A cent jours du premier tour de l’élection présidentielle, la campagne a pris un tour polémique et violent entre l’UMP et le PS : la première tente d’affaiblir François Hollande d’ici l’entrée en lice de Nicolas Sarkozy, le second rend coup pour coup.
Rarement l’issue d’un scrutin présidentiel (22 avril et 6 mai) aura été aussi imprévisible, soulignent les politologues : la démoralisation des Français, accentuée par une crise financière et économique sans précédent, peut produire "un jeu de massacre" du type 21 avril 2002, lorsque Lionel Jospin avait été éliminé au premier tour, laissant le président sortant Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen.
Le baromètre de l’économie de l’institut BVA publié jeudi relate "un pessimisme record, le pire début d’année en termes de moral en une décennie".
Dans ce contexte déprimé, les deux favoris, Nicolas Sarkozy et François Hollande, sont dans une forme moyenne, ce qui nourrit des spéculations sur un second tour inédit.
Attaqué sans relâche à droite sur "le vide" et "le flou" de ses propositions, le candidat socialiste est désormais bien au-dessous des cimes irréelles (jusqu’à 39%) des sondages de l’automne.
Du coup, l’écart avec Nicolas Sarkozy se resserre dans les intentions de vote (de 2 à 4 points d’écart). Mais, si Hollande a baissé pour se stabiliser autour de 27-28%, Sarkozy (entre 24 et 26%) ne perce pas et demeure très impopulaire (64% d’opinions négatives).
Parti de 7% et désormais crédité de 11 à 15% des suffrages, François Bayrou (MoDem) est celui qui profite de la situation.
Marine Le Pen (FN) est ancrée à la troisième place avec 16 à 20%. Son potentiel paraît supérieur : 31% des Français se disent d’accord avec les idées du Front national, un record selon TNS-Sofres.
A l’opposé de l’échiquier politique, Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche) suit son bonhomme de chemin, mais loin derrière (6-7% environ), tandis que l’écologiste Eva Joly (3 à 5%) et Dominique de Villepin (2 à 4%) restent dans de basses eaux.
Après une brève trêve des confiseurs, la campagne est repartie sur les chapeaux de roue : tirs à boulets rouges de l’UMP après des propos prêtés abusivement à M. Hollande sur le chef de l’Etat ("sale mec"), sarcasmes à droite après le cafouillage dans les rangs socialistes sur la réforme du quotient familial.
Dramatisation, aussi, le président de l’Assemblée Bernard Accoyer comparant les conséquences d’une alternance politique en 2012 "à celles provoquées par une guerre".
Pour Pascal Perrineau, directeur du Centre d’études de la vie politique (Cevipof), le ton de la campagne, loin des préoccupations des Français, "risque de décevoir les électeurs". "Je crains qu’à servir ce spectacle, on renforce le vote protestataire, ou l’abstention", prévient-il.
Leader de la CFDT, François Chérèque regrette que la campagne électorale "tarde à aborder les sujets de fond" pour s’emparer par exemple de "la célébration de Jeanne d’Arc", et en appelle au retour à "l’essentiel : l’Europe, l’avenir de l’industrie, la compétitivité, la réduction des inégalités".
Le président de la République, lui, veut se concentrer sur le fond et apparaître jusqu’au bout comme un homme d’action et un réformateur, par contraste avec "l’indécision" prêtée à M. Hollande : projets de taxe sur les transactions financières, de baisse des cotisations patronales compensée par une hausse de la TVA pour développer l’emploi, "pactes de compétitivité-emploi" favorisant la flexibilité.
En attendant, l’une des préoccupations des candidats est de réunir les 500 parrainages nécessaires pour pouvoir se présenter au premier tour. Si cela ne pose pas problème à la plupart des candidats les plus connus, il n’en est pas de même pour Mme Le Pen, entre autres, qui en compte pour l’instant "moins de 300".