La querelle d’un bluffeur et d’un bouffon autour d’une idée loufoque. On pourrait caricaturer ainsi la polémique qui s’est déroulée, à coups d’interviews et de tweets, entre les présidents français et américains après que le premier a évoqué le fumeux concept d’une soi-disant armée européenne.
Difficile de dire ce qui a pu passer par la tête du chef de l’État, sachant que s’il y a un pays pour lequel la mise en commun des forces européennes signifierait une perte nette, pour ne pas dire désastre fatal, c’est bien la France. Sans doute en est-il conscient, auquel cas il a dû trouver que le plus grand mérite de ce concept est justement qu’il n’a aucune chance. Et qu’il irrite, au passage, le président Trump.
Au prime abord, les deux sont dans leurs rôles. Quoi de plus normal qu’un président français qui déclare vouloir une Europe militairement puissante et indépendante, et un président américain qui s’y oppose ? Le spectacle n’a rien de nouveau. C’est même l’axe principal des relations Europe/OTAN/États-Unis depuis toujours. Sauf que, jusqu’ici, les dirigeants français prônant inlassablement l’Europe de la défense avaient écarté l’idée même d’une armée européenne. De l’autre côté, dans leur refus systématique des velléités d’indépendance français, les dirigeants US s’étaient jusqu’ici abstenus de se moquer de l’occupation allemande, ou d’y mêler taux de chômage, cote de popularité et commerce des vins.
Emporté par sa propre fougue lyrique, Emmanuel Macron a donc parlé d’armée européenne comme un des futurs grands projets pour l’UE. Un terme qu’aucun de ses prédécesseurs n’eût employé, sauf pour rassurer que, justement, une telle armée n’était point l’objectif de l’Europe de la défense. Et pour cause. Une structure militaire véritablement supranationale subordonnerait la France, seul pays européen disposant de toute la gamme des capacités de défense, à une majorité pacifiste-atlantiste qui ne seraient que trop heureux de pouvoir enfin jeter aux orties sa doctrine d’indépendance. Depuis, le président tente de rectifier le tir. Il précise que son appel à une armée européenne est surtout censé mobiliser en faveur de l’autonomie stratégique. À ceci près que les deux sont, dans les faits, incompatibles.