« Si vous avez une conversation à table et que tout le monde est d’accord, à quoi bon débattre ? J’aime touiller le consensus. C’est le rôle de l’art de provoquer de nouvelles questions, le cinéma est intéressant lorsqu’il interpelle. »
« Sur les réseaux sociaux, des gens prennent position en souriant sans cesse, non pas pour s’occuper des autres ou prendre leurs responsabilités, mais dans l’unique but de se mettre en valeur. Je déteste ce comportement très proche de la philanthropie. On ne peut connecter le terme philanthropie qu’avec celui de milliardaire. Quand j’entends des gens s’extasier sur la philanthropie de Bill Gates, je me dis qu’on a de la chance. Il pourrait n’être qu’un diabolique capitaliste. »
« L’anglais est ma deuxième langue à cause de la Seconde Guerre mondiale. Avant, la Suède était très germanophone. Est alors arrivé ce petit Autrichien colérique qui a foutu le bordel. Nous avons été très opportunistes et avons adopté l’anglais. La domination de la culture anglo-saxonne a changé la perception de l’histoire. »
« On peut créer un cheval de Troie pour critiquer le monde anglo-saxon et l’influence des États-Unis et celle du Royaume-Uni. »
« La gauche ne s’occupe pas de la classe ouvrière. »
Probablement influencé par le cinéma de Chabrol et de Buñuel, le réalisateur suédois Ruben Östlund aime visiblement appuyer là où ça fait mal en ce qui concerne les problématiques contemporaines. Ses thèmes de prédilection ? La place de l’homme dans les sociétés modernes, la gestion du balancier entre égalité et inégalité, le poids des nouvelles valeurs et l’emprise globale de la société capitaliste sur le monde.
Fils d’une mère communiste et d’un père instituteur, Ruben Östlund a grandi dans une petite île (majoritairement peuplée de chrétiens protestants) au large de Göteborg dans les années 70 et 80. Ayant fait ses armes en tant que réalisateur de petits films sur le ski pour des stations de sports d’hiver, il réalise son premier film de long-métrage en 2004 (Gitarrmongot). Dix-huit ans et six films plus tard, il est le neuvième cinéaste au monde à avoir remporté deux Palmes d’or du Festival de Cannes.
Si sa première Palme date de 2017 avec The Square, une comédie dramatique fustigeant l’hypocrisie en milieu culturel (plus précisément dans le monde de l’art contemporain), la seconde lui a été remise en mai 2022 (par un jury présidé par Vincent Lindon...) pour le film Triangle of Sadness (titre traduit par Sans filtre pour le marché français).
La bande-annonce de Triangle of Sadness/Sans filtre :
Le visionnage de cette bande-annonce vous évoque-t-il quelque chose ? Un méga-yacht (le film a été tourné sur le Christina O, 31e plus long méga-yacht du monde en 2013 avec 99 mètres et propriété du milliardaire grec Aristote Onassis entre 1947 et 1975), des happy few du monde entier, une croisière qui ne se déroule pas exactement comme prévu... Les plus anciens lecteurs (et les plus attentifs) auront reconnu la trame narrative de Yacht People, la bande-dessinée créée par Alain Soral (au scénario), Dieudonné (aux dialogues) et Zéon (aux dessins et aux couleurs) et co-éditée par Kontre Kulture et les Éditions de la Plume en 2013 !
Emblème de notre monde de vulgarité, de luxe, de misère et de « struggle » généralisé, Yacht People – huis clos ultra-violent où s’affrontent deux groupes humains que tout sépare – est un thriller d’action à grand spectacle non dénué d’humour noir ! C’est aussi le constat, sans fard, de notre Occident décadent, voguant vers sa fin sur un océan de dollars, de sexe, de mensonges et de sang... (présentation de Yacht People)
Sans dévoiler trop de détails sur le film, remarquons, outre la parenté d’éléments, l’étrange parenté de certains personnages : un commandant de bord alcoolique (français dans la BD, américain et marxiste dans le film), un oligarque juif ventru (présenté comme « russe reaganien » dans le film et comme « bienfaiteur » répondant au nom de Moshé Sussfeld dans la BD), quelques bimbos écervelées, une baronne et des pirates africains...
L’irrévérencieux et indépendant (il a très tôt monté sa propre société de production : Plattform Produktion) réalisateur suédois pourrait-il être un jour tombé sur les œuvres politiques et culturelles d’Alain Soral ?
Le spectateur se fera son avis mais nous ne saurions que trop lui conseiller de relire les deux sulfureux numéros de Yacht People pour aiguiser sa vision de la lutte des classes au XXIe siècle et se taper une bonne tranche de rigolade radicale !
À revoir : Alain Soral présente Yacht People, tome 1 (2013) :
À revoir : Alain Soral présente Yacht People, tome 2 (2014) :
Bonus !
Oscar-nominated Swedish director Ruben Östlund tells journalist that there is a surefire way to win an Oscar :"Just make a movie about WW2 or the Holocaust..since there is a Jewish community in Hollywood with a lot of influence" https://t.co/VnNLz24Kx6
— Annika H Rothstein (@truthandfiction) March 4, 2018
Bonus 2 !
Le film qualifié de « rouge-brun » et de « soralien »
par Camille Nevers (de son vrai nom Sandrine Rinaldi) de Libération