est privée d’un instrument de formation de cadres politiques, elle n’est pas démunie d’outils pour mener son combat symbolique. Elle dispose de relais comme Boulevard Voltaire ou Valeurs Actuelles, ce qui demeure un réel atout. Surtout, elle bénéficie d’une municipalité de taille importante avec Béziers, dans l’Hérault, capitale d’un univers fiévreux dont l’opiniâtre animateur est Robert Ménard. Vitrine ou laboratoire, Béziers sait aussi se faire forum des droites au cours de rencontres autour de figures comme Éric Zemmour ou Jean-Yves Le Gallou, conviés pour des conférences dans la cité héraultaise.
Le rendez-vous qui s’y tint en mai 2016 devait ainsi être le détonateur d’une insurrection d’un peuple de droite soumettant les états-majors partisans FN et LR. Mais l’affaire fut compromise quand Marion Maréchal-Le Pen quitta les lieux suite à une de ces polémiques et un de ces coups d’éclat dont la « droite nationale » (c’est-à-dire l’extrême droite lorsqu’elle se nomme elle-même) a le secret. « Oz ta droite », le « Podemos de droite » de Robert Ménard, ne trouva pas son magicien.
Pour que « Oz ta droite » existe et pèse politiquement, il aurait fallu, d’une part, qu’aucun groupe n’occupe le même espace politique. Or, le cavalier seul des identitaires, aux idées très proches de la majorité des personnalités de la « droite hors les murs », prive sans doute ce mouvement d’une capacité d’impulsion politique débordant les frontières de Béziers et de sa circonscription législative. Ce mouvement identitaire, sans être assimilable dans son ensemble à cette « droite hors les murs », a d’ailleurs contribué à lui fournir des cadres politiques (le cadre du Bloc identitaire Christophe Pacotte fut ainsi un temps éphémère membre du cabinet de Robert Ménard), voire des élus, comme Philippe Vardon, devenu conseiller régional de PACA sur la liste FN. Une confirmation du débouché électoral d’un mouvement identitaire qui impose ses mots et occupe l’espace convoité par la « droite hors les murs ».