De quoi le conflit syrien, qui a fait 250 000 morts depuis 2011, est-il encore le nom ? Une révolte populaire contre un régime autoritaire ? Une guerre par procuration entre puissances régionales ? Une lutte contre le jihadisme international ? Une nouvelle guerre froide entre les grandes puissances ?
Une guerre, si ce n’est mondiale, au moins internationale, avec des combattants de différentes nationalités présents sur le terrain ?
Un peu de tout cela en fait, puisque toutes ces réalités se superposent et rendent la lecture de ce conflit quasiment impossible. Dernier exemple en date avec les raids russes : Moscou affirme que ses frappes visent les positions du groupe État islamique (EI), alors que les Occidentaux prétendent qu’ils sont dirigés contre l’opposition au régime de Bachar el-Assad. Qui a tort ? Qui a raison ? Une seule façon d’essayer de comprendre : revenir à la réalité du terrain, la réalité du sol...
Pour clarifier la situation, L’Orient-Le Jour a établi la liste de qui combat qui, et où, actuellement en Syrie, entre pro et antirégime de Bachar el-Assad, carte, infographie et CV des différentes factions à l’appui. Si ce travail n’a pas la prétention d’être exhaustif, il espère au moins constituer un repère qui rend compte des principales forces en présence et qui répond à quelques-unes des questions que soulève l’emploi des termes « forces du régime » et « groupes rebelles ». Amputée de près de la moitié de ses membres en raison des combats et des défections, l’armée syrienne (150 000 hommes) est soutenue par au moins cinq groupes armés. L’opposition, de son côté, est composée d’au moins six groupes armés, aux tendances très diversifiées. Deux groupes peuvent être considérés comme des cas à part. D’une part, l’EI qui combat dans le même temps les forces du régime et les groupes rebelles. D’autre part, les Kurdes qui ont leur propre agenda en Syrie et dont les allégeances dépendent surtout des contextes locaux et des décisions de la Turquie concernant les différents tenants et aboutissants de ce conflit.
Les principaux groupes armés prorégime syrien
Les Forces de défense nationale (FDN)
Qui est leur leader ?
Elles sont placées sous le commandement du général de brigade Hawach Mohammad. Les unités des Forces de défense nationale (depuis 2013, auparavant Jaïch el-chaabi) sont recrutées au sein des groupes paramilitaires, des comités populaires et des milices « chabbiha ». La création de ces derniers remonterait aux années 1980, lors de la guerre civile au Liban, où la Syrie a été à la tête de nombreux trafics (drogues, armes, etc.). Ces « chabbiha » seraient attribués à Hafez el-Assad, père de l’actuel président, et des membres de sa famille, qui les utilisaient pour les « sales besognes ». Après le début du soulèvement populaire en 2011, ils sont revenus sur le devant de la scène grâce à Maher el-Assad, chef la garde républicaine et de la 4e division de l’armée, en charge de la sécurité de Damas, et frère cadet du président syrien Bachar el-Assad, et à Rami Makhlouf, cousin du dirigeant. Les chabbiha se sont fondus dans les FDN.
Combien de combattants ?
Le 19 mai 2014, le Brookings Institute a évalué à près de 100 000 le nombre de miliciens garnissant les rangs des FDN.
Quel est leur programme/rôle ?
À l’origine, les FDN étaient chargées de la surveillance et de la défense du voisinage. Leur rôle s’étend aujourd’hui aux patrouilles et surveillances des check-points. Elles ont une présence active sur les fronts de combat pour sécuriser les lignes d’approvisionnement et tenir les lignes de défense de l’armée syrienne au cours des opérations militaires.
Où sont-elles opérationnelles ?
À travers toute la Syrie, le long de la côte, comme à Lattaquié, Hama, Idleb, Homs, etc.
Qui les soutient ?
Elles coordonnent leur action avec les forces de l’armée gouvernementale syrienne. Elles sont soutenues par des milices locales, les unités d’élite mobile, et par les combattants du Hezbollah.
Le Hezbollah
Qui est son leader ?
Le secrétaire général du Hezbollah est actuellement Hassan Nasrallah.
Combien de combattants ?
Les effectifs du Hezbollah en Syrie s’élèvent à plus de 8 000 combattants.
Quel est son programme/rôle ?
Le Hezbollah justifiait son intervention dans le conflit syrien par l’impératif de sécuriser la frontière syro-libanaise et la zone stratégique du Qalamoun (la frontière est du Liban), qui donne directement accès à la capitale syrienne. Par son implication aux côtés des forces du régime, il participe activement aujourd’hui aux combats qui visent à stabiliser le pays utile.
Où est-il opérationnel ?
Ils étaient au départ opérationnels entre Ersal et la région syrienne du Qalamoun. Aujourd’hui, on les trouve sur l’ensemble du territoire syrien, aux côtés des forces du régime. Ils ont joué un rôle de premier plan dans les batailles de Kousseir, du Qalamoun, de Sahl el-Ghab et de Zabadani (province du rif de Damas). On les retrouve au sud de la Syrie, près du Golan, et au Nord, dans la province d’Idleb.
Qui le soutient ?
Le Hezbollah coordonne étroitement son action avec les forces du régime et les pasdaran. Il est soutenu par l’Iran et la Russie. À ses côtés, on retrouve la milice des chiites afghans de l’ethnie des Hazaras, évaluée à environ 3 000 combattants et présente dans la province de Deraa (Sud).
Forces iraniennes/pasdaran
Qui est leur leader ?
L’actuel commandant en chef du corps des gardiens de la révolution islamique est le général de division Mohammad-Ali (Aziz) Jaafari. En Syrie, le chef de la Brigade al-Qods, force d’élite chargée des opérations extérieures des gardiens de la révolution (pasdaran), est le général Kassem Souleimani, qui obéit directement à l’ayatollah Khamenei. Son adjoint, le général Hossein Hamedani, a été tué jeudi 8 octobre (2015) dans la région d’Alep dans des circonstances inconnues, aux mains de l’État islamique (EI), selon la République islamique. Il était directement responsable de l’envoi de troupes (iraniennes et autres) en Syrie depuis 2012.
Combien de combattants/membres ?
Dès début 2012, l’Iran a envoyé plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de commandants et de conseillers militaires à Damas dans le but d’aider le régime, tout en réfutant la présence de soldats iraniens. Toutefois, début juin 2015, plusieurs témoins et sources au sein des services de sécurité syriens ont fait état de la présence de plus de 7 000 combattants iraniens, mais aussi surtout irakiens.
Quel est leur programme ?
Initialement présents en Syrie dans le but de défendre le pays et le régime Assad, les pasdaran ont également de nombreux intérêts économiques et commerciaux. Ils cherchent surtout à sécuriser des routes stratégiques d’approvisionnement, en armes notamment, vers le Liban, via la Syrie.
Où sont-ils opérationnels ?
Selon certaines sources, ils se trouveraient surtout dans la province d’Alep, de Lattaquié, à Zabadani et dans le Qalamoun.
Qui les soutient ?
Les pasdaran obéissent directement aux ordres de la République islamique d’Iran. Ils sont soutenus par le régime syrien et le Hezbollah libanais.