Le droit de la presse, les procès et les condamnations pour délit d’opinion, Maître Damien Viguier connaît. Et pour cause, il est notamment l’avocat d’Alain Soral, président du mouvement Égalité & Réconciliation. Entretien sans tabou.
Breizh-info : Pouvez-vous tout d’abord vous présenter à nos lecteurs ?
Maître Damien Viguier : Je m’appelle Damien Viguier, j’ai 54 ans, j’ai prêté le serment d’avocat devant la cour d’appel de Paris le 9 décembre 2010.
Auparavant j’ai vraiment pris le temps d’étudier le droit, l’histoire et quelques sciences annexes, ce qui m’a conduit à soutenir une thèse en droit et qui peut expliquer le fait que je publie régulièrement articles et ouvrages. J’ai aussi un séminaire d’enseignement au sein de l’association Égalité & Réconciliation.
De nombreuses personnes stigmatisées comme antisionistes, antisémites ou « négationnistes » ont fait appel à moi, depuis Ilitch Ramirez Sanchez jusqu’à Alain Soral, en passant par feu Robert Faurisson, pour les plus connus. Cela m’a valu d’être moi-même condamné pour « négation de la Shoah » avant d’être relaxé en appel (ce qu’on dit moins).
Parlons d’abord de deux affaires sur lesquelles vous êtes intervenu ou avez réagi ; l’affaire Alain Soral et l’affaire Hervé Ryssen. Sommes-nous là dans le « théâtre de Satan » que décrivit en son temps Maître Delcroix avec des juges partiaux et mandatés pour frapper fort la dissidence ?
Nous y sommes. Je salue d’ailleurs au passage le confrère, dont un nouveau livre doit sortir prochainement.
Ilana Soskin et Stéphane Lilti sont des avocats, pour la Ligue contre l’antisémitisme et pour l’Union des étudiants juifs de France, qui ont en charge à la fois Ryssen et Soral. Il y a quelques années Soskin s’était vantée d’avoir enfin pu obtenir de la prison ferme, contre l’un et l’autre. Il faut savoir que ces écrivains sont l’objet d’une avalanche de procédures. C’est une technique terroriste. Les juges ont commencé par trois ou quatre mois d’emprisonnement ferme, puis six ou huit, enfin un an. En 2018, l’association Avocats sans frontière que préside mon confrère Goldnadel a obtenu un an d’emprisonnement ferme contre Ryssen. Peut-être que les magistrats ne se rendent pas compte de ce qu’ils font. Mais un jugement c’est une chose, son exécution en est une autre.
Quantité de peines d’emprisonnement en France ne sont pas mises à exécution. Je ne parle même pas d’aménagement, mais de mise à l’écrou, lorsque le Parquet, qui a le pouvoir de faire exécuter, ordonne à l’établissement pénitentiaire d’ouvrir ses portes au condamné. Contre Soral, le Parquet a tenté et, contre Ryssen, il a réussi l’enfermement effectif de l’écrivain. Cela a un sens politique et cela ne peut procéder que de l’autorité la plus haute, c’est-à-dire du ministre de la Justice, nommément Eric Dupond. J’ai porté plainte, avec Soral, contre ce ministre que je soupçonne d’avoir commis un crime contre la liberté. Ces enfermements sont le fruit des efforts d’associations comme celle de Goldnadel.
Concrètement, qu’est-ce qui explique selon vous la tendance actuelle d’une certaine magistrature à vouloir condamner et mettre en prison des dissidents pour de simples écrits ou bien des prises de parole ?
Ce ne sont pas de si simples écrits ou prises de paroles. Sinon nous n’en serions pas là. Car ces écrits et paroles entendent dénoncer à l’opinion les faits et gestes de gens originaires pour la plupart des pays de l’Est et qui s’identifient comme juifs. D’où les accusations d’antisémitisme.
Et à ce titre il y a des personnes qui font pression depuis des années pour obtenir l’emprisonnement de Soral, de Dieudonné, de Ryssen, de Benedetti, de Bourbon. Voyez comment le président du CRIF, il y a deux ans, a fait pression sur les plus hautes autorités de l’État, président de la République, ministre de la Justice et Procureur général, pour obtenir l’enfermement de Soral. Ces personnes, comme Lilti ou Soskin, lorsqu’ils sont à l’audience devant les magistrats, font le récit d’évènements de la Seconde Guerre mondiale et invoquent le risque de prochains malheurs. Ce sont des plaidoiries que l’on retrouve comme argument décisif dans les motifs des décisions de justice. Et toute la presse, radio, télé, internet se fait le relais des mêmes propos. Les magistrats sont des gens comme les autres. Si les noms de Dieudonné, Soral ou Ryssen suscitent l’effroi dans le grand public, après de tels récits, pourquoi voulez-vous que les magistrats réagissent différemment ?
Bon nombre de personnes, par ailleurs, sont parfaitement indifférentes au sort d’autrui et ne se préoccupent que de leur petit confort personnel (la carrière, pour la retraite). Quant à ceux qui pourraient avoir un soupçon de velléité d’intelligence, ils reculent devant la pression insupportable qui les menace.
En réalité, Dieudonné, Soral ou Ryssen ont en commun de s’être confrontés à des personnes qui pour la plupart sont d’origine étrangère, eux-mêmes ou leurs ascendants. Ce sont des Polonais ou des Russes. Robert Badinter, par exemple, est un fils d’immigrés de Bessarabie (Roumanie). Souvent ce sont les descendants de populations qui dans les années 30 ont migré vers l’Ouest, qui ont été très actives sous l’occupation allemande, et qui pour certaines en ont subi les conséquences. La LICRA ou le CRIF sont des mouvements issus pour le premier du terrorisme bolchévique et pour le second de la clandestinité. On ne compte plus le nombre de leurs victimes (Onfray, Chouard, R. Camus, Barre, Mitterrand, etc.), mais il y a ceux qui cèdent et ceux, en plus petit nombre, qui leur résistent.
Parmi ceux qui résistent il en est un en prison actuellement. Et c’est Hervé Ryssen.
Outre ce qui concerne le droit de la presse, vous êtes également spécialisé dans les affaires familiales. La famille est particulièrement attaquée aujourd’hui tandis que l’État semble vouloir s’immiscer de plus en plus loin dans la vie privée. Y a-t-il une vraie menace à très court terme pour nos libertés à ce sujet ?
Non. Pardon, je vous reprends. Ce n’est plus une menace. L’oppression est effective. C’est arrivé en douceur, étape après étape, graduellement, pour que l’on ne se révolte pas, et la seule formulation de votre question montre le génie de cette stratégie. L’offensive vient de très, très loin. Disons que depuis vingt ans, c’est le saccage absolu. Tout n’est pas perdu, mais s’il n’y a pas un coup d’arrêt clair et net porté contre cette destruction, il y aura toujours plus de dégâts.
Ceci étant, je vois bien ce dont vous voulez parler, mais je suis obligé de vous reprendre aussi sur l’idée de vie privée. La famille ne relève pas de la vie privée. C’est une institution publique. Elle est aux mains de l’État. Le problème, c’est que l’État est aux mains de l’ennemi. Les choses pourraient donc être rétablies très vite. À condition qu’il y ait de l’intelligence.
Parlez-nous de la collection Leçons de droit que vous animez chez Kontre Kulture, maison d’édition qui fait elle aussi face à de lourdes sanctions ?
Ce sont des leçons que l’on ne pourrait pas trouver chez Dalloz ou LGDJ parce que j’y suis bien trop critique du droit actuel et que j’étoffe une analyse toujours très casuistique d’éléments d’histoire, de philosophie, d’anthropologie ou de théologie. Mais ces leçons restent bien trop orientées vers l’initiation au droit et sont encore trop rigoureuses techniquement pour trouver place chez un éditeur généraliste. Elles sont un exemple parmi tant d’autres de ce que nous devons à Alain Soral.
Je pars toujours de dossiers que j’ai eu à traiter, de questions d’école ou de thèmes en rapport avec l’actualité. Depuis quelques années, les sections d’E&R organisent des conférences et des séminaires. C’est maintenant dans ce cadre que je prépare mes ouvrages. Le dernier portait sur la pédophilie et sur la fameuse notion du consentement. La prochaine parution portera sur la différence entre les Occidentaux et les Maghrébins, du point de vue de la structure familiale. Cette année, j’aborde le thème du pouvoir en droit canonique.
J’encourage évidemment à acheter les ouvrages publiés par Kontre Kulture, non pas uniquement pour aider une maison menacée, mais pour se cultiver et s’armer intellectuellement pour les combats de notre temps.
Comment l’avocat que vous êtes perçoit-il la multiplication des erreurs judiciaires manifestes (avec notamment la hausse de la récidive dans les affaires de violences, d’agressions sexuelles) ? Les magistrats doivent-ils eux aussi rendre des comptes au pénal pour que les citoyens se réconcilient avec la justice censée être rendue en leur nom ?
C’est compliqué. L’institution judiciaire est un modèle de rationalisme. Vous avez là une illustration parfaite de la séparation des pouvoirs. Les magistrats du Parquet tiennent la potestas, c’est-à-dire que ce sont eux qui commandent l’exécution, le recours à la force publique (gendarmes, policiers, administration pénitentiaire), mais ils n’ont pas prise sur la décision. Ils n’agissent pas au nom du peuple, contrairement à ce que l’on croit. Ils sont une part de l’État, et ce dernier est tout entier dans cette part. Mais la décision, elle, provient des magistrats du Siège, qui n’ont que l’auctoritas. Ce sont eux qui peuvent condamner, mais sans avoir aucun accès à l’exécution. Le siège est censé être indépendant. Mais il est lui aussi une part de l’État, et dans cette part l’État tout entier.
L’erreur judiciaire est un concept inaudible pour un juriste. Voyez la réponse de Ponce Pilate. Quid est veritas ? De quoi tu me parles ? Il n’est de vérité que ce que dit le juge. Sa vision est la réalité véritable. Cela se dit d’une formule latine. Res judicata pro veritate habetur. La chose jugée est en place de vérité. Je pourrais vous dire aussi que l’erreur commune fait le droit. Error communis facit jus. Pour le reste et pour revenir à votre question, il est clair qu’il faut d’urgence rétablir la peine de mort qui a toujours été comprise comme la reine des peines, y compris par les criminologues les plus réputés (Lacassagne par exemple). À mon sens, son abolition fait partie des hérésies destructrices de notre civilisation. Mais je doute de pouvoir convaincre Robert Badinter.
Si vous étiez, comme M. Dupond-Moretti, nommé garde des Sceaux, quelles seraient les mesures d’urgence que vous prendriez concernant votre ministère et votre mission judiciaire ?
Pour agir véritablement, dans notre situation, il faudrait avoir vingt ans devant soi. En vingt ans, vous pouvez former une nouvelle génération. Restaurer les études classiques. Le latin, le grec. Redonner vie à tous ces auteurs qui croupissent dans les bibliothèques. Cicéron, Aulu-Gelle, Quintilien, Virgile. Et le droit romain. Ainsi formés, ces hommes nouveaux pourraient grandir au contact de la pratique en tant que magistrats, avocats, huissiers, notaires. Prendre lentement mais sûrement le pouvoir.
Un vrai juriste n’est pas un citoyen comme les autres. Le droit vous coupe de la vraie vie, le monde des lois est un monde obscur. Je ne crois pas que ce soit une place pour les femmes, par exemple. Et il serait légitime de modifier notre législation afin que ce monde ne soit pas si facilement ouvert aux Français de trop fraîche date.
C’est un programme que j’appliquerais dans l’urgence, avec une purge initiale pour garantir sa bonne exécution. Cela supposerait la restauration de la chancellerie par fusion des postes de Premier ministre et de ministre de la Justice.
Maintenant Macron sait ce qui lui reste à faire.
Damien Viguier : « Il n’y a pas de liberté d’expression qui tienne »
Confronté régulièrement à la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris pour défendre ses clients, Damien Viguier voit d’années en années la liberté s’expression se restreindre en France. Infos-Toulouse est allé à sa rencontre.
Vous êtes l’avocat d’Alain Soral qui a été arrêté l’été dernier par la police. Où en est-on de cette affaire ?
Damien Viguier : L’affaire en elle-même est malheureusement banale. Sont reprochés à Alain Soral des propos tenus dans l’une de ses récentes vidéos. Ce qui sortait de l’ordinaire c’est que le magistrat du Parquet réclame au magistrat instructeur le placement de Soral en détention provisoire. Heureusement le juge d’instruction n’a pas fait cette demande. Sinon l’écrivain partait en prison pour des années.
Hervé Ryssen est actuellement en prison pour ses propos. Comment avez-vous réagi à cette annonce ? Est-ce un emprisonnement politique ? Une atteinte à la liberté d’expression ?
Il s’agit à l’évidence d’un acte de répression politique. Les condamnations et les poursuites contre lui comme contre Soral, Dieudonné, Bourbon ou Benedetti sont de nature politique. C’est-à-dire que leurs propos ne sont jugés répréhensibles que parce qu’ils affrontent un certain parti. Leurs propos sont politiques au sens schmittien de la politique profonde et sérieuse. Il y va de ce qu’ils considèrent comme l’avenir existentiel de la France, et ils désignent clairement et ouvertement ce qu’ils pensent être l’ennemi.
L’emprisonnement est politique en ceci que pour des peines de cette durée en droit commun vous avez en France 100 000 cas de non-exécution. Il fallait donc une décision pour emprisonner Ryssen, et une décision qui sorte de l’ordinaire s’agissant en outre d’infractions au droit de la presse.
Que dire de l’état de la liberté d’expression aujourd’hui en France ?
C’est très simple. Lorsque vous êtes dans la transgression des valeurs traditionnelles ou dans la haine de tout ce qui peut rappeler la nation, la religion, le beau, le bien et le vrai, artiste ou politique vous bénéficiez de la carte de la liberté sans limite. Si ce n’est pas le cas et qu’en outre vous ne manifestez pas un soutien particulier pour la communauté juive, faites attention. Il n’y a pas de liberté d’expression qui tienne. Aucun passe-droit ne sera toléré. Invoquer le chant des Muses vous sera retenu à charge, parce que vous dissimulez. Voyez Dieudonné, on l’accuse de faire semblant d’être humoriste pour pouvoir échapper aux poursuites. On nie que le rap du rappeur Freeze Corleone soit vraiment du rap. Et en ce domaine toute politique est prohibée. Vous pouvez critiquer le « régime » chinois, les « dictatures » syrienne, turque, russe, etc.. Mais vous aurez du mal à parler de l’entité sioniste.
Vivons-nous toujours en démocratie ou est-ce la démocratie qui attaque par sa nature les libertés individuelles ?
Je ne connais pas de régime ou de forme politique qui soit susceptible d’accorder à ses opposants une liberté sans limite. Autrement dit, un opposant réel doit prendre sa liberté à ses risques et périls. En ce sens la liberté est toujours absolue. Mais il doit supporter la répression. C’était l’optique de Faurisson. C’est aussi la conception de Ilich Ramirez Sanchez, de Soral, de Benedetti ou de Ryssen. Ils sont conscients d’affronter le pouvoir et ne sont pas surpris de voir ce dernier se défendre. En bref, quelque soit le régime, la liberté laissée par ce dernier est toujours limitée, et lorsque la limite est franchie celle de l’opposant commence.
Dans un même temps, Éric Zemmour a été condamné à 10 000 euros d’amende pour son discours à la Convention de la droite. Le soutenez-vous ?
Avec les ventes que font ses livres, je ne m’inquiète pas pour ses finances. Et il a de grands médias avec lui. Pendant ce temps Hervé Ryssen est à Fleury-Mérogis. Mais je préfère ne pas trop me prononcer sur des dossiers dont je ne suis pas saisi. Je ne suis qu’un avocat qui fait son possible pour rester fidèle à son serment. Ni plus ni moins. Je ne connais pas les dossiers d’Éric Zemmour. Il semble que ce dernier soit pour une remigration des maghrébins au Maghreb. Je ne comprends pas pourquoi il ne donne pas l’exemple. Il critique le peu d’assimilation des populations musulmanes, mais je ne vois pas que les immigrés venus de Russie, de Roumanie et de l’Est de l’Autriche-Hongrie, entres les années 1880 et la fin des années 40, se soient tellement bien assimilés.
Sur France Inter, le sociologue d’extrême gauche Geoffroy de Lagasnerie a invoqué le droit à la censure. Peut-on dire que la gauche a gagné sur ce terrain ?
Ah ! mais la « gauche » n’a pas seulement le droit à la censure ! Elle a même le droit à l’incendie, à l’explosif, à la destruction, aux coups, à la torture, aux mutilations, à l’assassinat, à l’attentat ou au génocide. Et elle ne s’est pas privée d’en profiter. Il y a une légitimité de la violence antifa, dans l’esprit du jeune antifa comme dans celui du juge ou du policier. Parce que c’est le sens de l’Histoire. Voyez comment le même acte va être considéré, tantôt, comme un acte de terrorisme qui porte atteinte à la démocratie, et tantôt comme un acte de résistance qui lutte contre la dictature.
George Sorel a écrit un livre essentiel pour expliquer que l’esprit européen traditionnel est mort de perdre le courage d’employer la violence. Il invoque dans Réflexions sur la violence la vocation pour le martyr qui saisissait les premiers chrétiens, le fanatisme des réformateurs au XIe siècle, le radicalisme des réformés. Au XIXe siècle il voyait cette énergie poindre chez les masses prolétariennes.
Toute politique digne de ce nom pratique la censure.
Il y a deux cas où je comprends que l’on puisse croire à la liberté d’expression. Soit vous êtes en position de domination sur les médias et c’est vous qui fixez les limites de la liberté. Soit c’est que vous n’avez rien à dire. Dans le premier cas c’est du machiavélisme, dans le second c’est de la naïveté.
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