Le très démocrate New York Times publiait récemment un article incriminant l’Ukraine dans la mort de civils sur son sol à cause de ses propres soldats, de ses propres missiles. Un scénario qui n’est pas nouveau, mais un traitement médiatique qui l’est, une révélation impensable il n’y a de cela que quelques mois. Rien de tout cela en France, mais cela bouge là où ce qui se passe compte : outre-Atlantique. Un indice d’une certaine évolution du rapport à l’Ukraine ? C’est bien possible, car là le torchon brûle carrément entre l’Ukraine et la Pologne, soutien de la première heure et antirusse rabbique.
« Nous ne transférons plus aucun armement à l’Ukraine. »
Par la voix de son Premier ministre Mateusz Morawiecki, la Pologne a annoncé ne plus fournir d’armes à l’Ukraine, sans que l’on sache depuis quand, illustrant ainsi les vives tensions existant entre les deux pays. Il a ajouté :
« Nous nous concentrons principalement sur la modernisation et l’armement rapide de l’armée polonaise, afin qu’elle devienne l’une des armées terrestres les plus puissantes d’Europe, et ce dans un délai très court. »
Peu de temps auparavant, mardi, Zelensky, devant la tribune des Nations unies à New York, avait lancé une attaque contre son allié :
« Certains pays feignent la solidarité [avec l’Ukraine] en soutenant indirectement la Russie. »
Une déclaration qui a déclenché sans tarder la convocation « d’urgence » par Varsovie de l’ambassadeur ukrainien pour une vive protestation – une « thèse fausse » et « particulièrement injustifiée concernant la Pologne, qui soutient l’Ukraine depuis les premiers jours de la guerre » –, suivie visiblement par un acte fort. Zelensky va constater ce qu’est la fin d’un soutien feint…
En amont de cette affaire, on trouve la question des exportations de céréales ukrainiennes en Union européenne. Pour protéger leurs producteurs, nombre de pays avaient affirmé refuser l’importation de céréales en provenance d’Ukraine, créant un repli protectionniste de l’UE, qui a cependant annoncé vendredi mettre fin à cette interdiction. Des embargos unilatéraux ont alors vu le jour de la part de cinq pays, dont la Pologne. En réponse, Kiev a annoncé lundi porter plainte devant l’OMC. Ambiance…
De quoi rendre les Polonais furibards. Lors d’une rencontre avec les médias à New York, le président polonais a comparé l’Ukraine à un homme qui se noie et qui risque d’entraîner au fond et de noyer aussi celui qui cherche à le sauver. En des termes un peu plus diplomatiques, la diplomatie polonaise a vilipender les mauvaises manières de son voisin en guerre :
« Faire pression sur la Pologne dans les forums multilatéraux ou envoyer des plaintes aux tribunaux internationaux ne sont pas des méthodes appropriées pour résoudre les différends entre nos pays. »
En résumé, il y a de l’eau dans le gaz, et cela ne sent pas très bon pour l’Ukraine. Elle pourra certes accuser la Pologne d’être responsable de sa contre-offensive qui piétine d’une manière de plus en plus visible. Mais l’attitude de son voisin pourrait aussi être une manifestation du changement en cours au sein de ses alliés, et notamment des États-Unis, chez qui le ton aussi a un peu changé. Le ton impérieux des Ukrainiens auxquels tout serait dû pourrait même être un argument supplémentaire pour se débarrasser d’une charge qui n’aurait plus rien à apporter. Que Zelensky se rassure, il pourra toujours compter sur la France. Le problème est juste qu’elle ne compte guère.
Mise à jour à 19h30
La Pologne va honorer les livraisons d’armes déjà convenues avec l’Ukraine, a indiqué Varsovie.