L’armée française se livrera-t-elle prochainement à des exécutions extrajudiciaires par drones interposés au Mali, en Irak ou ailleurs ? Le ministère de la Défense étudie discrètement la question, dans la perspective d’armer les drones états-uniens « Reaper » que la France a achetés et de développer ses propres « drones tueurs » avec les grands groupes de l’industrie de l’armement. Autoriser les frappes de drones armés signifie, de fait, rétablir la peine de mort et risquer de commettre des crimes de guerre contre les populations civiles. Alors qu’aucun véritable débat public sur le sujet n’a encore eu lieu. Enquête.
« Quelques jours après son arrivée sur le sol africain, le drone français réalisait ses premières missions opérationnelles dans le ciel malien », se félicitait en mars le ministère de la Défense, après les premiers vols du premier drone Reaper français. À peine acheté aux États-Unis, l’appareil a été immédiatement engagé au Mali, dans le cadre de l’opération Serval. Quelques mois et une intervention militaire plus tard, l’armée française a acquis un deuxième Reaper. Pour l’opération « Barkhane » de lutte contre le terrorisme [1], lancée depuis août dans la région du Sahel, les drones « appuient les phases offensives ». La France s’apprête à en acquérir davantage : la dernière loi de programmation militaire prévoit d’acheter neuf engins de ce type d’ici à 2019. Le drone ne connaît pas l’austérité : le tout coûtera environ 670 millions d’euros.
Les mêmes appareils que les « chasseurs-tueurs » américains
Les drones dont il s’agit sont des véhicules aériens sans équipage (Unmanned aerial vehicule ou UAV dans le jargon militaire) et commandés à distance. Rien à voir avec les petits engins à hélice – guère plus gros qu’un hélicoptère de modélisme – qui survolent les centrales nucléaires françaises ou les aéroports britanniques. Les drones utilisés au Sahel par la France, les Reaper – ce qui signifie « faucheuse » – sont les mêmes avions sans pilote que les États-Unis emploient pour frapper des terroristes présumés en Afghanistan, au Pakistan et au Yémen. Les drones états-uniens sont munis de missiles à visée laser. Ce sont les « chasseurs-tueurs » de l’Air Force.