Alors que je rentrais de Paris, du haut de ma prétention intellectuelle, chez mes parents au fin fond la Lorraine, j’avais une idée en tête.
Les saines lectures des livres de Soral ou encore de San Giorgio, me faisaient comprendre la fin d’une ère, le début d’un cataclysme moral si grand, qu’il allait bientôt nous pousser les uns contre les autres, vers le choc des communautés, qu’elles soient religieuses, ethniques ou sociales. J’avais compris les solutions prophétiques proposées par Barjavel dans son roman magnifique « Ravage ».
Je voulais donc, du haut de ma prétention de petit intellectuel merdeux, réalisateur et nouvellement écrivain, tout expliquer à mes parents et surtout leur donner des solutions, eux simples ouvriers de père en fils, miniers salins ou paysans. Je suis un merdeux mais pas un salaud, j’aime les parents.
Tout devait y passer, la récitation des leçons soraliennes auraient fait place aux solutions de survies sangiorgienne (désolé Piero si tu lis cet article !) avec mise en place de potager, tentative d’autonomie énergétique mais aussi défense.
J’arrivais donc dans la maison familiale plein d’envie et de choses à dire, je montais les vieux escaliers, arrivais dans la cuisine et passais la porte fenêtre menant au jardin et me sentis tout à coup assez mal devant ce que je pensais être ma grandeur.
Oui, l’instinct ouvrier et paysan existe, l’instinct du peuple est bien là.
La vue de mon paternel, ressemblant de plus en plus à mon grand père qui lui même était le sosie exact de Jean Gabin, en train de planter dans le jardin qu’il avait transformé en potager me fit comme un choc. Positif. Je levais alors la tête et au fond du jardin s’élevait un mur, non pas un mur de honte mais bel et bien un mur de protection, mais aussi de discrétion.
J’avais honte.
Je me retournai vers ma mère pour retrouver le réconfort d’antan et l’entendis dans la cave. Stupeur. Elle était en train de ranger le stock de nourriture d’au moins trois mois qu’elle avait minutieusement préparé petit à petit dans la pièce pour me laisser place dans mon ancienne chambre d’adolescent. J’étais parti trop vite, j’avais refusé trop tôt la transmission de ma région natale, j’avais perdu en croyant à tous ces mensonges de la force intellectuelle face à la force enracinée, j’avais cru aux sirènes parisiennes qui ne font que briser l’homme, que casser les âmes. Je retrouvai en quelques minutes mes vieux, plus conscients que jamais, plus vivants et pour toujours, face à leur fils, la tête bien pleine certes, mais bien faible face au mur de vérité.
« Ah tu fais un stock de nourriture ? », lui demandai-je aussi doucement que possible.
« Oui, me dit-elle. On ne sait jamais, mieux vaut être prudent. Tu as vu, ton père a refait un potager, on va pouvoir manger des bons légumes ! »
J’avais honte. Je l’ai déjà dit mais je le répète. Moi le symbole de cette génération croyant se surclasser mais qui en réalité se déclasse sans cesse dans la misère en devenant des bons à rien (sauf à la manipulation de tout poil). Il m’avait fallu trois ans de ré-informations, trois ans de lectures et de travail pour me défaire de toute la puanteur moderne apprise en classe et dont je sniffe encore l’odeur de temps en temps, puis à la fac, jusqu’au master. Et maintenant je découvre ça. Que tout était logique.
Toute cette prise de conscience était en réalité naturelle. L’obligation de devoir l’intellectualiser anormale. Je vivais dans cette anormalité. Les gens ici n’analysent rien, ils vivent, ils agissent. Point barre.
Tout le village s’y était mis, certains même, les chasseurs, avaient proposé leurs services pour, je cite, « chasser la racaille du lotissement et assurer la protection de leurs voisins ». En toute discrétion. Si quelqu’un avait un problème, le quartier avait une solution. Avantage de vivre à côté de gens sains et amis, avantage d’avoir partagé tous ces barbecues de quartiers et d’avoir évité les incivilités entre nous tous.
Et moi qui jonglais, sur Paris, entre les intermédiaires communautaires arrogants, les fils de l’immigration « chances pour la France » raquetteurs et voleurs, et la saleté qu’est devenue notre capitale. Je redécouvrais ce que voulais dire des mots simples comme gentillesse, générosité, amitié et surtout silence.
Lorraine chérie, Famille saine, je vous ai trahis, pardonnez-moi. Le bon sens guidera désormais ma vie.
(Pour information au cas où certains n’auraient encore pas compris. Marine Lepen est arrivé en tête des suffrages dans ma petite ville avec un total de 30% des voix. Mélenchon ou Hollande ? Prononce ces noms et on te rira au nez !)
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