« Internet et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse » : c’est le thème du « débat » qui s’est tenu le 24 mars dernier au Sénat. L’occasion pour Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, de présenter l’avancement de son travail sur un projet de loi qui devrait être présenté en juin prochain.
La jeune femme a introduit son discours en expliquant :
« Internet a permis le meilleur. [...] Mais Internet est aussi le véhicule du pire […] Il est donc temps d’adapter la loi de 1881 à l’ère du numérique. »
La secrétaire d’Etat a ensuite présenté pêle-mêle, parmi les mesures formulées par la Commission consultative des droits de l’homme le 12 mars derniers, celles qui font actuellement l’objet d’une « expertise juridique », soit :
la modification des notions d’espace public et privé ;
la création d’un référé numérique pour simplifier les procédures ;
l’extension du régime de la responsabilité pénale des personnes morales « au-delà des seules entreprises de presse » ;
l’instauration d’un « droit de réponse numérique pour les associations » (sic).
Un plan de travail dans la lignée de la présence d’Axelle Lemaire aux « Assises de la lutte contre la haine sur Internet » organisée par l’UEJF en février dernier.
Plus inquiétant encore, cette évolution de la loi de 1881 semble approuvée aussi bien à gauche qu’à droite, à en croire l’intervention du sénateur UMP de Paris, le très sarkozyste Pierre Charon :
« Nous ne pouvons pas nous abriter derrière la loi de 1881 pour justifier notre passivité. La liberté d’expression est au service de l’homme, non de desseins nihilistes. »
Pas mieux du côté de « la gauche de la gauche », où la sénatrice EELV Esther Benbassa a expliqué :
« Le cadre procédural de la loi de 1881 n’est pas adapté au web 2.0 [...] il est urgent de créer un ordre public numérique. »
Notons que la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui régit en grande partie la liberté d’expression en France, a déjà été maintes fois amendée et largement vidée de sa substance. Ne serait-ce que par la loi Pleven de 1972, relative à la « lutte contre le racisme », ou encore la loi Fabius-Gayssot de 1990 (interdisant la contestation du jugement du Tribunal militaire de Nuremberg), dont les textes respectifs ont été insérés dans la loi de 1881.
Axelle Lemaire doit remettre son projet de loi en juin, ce qui, au niveau du calendrier, signifie que ce nouveau recul pour la liberté d’expression passera pendant l’été, en douce.