Mercredi, la cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe a validé le deuxième plan d’aide aux créanciers de la Grèce. Mais comme le note la Tribune, cet accord a également été l’occasion pour elle de mettre de grosses limites aux mécanismes à vocation fédéraliste.
L’engrenage fédéraliste cassé
La cour de Karlsruhe est une gardienne intransigeante des intérêts et de la souveraineté de l’Allemagne. Déjà, en 2009, à l’occasion de l’examen du traité de Lisbonne, elle a réaffirmé la supériorité du droit allemand sur le droit européen, refusant ce que notre pays a malheureusement accepté. Elle a mis un verrou protecteur qui permet à tout gouvernement de ne pas appliquer ce qui se fait à Bruxelles, même si cela n’a pas encore été véritablement utilisé.
L’Allemagne se fait également tirer les oreilles pour participer au financement des différents plans d’aide aux créanciers des pays en difficulté. Angela Merkel ne cède en général qu’au dernier moment et refuse fermement d’aller au-delà de ce pour quoi elle s’était engagée au printemps 2010 avec le FESF. Malgré les demandes répétées des institutions européennes et de nombreux pays, elle a refusé une augmentation des moyens du fond européen et le mécanisme d’euro obligations.
La cour de Karlsruhe vient d’ajouter un verrou juridique supplémentaire avec ce jugement puisqu’elle impose que chaque plan soit examiné par le Parlement avant d’être accepté. Elle s’est également prononcée contre le mécanisme d’euro obligations, un refus parfaitement compréhensible quand on étudie un peu sérieusement le mécanisme proposé par le groupe de réflexion européen Bruegel, qui revient à demander à l’Allemagne un cautionnement de 4000 milliards de dettes !
Vers la fin de la monnaie unique
Ce jugement pourrait bien a priori constituer un moment capital vers la déconstruction de ce château de carte monétaire qu’est l’euro. En effet, la cour de Karsruhe vient de refuser à l’Europe la caution allemande que les créanciers des pays en difficulté demandaient. Alors que la France, toujours partante pour prêter davantage, semblait désireuse de prendre de nouveaux engagements en plus des 159 milliards du FESF, l’Allemagne vient de siffler la fin de la fête.
En clair, il ne sera pas possible d’aider les créanciers de l’Espagne et l’Italie si la spéculation vient à reprendre sur les taux longs de ces deux pays. Certes, la situation s’est calmée depuis cet été et les taux sont stabilisés autour de 5%, mais la BCE ne va sans doute pas vouloir racheter l’intégralité de la dette de ses pays et finira par stopper ses achats. Et là, si la spéculation reprend, le château de carte finira par s’effondrer. Les fédéralistes ont perdu une bataille décisive.
Plus globalement, même s’il ne faut pas sous-estimer la volonté des socio-démocrates et des Verts, qui semblent prêts à signer ces cautions, il ne faut pas sous-estimer non plus ceux qui refusent toute dérive fédéraliste et les chèques en blanc que certains sont prêts à signer. Le patron de la Bundesbank et l’économiste en chef de la BCE ont démissionné pour de telles divergences. L’euro a toutes les chances de s’inviter aux législatives de 2013 et le débat sera corsé.
Merci encore à la cour de Karlsruhe pour ce jugement qui refuse les dérives fédéralistes irresponsables souhaitées par certains. Rendez-vous dans deux ans pour une campagne électorale allemande qui promet un débat ouvert mais sans doute très dur sur l’euro.