Comment éviter que le fédéralisme n’affaiblisse la Nation ?
Virgile écrivait : « E pluribus unum », soit : « Un, à partir de plusieurs. » Cette phrase fut utilisée comme devise des États-Unis d’Amérique dans les jeunes années de la république. C’est assez représentatif de la nécessaire union des treize colonies face à l’Empire britannique comme auparavant les cantons d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald s’unirent contre les Autrichiens.
Dans une acception moderne, le fédéralisme s’appuie sur trois principes. Le principe de séparation qui répartit les pouvoirs entre deux niveaux. Un niveau fédéral qui détiendra au minimum les pouvoirs en matière monétaire, en matière de politique étrangère et de défense correspond au territoire englobant toutes les entités fédérées.
Le niveau fédéré, correspondant à chaque petite entité géographique (cantons suisses, Länder allemands, États américains, provinces canadiennes, etc.) qui peut détenir les pouvoirs déterminés par la constitution fédérale, et s’organiser suivant sa propre constitution à partir du moment où cette dernière est conforme à la première. Il y a superposition des échelons décisionnels.
Cette séparation peut entraîner une lutte entre les pouvoirs fédérés et le pouvoir fédéral qui en temps de paix est bénéfique pour le citoyen et le droit si ce conflit est tranché par une cour suprême. Ce qui pose alors la question de la qualité du recrutement de la cour suprême ou de l’équivalent fonctionnel. Il est possible d’y voir une forme de la séparation des pouvoirs de Montesquieu.
Le principe d’autonomie permet à chaque entité de s’organiser telle qu’elle l’entend dans la limite des règles prédéfinies. L’histoire des États-Unis fut entre autre une lutte entre le pouvoir fédéral et les États pour étendre leurs prérogatives. Le principe de participation, qui permet à chaque entité fédérée d’être représentée au niveau fédéral, ce qui justifie le bicaméralisme en État fédéral. Si le Bundestag représente les citoyens allemands, le Bundesrat représente les Länder.
La fédération est différente de trois choses. Il y a verticalité entre le niveau fédéral et le niveau fédéré, ce qui distingue la fédération de la confédération où l’échelon supérieur n’existe pas. De manière générale, aucune confédération n’a duré à travers l’histoire. Contrairement à son nom officiel, la Suisse n’est plus une confédération.
L’État régional, comme l’Espagne ou l’Italie, se distingue du modèle fédéral en ce qu’il est plus récent et que les entités du niveau inférieur n’ont pas de constitution propre. L’organisation qui s’oppose vraiment au fédéralisme, c’est l’État unitaire, où il n’existe qu’un échelon décisionnel, l’État, qui peut se décliner en déconcentration et décentralisation, ce qui demanderait un autre texte.
L’un des avantages du fédéralisme, le plus souvent avancé, est la cohabitation de différentes cultures, de différentes langues et religions, comme le montrent la Suisse, l’Inde ou l’Allemagne d’une certaine façon. Mais ces enracinements ne sont pas un frein au patriotisme, bien au contraire. Ainsi est-il possible d’être Vaudois, fier de ses origines et fier d’être Suisse, comme d’être fier d’être Bavarois et fier d’être Allemand.
Suite à cette description trop succincte, la question qui se pose est de savoir pourquoi certains États sont des fédérations et d’autres pas.
Il s’agit de voir qu’il y a deux processus historiques, l’union et la désagrégation pour aboutir à une fédération.
Le plus ancien est l’union. Plusieurs États finissent par n’en former plus qu’un. Ainsi, les cantons suisses se sont unis contre les Autrichiens, les Länder allemands se sont associés contre la France en 1870, les États américains contre les Anglais. Il s’agit là d’une union contre l’ennemi commun, mais entre des entités ab ovo égales, mais qui ne se fondent pas en un tout uniforme.
D’autres États sont devenus des fédérations aussi pour des raisons pratiques, compte tenu de la superficie de ces pays et/ou de la difficulté des communications, de certaines populations clairsemées, ou encore d’une conquête progressive à partir d’un point de départ, comme le Brésil, la Russie ou l’Australie. Petit à petit, au fil des conquêtes, de nouveaux États se sont agrégés comme la République du Texas aux États-Unis d’Amérique en 1845.
La fédération n’est pas alors une théorie que les gouvernants ont souhaité appliquer, c’est le consensus qui a mis tout le monde d’accord. Le fédéralisme est alors une solution pour le long terme afin d’unir des entités qui ne se fondent pas en une seule, mais se soumettent à un échelon supérieur sur certaines questions, tout en participant aux processus décisionnels.
La seconde logique est le fédéralisme par désagrégation. Un seul État unitaire finit par se diviser en plusieurs entités.
C’est le cas en Belgique ou en Irak. Ce n’est pas une solution, ce n’est que le symptôme du problème. En effet, à l’intérieur d’un pays, des communautés ont été montées les unes contre les autres jusqu’à ne plus supporter la cohabitation.
Le fédéralisme n’a été retenu en Belgique que parce que Bruxelles pose problème dans le découpage du pays entre Flandres et Wallonie. En Afrique du Sud avant l’abolition de l’apartheid, c’était même un projet conscient puisque l’ethnodifférentialisme aboutissait à créer à partir des bantoustans fédérés des États qui deviendraient à terme indépendants. Il peut alors ne s’agir que d’une étape dans un processus de division en plusieurs États plus petits ; ce fut d’une certaine façon ce qui arriva à la République fédérative socialiste de Yougoslavie.
L’histoire ne peut pas être réécrite et la France n’est pas née de l’union d’entités juridiquement égales, mais de la reconquête progressive de ses vassaux par un suzerain. Elle est donc culturellement et naturellement un État unitaire plutôt que fédéral.
Si un jour la France devait devenir une fédération, encore faudrait-il être sûr que ce ne soit pas pour l’affaiblir, en jouant la carte des régions fédérées conte le pouvoir central, mais bien pour unir les forces de chaque région contre l’ennemi commun si jamais il y en avait un.
La solution serait alors : des régions fortes pour une France forte.