Les efforts pour la construction d’un Etat en Libye, après la jachère institutionnelle léguée par El Gueddafi, butent contre la prolifération des milices armées dans le pays. Après l’enlèvement du Premier ministre, la représentation diplomatique suédoise à Benghazi a été avant-hier la cible d’un attentat à la bombe.
Le consulat de Suède à Benghazi, l’un des rares encore ouverts dans cette ville instable, a été visé hier par un attentat à la voiture piégée.
Déjà transformée en champ de bataille et en un immense arsenal alimentant le trafic d’armes, la Libye est aussi menacée de devenir une destination à risques pour les représentations étrangères. Celles-ci vivent sous la menace d’attaques et il y en a eu ces deux dernières années, principalement dans la ville orientale de Benghazi.
L’attaque la plus spectaculaire et la plus sanglante est celle ayant visé le consulat des Etats-Unis, marquée par la mort de l’ambassadeur américain.
En effet, le consulat de Suède, l’un des derniers encore ouverts dans cette ville, par ailleurs point de départ de la révolte qui a conduit à la chute du régime de Mouammar El Gueddafi, a été visé hier par un attentat à la voiture piégée qui n’a pas fait de victime mais beaucoup de dégâts. Avertissement alors, l’édifice étant vide puisque le personnel est en vacances ? Près du bâtiment officiel suédois se trouve celui de l’Egypte, cible en août dernier d’une attaque similaire. L’actualité libyenne c’est aussi l’enlèvement et la détention, jeudi, pendant quelques heures du Premier ministre Ali Zeidan par un groupe d’ex-rebelles affirmant agir sur ordre du parquet.
Un kidnapping qui laisse franchement perplexe dans un pays où l’Etat a du mal à asseoir son autorité et, lorsque celle-ci existe, elle paraît tout simplement diluée en plusieurs pôles composés d’anciens rebelles. Les autorités de transition peinent d’ailleurs à les contrôler bien qu’elles leur aient pourtant confié de nombreuses tâches sécuritaires depuis 2011. Aguerries par leurs combats contre les forces du dictateur déchu, lourdement armées et animées d’un sentiment de « légitimité et d’impunité », selon les observateurs, elles sont montées en puissance, refusant obstinément de déposer les armes.
Une armée de milices dans un « non-état »
Peu après sa libération, M. Zeidan a pourtant appelé à l’apaisement. « J’espère que ce problème (mon enlèvement, ndlr) sera réglé avec raison et sagesse » en évitant « l’escalade », a-t-il déclaré. Le plus grave est certainement le fait que les autorités libyennes n’avaient pas d’explication à donner, sinon dire leur impuissance à maîtriser la situation sécuritaire. Elles avaient bien annoncé, dans la matinée, l’enlèvement du Premier ministre, soulignant tout juste qu’il avait « été conduit vers une destination inconnue pour des raisons inconnues par un groupe » d’hommes qui seraient des ex-rebelles. Dans le même temps, comme un défi, la Cellule des opérations des révolutionnaires de Libye, dépendant officieusement des ministères de l’Intérieur et de la Défense, a revendiqué cet enlèvement, affirmant avoir « arrêté » le Premier ministre « sur ordre du parquet général ».
M. Zeidan a été arrêté conformément aux articles relatifs aux « crimes et délits préjudiciables à l’Etat » et aux « crimes et délits préjudiciables à la sûreté » de l’Etat, a précisé cette cellule. Qu’a donc pu faire le Premier ministre qui lui soit reproché ? Pas de réponse. Par contre, Ali Zeidan en a une, en déclarant que les auteurs de son enlèvement sont issus d’un « parti politique qui veut destituer le gouvernement par tous les moyens ». Ce qui permet alors d’évacuer l’idée même de représailles après l’opération américaine ayant visé un dirigeant libyen. Autre précision : Ali Zeidan a été libéré et non pas relâché, ce qui suppose une intervention des forces libyennes.
D’après des témoins, ce serait plus grave en ce sens que ce sont des habitants armés d’un quartier de la capitale où était détenu le Premier ministre qui ont fait pression sur les ravisseurs jusqu’à sa libération. Recours donc à la force, aggravant cette image non pas d’un pays en armes, mais de populations armées, très certainement pour leur propre sécurité.
Contre qui ? La chute de l’ancien régime a été suivie par l’émergence de nombreuses milices aux idéologies différentes. Un drame pour ce pays.