Un extrait de texte de Magyd CHERFI, ex leader de ZEBDA. J’ ai joué et enregistré avec ce groupe. Pas tjrs d’ accord avec ce qu’ il dit mais j’ aime bien son côté lucide sur beaucoup de choses :
" Moi, j’adore le foot, j’aime la France, j’aime la République, j’aime l’équipe de France. Et alors ?
Le foot, je le regarde pas à la télé, ou si peu. Pour une grosse faillite de TF1, j’aurais pas peur de deux ou trois défaites. J’ai mes priorités .
Je regarde pas le foot à la télé, j’ai peur d’acheter ses produits dérivés. Le foot, je le joue. Je suis un footballeur du dimanche, et le dimanche, c’est la fête. Pieds tordus et ventres graisseux, on s’échine au minimum. Une passe réussie, c’est du champagne, deux passes et c’est un feu d’artifice, c’est déjà ça… donné à l’autre.
Ces vingt-deux joueurs, ont peut quasi tous les citer pour leur absence dans les batailles ingrates. Dur effectivement, de défendre un sans-papiers, une double-peine, un SDF, une femme battue, une autre violée. Dur de soutenir un Beur tombé sous les balles de la République, un chômeur, un syndicaliste… Car ça le fait pas.
Il est là le problème : « Ça le fait pas. »
On se les imagine tous, ces footballeurs entourés de communicants leur distillant le code de bonne conduite du footballeur qui assure. Tous ces footeux font dans l’humanitaire façon Obispo ou dans le médical façon Téléthon. Il faut que l’acte plaise, comme une reprise de volée. Sinon, on s’entend dire :
─ C’est de la merde en barres, ton truc.
Non !... Cette équipe de France est hermétique, individualiste et profiteuse.
Hermétique, car ses vingt-deux joueurs sans exclusive pensent foot et se battent les couilles des trente-cinq heures, de la politique de la ville ou du trou de la Sécu.
Individualiste, car, au fond, ils se foutent les uns des autres : c’est à chacun de trouver le bon contrat, le bon club, le bon plan. Ils vivent à des milliers de kilomètres les uns des autres, dans des sphères closes pleines de kinés, de pelouses et de grosses cylindrées… . L’unité du groupe France, dont on nous rebat les oreilles, n’est que le fantasme d’un peuple en déroute et encore plus celui des médias avides de contes de fées.
Profiteuse, car ils gèrent leur histoire façon indice Nikkei. Pour eux, la France est ou n’ est qu’un immense portefeuille dans lequel ils plongent allègrement leurs pieds pour y pêcher des perles d’or. »