Dans son bilan à mi-parcours de la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2009-2014 qu’elle vient de publier, la Cour des comptes a relevé quelques lacunes des forces armées, même si ces dernières ont pu intervenir, en 2011, de « façon décisive avec un faible préavis en Côte d’Ivoire et en Libye ».
En effet, pour les sages de la rue Cambon, et en dépit du réel effort en matière d’équipements qui a été réalisé au cours de ces quatre dernières années, « les dimensions les plus exigeantes des contrats opérationnels conventionnels » fixées par le Livre blanc sur la Défense de 2008 « sont pourtant hors d’atteinte ».
Ainsi, l’armée de Terre doit être en mesure de projeter à 8.000 km une force de 30.000 hommes avec un préavis de 6 mois pour une durée d’un an, de mener des missions en appui aux autorités civiles sur le territoire nationale avec 10.000 soldats et de disposer d’une force de réaction de 5.000 personnels capable d’intervenir dans un délai très court.
Selon la Cour des comptes, l’indicateur de performance relatif à la projection d’une force de 30.000 soldats est « passé de 95% en 2010 à 82,6% en 2011″. Cela s’explique par des difficultées liées au « soutien dans le domaine des pièces détachées et des munitions », ce qui « pourrait fragiliser la capacité à tenir l’engagement dans la durée ». Et d’ajouter : « Les contraintes logistiques de l’outil industriel et le manque de moyens financiers pour constituer des stocks importants en amont de l’engagement crééent en outre des tensions sur les délais dans la phase de montée en puissance ».
Pour la Marine nationale, c’est la même chose. D’ailleurs, son ancien chef d’état-major, l’amiral Forissier, s’en était alarmé l’an passé. Le contrat opérationnel de la Royale prévoit le déploiement du « groupe aéronaval sur un théâtre distant de 7.000 à 8.000 km, avec son groupe aérien complet et les frégates d’escorte et les sous-marins nucléaires d’accompagnement » ainsi que celui « d’un ou deux groupes navals, amphibie ou de protection du trafic maritime, avec leur soutien logistique » pour des « missions d’intervention et de présence ». Et le tout en gardant une capacité d’intervention pour des missions ponctuelles d’évacuation de ressortissants ou de contre-terrorisme.
Or, pour la Cour des compte, le « dimensionnement actuel de la flotte et les contraintes liées aux arrêts techniques des bâtiments, ne permettent pas à la Marine de tenir en permanence cette posture pour des raisons qui vont au-delà de la présence d’un seul porte-avions (…). En effet, le nombre de frégates est inférieur à la cible de la loi de programmation militaire (…), le format à 18 frégates ne devrait être atteint qu’après 2018 (…) Par ailleurs, la disponibilité est insuffisante pour les sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Rubis et les avions de patrouille maritime. »
Et de conclure : « La simultanéité de tenue des contrats opérationnels pour le groupe aéronaval, le groupe amphibie et le groupe d’action navale n’est plus envisageable à tout moment, ce qui a été acté par les révisions des objectifs à la baisse pour l’année 2013.
Quant à l’armée de l’Air, elle s’en tire mieux, à condition de mettre des bémols. Le contrat opérationnel fixé à l’aviation française (si on y inclut l’aéronautique navale) est de pouvoir projeter 70 avions de combat sur un théâtre situé à 7.000-8.000 km de distance, auxquels s’ajoutent les appareils de souten opérationnel associés ainsi que les « moyens de commandement, de conduite, de détection et de contrôle aérien associées et jusqu’à deux bases majeures simultanément ».
Selon la Cour des comptes, à ce stade, « la composante liée aux avions de combat permet de réaliser le contrat », même si la très importante rénovation du Mirage 2000D a été reportée à des jours meilleurs. Cela étant, si elle ne se fait pas, il est fort probable que de nouvelles difficultés apparaîtront en 2018.
Pour le reste, les problèmes de l’armée de l’Air sont depuis longtemps identifiés : ils concernent le ravitaillement en vol, avec des avions (C-135) qui ont près de 50 ans de service, et le transport aérien tactique, les C-160 Transall et C-130 Hercules devant être remplacés par l’A400M Atlas à partir de 2013.
Le bilan de la Cour des comptes met en garde estime également que la « flotte de transport stratégique est sous-dimensionnée, ce qui nécessite le recours à l’affrètement et rend l’armée de l’air dépendante dans ce domaine d’affréteurs disposant d’appareils de type Antonov ou Galaxy. Cette situation risque de se dégrader avec les retraits du service prévus d’un appareil en 2018 et d’un autre en 2020. »
Enfin, le rapport pointe des insuffisances en matière de maintien en condition opérationnelles (MCO) des matériels, même si un effort a été fait depuis la fin des années 1990, période où les budget dédiés à cette fonction avaient été réduits au-delà du raisonnable, ce qui avait eu pour conséquence une forte réduction du taux de disponibilité des équipements.
Cela étant, en ce qui concerne l’armée de Terre, les matériels engagés dans les opérations extérieures, pour la plupart vieillisants (AMX-10 RC, VAB, etc…) ont affiché des taux de disponibilité de 92,4% pour les moyens terrestres et de 77% pour les équipements aériens. En revanche, la Cour des comptes note que « cet effort a eu pour contrepartie une faible disponibilité des matériels utilisés en métropole pour l’entraînement. »
Pour la Marine nationale, le rapport souligne que « les difficultés concernent les sous-marins d’attaque de la classe Rubis dont le taux de disponibilité, qui est de 63 % en 2009, 54 % en 2010 et 56 % en 2011, résulte des décisions prises lors de la construction de la loi de programmation militaire. Elles ont conduit à laisser en permanence un bâtiment à quai, en plus des arrêts techniques programmés, en raison d’une limitation des moyens budgétaires alloués au regard des ambitions initiales du Livre blanc. »
Quant à l’armée de l’Air, ses appareils ont un taux de disponibilité moyen de 80%, grâce à celui des avions de combat, qui a atteint les 97% en 2010. Mais, note la Cour des comptes, « les effets du vieillissement des flottes d’avions ravitailleurs C135, d’avions de transport tactique C160 et C130 et des hélicoptères Puma et Super Puma se font sentir ».
Pour les premiers, les efforts consentis permettent d’atteindre les objectifs fixés en matière de disponibilité. En revanche, c’est beaucoup plus compliqué pour les seconds, « en raison notamment de problèmes spécifiques liés à la flotte de Puma et de Super Puma qui tombent régulièrement en panne et dont la moyenne d’âge est de 34 ans. Ceci pose des difficultés logistiques notamment pour se procurer certaines pièces détachées. »
Consulter le document de la cour des comptes :