Selon l’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme basé à Genève, les deux millions d’habitants de la bande de Gaza vivent l’une de leurs pires crises depuis l’imposition du blocus israélien en 2006.
Après plus de dix ans de blocus imposé par Israël avec la complicité de l’Égypte, la situation sécuritaire et humanitaire ne fait qu’empirer à Gaza. Au niveau sécuritaire, l’armée israélienne multiplie ses agressions contre les habitants de l’enclave palestinienne. Le secteur de la pêche, qui permet à des milliers de familles de vivre, est l’un des plus ciblés.
En plus des restrictions qui leur sont imposées (ils n’ont plus le droit d’aller au-delà de 6 milles), les pêcheurs subissent quotidiennement des tirs de patrouilleurs de la marine de guerre israélienne, faisant souvent des blessés et parfois des morts, cela en plus des dégâts causés à leurs embarcations.
Les agressions israéliennes dans la bande de Gaza peuvent aussi prendre l’aspect de raids aériens, comme ceux menés lundi à l’aube, lorsque des avions de chasse ont bombardé plusieurs positions de la résistance palestinienne. Intenses, les bombardements israéliens ont lieu généralement près de zones habitées, ce qui entraîne une grande peur, particulièrement chez les enfants en bas âge. Mais on ne peut évoquer la situation sécuritaire dans la bande de Gaza sans parler des incursions presque quotidiennes de chars, de blindés et de bulldozers de l’armée israélienne.
Des incursions dont les buts sont divers, dévastation des terres agricoles, provocation des résistants dont les positions ne sont pas très loin de la frontière, terroriser les habitants vivant dans ces zones, et surtout imposer une sorte de « no man’s land » large parfois de plusieurs centaines de mètres où toute personne qui s’y aventure se fait abattre froidement.
Ces incursions s’accompagnent souvent de tirs anarchiques sur les habitations proches. Une incursion de plusieurs chars et bulldozers a eu lieu hier matin à l’est du camp de réfugiés d’El Bureij, au centre de la bande de Ghaza. Les chars israéliens ont tout dévasté sur leur passage.
Une des pires crises depuis 2006
Sur le plan humanitaire, la situation est des plus alarmantes. Le plus grand problème à Gaza ce sont les longues coupures d’électricité. Elles menacent non seulement les citoyens, mais également des secteurs stratégiques tels que la santé, l’eau potable, le réseau des eaux usées et l’industrie.
Après la réduction, il y a près d’une semaine, des livraisons d’électricité par Israël de 120 mégawatts à 80 mégawatts environ et malgré le redémarrage de la seule centrale de production d’électricité dans le territoire grâce à du gasoil égyptien, le courant électrique n’est disponible que 4 heures par jour. À plein régime, la centrale de Gaza fournit 120 mégawatts, mais actuellement elle ne fait que compenser les 40 mégawatts israéliens manquants. La bande de Gaza a besoin d’au moins 500 mégawatts pour garantir de l’électricité durant les 24 heures.
Avec les grosses chaleurs de ces jours d’été, dans une région où la densité de la population est parmi les plus élevées au monde, la vie devient presque impossible sans électricité, surtout pour les enfants qui sont les plus vulnérables. À côté de la crise énergétique, la fermeture des points de passage par Israël et celle quasi permanente du terminal de Rafah à la frontière avec l’Égypte, en plus de la réduction de 30% des salaires des employés de l’Autorité palestinienne, ont créé une situation dramatique pour des centaines de milliers de citoyens devenus dépendants des aides humanitaires.
Cette situation a gravement endommagé le secteur économique déjà en situation de récession, a alerté mardi l’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme basé à Genève. Selon cet organisme, les deux millions d’habitants de la bande de Gaza vivent l’une de leurs pires crises depuis l’imposition du blocus israélien en 2006. Le secteur vital le plus touché par le blocus est celui de la santé. La même source indique que 170 médicaments manquent complètement dans les entrepôts centraux de Gaza. Cela représente 33% des médicaments répertoriés comme essentiels.
Ce n’est pas tout : 37 variétés de médicaments anticancéreux sur 67 sont introuvables, ce qui veut dire que 70% des services rendus aux cancéreux ne le sont plus. Le déficit en matériel médical consommable a atteint les 40%. Selon l’Office des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), plus de 1000 malades ont besoin de soins à l’étranger mensuellement pour manque de structures spécialisées.
50% des demandes de transfert de malades pour des soins sont refusés par les autorités israéliennes et 20 000 citoyens, pour la plupart des cas humanitaires, sont inscrits sur les listes pour sortir par le terminal de Rafah. Durant les premiers mois de l’année 2017, le taux de chômage a atteint 43,2%, contre 18,7% seulement en Cisjordanie occupée. 38,8% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Malgré tous ces chiffres alarmants, la communauté internationale reste les bras croisés.
Les autorités égyptiennes rackettent impitoyablement les Palestiniens qui veulent quitter la bande de Gaza
Les voyageurs et leurs intermédiaires disent que l’Égypte rackette des sommes allant jusqu’à 10 000 dollars pour vendre aux Palestiniens la permission de traverser le poste-frontière de Rafah.
Selon les intermédiaires à Gaza qui coordonnent les versements d’argent et selon aussi d’anciens agents des services frontaliers palestiniens et des voyageurs, des officiers égyptiens gagnent des pots de vin – allant jusqu’à 10.000 dollars – sur le dos des Palestiniens de Gaza, désespérés de pouvoir quitter l’enclave côtière assiégée.
En règle générale, un adulte à Gaza doit payer un pot de vin de 3.000 dollars pour obtenir la permission de traverser la frontière égyptienne, ont déclaré à al-Jazeera deux courtiers palestiniens, qui ont parlé sous couvert d’anonymat. Ces courtiers ont dit se réserver 20% de la somme, les 80% restants allant au soldat ou à l’officier égyptien impliqué dans la boucle.
Toujours selon les témoins, il arrive que les officiers égyptiens inscrivent les noms de certains Palestiniens sur une liste noire, les déclarant être une « menace pour la sécurité ». La liste interdit alors l’entrée en Égypte à ceux dont les noms sont mentionnés, mais une somme de 10.000$ peut faire que leur nom soit effacé.
De temps en temps, d’après les courtiers, les Égyptiens veulent des pots de vin payés en marchandises, et pas en argent comptant.
Trafic des deux côtés de la frontière
« Parfois, ils veulent des iPhones ou même de l’or », a déclaré l’un des intermédiaires, connu dans la bande de Gaza comme le « Roi de la frontière » pour sa capacité à monnayer le passage de quasi n’importe qui.
Au cours de l’entrevue qui a duré deux heures à son bureau de Gaza, ce courtier a reçu six appels téléphoniques de personnes lui demandant de l’aide pour entrer en Égypte.
« Mon téléphone ne cesse jamais de sonner », se vante-t-il.
La volonté de payer des sommes élevées pour arriver à quitter Gaza reflète le désespoir des habitants pour échapper à l’enclave côtière assiégée, laquelle a enduré trois grandes opérations militaires israéliennes depuis 2008, laissant en ruines cet endroit considéré comme le plus densément peuplé de la terre.