Etonnant qu’on n’ait pas encore vilipendé l’évêque d’Avignon. En effet, dans le climat actuel, oser s’indigner et réclamer le retrait, d’une exposition en cours au musée d’art contemporain de la ville, d’un cliché représentant un crucifix trempé dans un verre d’urine relève d’un courage certain. L’évêque apparemment n’a pas été sensible au thème de cette manifestation : "je crois aux miracles" (nouvelobs.com).
A dire vrai, je ne suis pas persuadé que des voix ne s’élèvent pas bientôt pour protester contre cette intolérable exigence, cette volonté scandaleuse de censure au nom de la religion, du catholicisme de surcroît ! Peut-être tout de même une hésitation s’est-elle manifestée pour prétendre défendre le caractère artistique de cette photographie réalisée par l’américain Andres Serrano qui a choisi pour elle le titre évocateur de Piss Christ !
Si je plaisante, c’est pour ne pas tomber dans une sombre morosité devant ce qu’autorise notre modernité, les élucubrations qu’elle produit et les vulgarités qu’elle affiche. Je ne doute pas une seconde qu’il se trouvera quelques avis éclairés pour nous démontrer les bienfaits révolutionnaires et esthétiques de ce cliché, de ce crucifix et de cette urine mêlés.
J’étais d’autant plus sensible à cette saleté délibérée qui permettait sans mauvaise foi de se poser la question de sa nécessité dans un musée d’art contemporain que le hasard m’avait fait lire un tout petit entrefilet dans Le Monde - il fallait vraiment lire ce quotidien à la loupe pour le trouver- annonçant qu’un commando d’une vingtaine de personnes, membres de la Ligue de défense juive, avait attaqué le 3 avril le cinéma L’Espace Saint-Michel à Paris qui projetait Gaza-strophe de Samir Abdallah et Khéridine Mabrouk. Les agresseurs "ont tenté d’annuler la séance. Le projectionniste a été molesté. Le directeur du cinéma Claude Gérard a déposé plainte".
Ce documentaire, sorti le 16 mars, témoigne "des exactions israéliennes commises à Gaza lors de l’opération "Plomb durci". Avant le 3 avril, des séances et des débats avaient déjà dû être annulés.
En dehors de cette minuscule allusion dans Le Monde, où a été évoquée par ailleurs cette entreprise concertée, répétée et violente de censure et d’intimidation à l’encontre d’un directeur de salle parce qu’il avait eu le culot de programmer un documentaire politique, sans doute partisan et qui ne plaisait pas à la Ligue de défense juive ? Essayons d’imaginer ce qui se serait produit si d’autres groupuscules et commandos à la tonalité religieuse et idéologique différente avaient agi selon les mêmes modalités. On en aurait parlé durant plusieurs jours et l’indignation, les condamnations se seraient déversées avec une aigre volupté.
Il est symptomatique de noter que dans ce texte si bref en marge de page, on éprouve le besoin de rappeler, sans doute pour compenser, que ce même cinéma avait été "incendié" lors de la projection de la Dernière Tentation du Christ, de Martin Scorsese en 1988.
Si mes souvenirs sont bons, les médias ne s’étaient pas contentés à l’époque d’un vague et discret entrefilet mais avaient monté cette affaire en épingle puisqu’elle concernait des catholiques intégristes évidemment plus condamnables que les intégristes des autres confessions !
Pourquoi, toujours, cette discrimination médiatique, cette tolérance pour certains, cet opprobre pour d’autres, quasiment le silence au bénéfice des uns et les foudres contre d’autres ? A-t-on au moins le droit de se poser la question ?