« Imaginez l’image suivante : une croissance récente, s’appuyant sur un boom de la construction alimenté par la flambée des cours de l’immobiliers, et montrant tous les signes classiques d’une bulle.
Il y a eu une croissance rapide du crédit – dont une grande part n’a pas été réalisée par le secteur bancaire traditionnel, mais plutôt par l’intermédiaire d’un secteur bancaire occulte non régulé, qui échappe à tout contrôle gouvernemental et n’est pas non plus garanti par ce gouvernement. Maintenant, la bulle éclate – et il y a de bonnes raisons de craindre une crise financière et économique. »
C’est le Prix Nobel d’Economie Paul Krugman qui introduit ainsi un article bien pessimiste dans un éditorial du New York Times, et le pays dont il parle, c’est la Chine. Il affirme que même s’il ne sait pas si l’on peut se fier aux données économiques chinoises, qui semblent « tenir encore plus de la fiction que celles des autres pays », elles semblent bien menaçantes, et en particulier la consommation des ménages.
Bien qu’elle se soit développée au cours de la dernière décennie, elle n’a pas augmenté au même rythme que la croissance, et ne représente encore que 35% du PIB : c’est la moitié du niveau de celle des Etats Unis. Avec une demande intérieure de plus en plus faible par rapport au PIB, l’économie chinoise s’est essentiellement reposée sur ses exportations pour maintenir les cadences de ses usines.
En revanche, les investissements représentent presque la moitié du PIB, et ils ont été effectués massivement dans l’immobilier. La part des investissements dans l’immobilier par rapport au PIB a doublé depuis 2000.
S’agit-il vraiment d’une bulle immobilière en train d’éclater ? Elle en présente les signes : la flambée des prix, et la fièvre spéculative qui l’accompagne, de même que le financement par des canaux presque occultes, hors de contrôle, y compris par des banques souterraines et des prêteurs sur gages.
Quelle seront les répercussions pour le monde ? Ce n’est pas clair. Des observateurs affirment que les dirigeants chinois sont raisonnables, et qu’en outre, ils ne s’embarrasseront pas de considérations démocratiques pour faire ce qu’il faut pour redresser l’économie. Mais Krugman réfute cet argument, compte tenu des barrières à l’importation que le gouvernement chinois a brandies contre les automobiles américaines, et qui ne risquent pas de favoriser le commerce extérieur. De plus, quelques anecdotes indiquent que la Chine est très corrompue au niveau local, et on peut penser que cela vaut en réalité à tous les niveaux hiérarchiques.
« J’espère que je me trompe en me montrant alarmiste. Mais il est impossible de ne pas s’inquiéter : l’histoire de la Chine ressemble trop à tous les craquements que nous avons connus ailleurs. Et une économie mondiale souffrant déjà du chaos en Europe n’a vraiment, vraiment pas besoin d’un nouvel épicentre de crise ».