Le drame de Millas a un contenu humain, la douleur des familles, un technique (qui est responsable de l’accident ?), et un moral, politique, spirituel : les médias ont exhibé le spectacle d’une société occupée à ressasser le malheur, avec pleureuses professionnelles. Ce sont les jeux du cirque de la gouvernance globale.
C’est un trait de société : aujourd’hui, un accident de bus ou d’avion ne saurait se concevoir sans deuil national avec visite de hauts personnages, souvent le Président de la république lui-même (Hollande à Puisseguin en 2015). Ces personnages, qui se sont dépouillés, lorsqu’ils devraient prendre des décisions, des attributs du pouvoir, hypertrophient lors des deuils leur fonction de représentation : incapables de protéger le peuple qui souffre, comme ce serait leur devoir, ils participent au culte du peuple qui se lamente, ils le conduisent en pontifes qu’ils sont, assistés des médias qui tiennent le rôle des pleureuses chantant les nénies.
La SNCF est-elle responsable de l’accident de Millas ?
Qui est responsable de l’accident de Millas ? Les barrières du passage à niveau étaient-elles fermées, ou se sont-elles fermées après que le bus s’est engagé sur la voie ? Quelle faute la conductrice a-t-elle commise, simple affolement ou non respect volontaire de la loi ? Les sources varient avec le temps, et sans doute l’enquête aboutira tôt ou tard à une vérité probable. Mais on voit bien ce qui est en cause : l’état du réseau ferré. Le président directeur général de la SNCF, Guillaume Pépy pour ne pas le nommer, a voulu chambouler une institution qui coûte très cher à la nation et qui avait naguère tous les défauts, sauf d’être en retard et de ne pas être sûre. Il s’est attaché à la communication, aux barristas, aux tarifs spéciaux, aux aides à l’information sur les quais, aux portiques de passage etc. mais les retards s’accumulent, les pannes générales comme à Montparnasse, et maintenant les accidents : c’est bien de raffiner sur le service, mais l’argent ne serait-il pas mieux employé dans l’entretien du matériel et dans un grand service technique solide et expérimenté ? La malheureuse conductrice de bus est mise en examen pour « homicide et blessures involontaires ». Elle risque de payer pour la carence de l’État.