Huit mois après la chute de Hosni Moubarak, l’ambassadeur d’Israël au Caire a été évacué samedi sous la pression de la rue et son confrère à Ankara a été expulsé. Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou fait cependant le dos rond pour préserver la paix avec l’Egypte et l’espoir d’une réconciliation avec la Turquie, deux pays alliés de Washington, qui jouent un rôle pivot dans l’environnement stratégique régional.
Le drapeau israélien qui flottait depuis 1979 au 17e étage d’un bâtiment du Caire a été déchiré et incendié par des milliers de manifestants. Les locaux de l’ambassade ont été saccagés et des piles de documents, jetées par les fenêtres. Suite aux pressions de Barack Obama, six vigiles israéliens piégés derrière une porte blindée ont in extremis échappé au lynchage grâce à l’intervention de commandos égyptiens.
Tout en soulignant « la gravité » de l’affaire, Netanyahou a joué l’apaisement en ordonnant le maintien au Caire, « en lieu sûr », du numéro deux de l’ambassade. Les choses auraient pu tourner à la tragédie, a-t-il dit. Et, toutes voix confondues, la classe politique israélienne rappelle que le traité de paix avec l’Egypte « répond aux intérêts mutuels ». Mais, elle réitère son scepticisme sur le printemps arabe.
« Israël sert d’exutoire aux nasséristes, aux islamistes et aux nationalistes radicaux, tous des frustrés de la place Tahrir, car les élections et la réforme constitutionnelle promises tardent », affirme ainsi l’ex-ambassadeur d’Israël au Caire, Zwi Mazel. C’est pourquoi, selon lui, la rue dicte ses conditions aux chefs militaires au pouvoir au Caire « incapables de maîtriser l’anarchie et le chaos économique ».
Après 32 ans de « paix froide », les exportations d’Israël vers l’Egypte – où l’opinion lui est franchement hostile – atteignent péniblement 50 millions de dollars. A l’inverse, les Turcs connaissent nettement mieux l’Etat hébreu, avec lequel un important accord de coopération stratégique a été signé en 1996. Mais, rien ne va plus depuis l’assaut israélien qui a tué neuf Turcs en 2008 à bord du Mavi Marmara, un ferry en partance pour forcer le blocus maritime de Gaza.
Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan exige des « excuses », et multiplie les déclarations belliqueuses. Il s’apprête à se rendre en Egypte, et peut-être aussi à être reçu à Gaza par le Hamas islamiste palestinien. A Jérusalem, les experts lui prêtent « des ambitions hégémoniques », mais soulignent qu’il s’est gardé de couper les ponts. Le numéro deux de l’ambassade d’Israël à Ankara est maintenu, et le volume des échanges atteindra 5 milliards de dollars fin 2011.
Il n’en reste pas moins qu’Israël apparaît affaibli et isolé, tant au Proche-Orient que sur la scène mondiale, au moment où les Palestiniens veulent demander l’adhésion de leur Etat à l’ONU, en principe le 20 septembre.