L’archipel des Spratleys, qui s’étend sur 400 000 km2, est revendiqué à la fois par la Chine, Taïwan, Bruneï, la Malaisie, le Vietnam et les Philippines. Ce qui donne lieu, régulièrement, à des incidents navals impliquant ces pays.
En 2012, l’International Crisis Group (ICG) estimait même que ces différends territoriaux en mer de Chine (les îles Paracels sont également concernées) pouvaient dégénérer en conflit armé, « faute de mécanisme de résolution des tensions au sein de l’ASEAN » [ndlr, Association des nations de l’Asie du Sud-Est]. Une estimation presque partagée, en France, par une étude du Centre d’études supérieures de la marine française (CESM), qui parle de « point chaud » et de « zone probable de conflit ».
« À priori on pourrait trouver étonnant que des Etats se fassent la guerre pour de si maigres lopins de terre, à peine habitables. Et pourtant, du Vietnam à la Malaisie, en passant par la Chine, Taïwan, et les Philippines, il n’est pas d’Etat, autour de la mer de Chine du Sud, qui ne revendique sa part du gâteau : qui une île, qui une portion de zone économique exclusive (ZEE). Même le sultanat de Brunei occupe deux îles des Spratleys et revendique une portion de ZEE », explique cette étude du CESM.
Plusieurs raisons expliquent ces revendications. Tout d’abord, le sous-sol de la mer de Chine méridionale renfermerait 7 milliards de barils de pétrole et 25 000 milliards de m3 de gaz naturel (soit 13,4% des réserves mondiales). À cela, il faut ajouter les ressources naturelles (halieutiques, de phosphates ou encore de nodules polymétalliques). En outre, l’archipel des Spratleys occupe une position stratégique, que ce soit pour le commerce mondial ou pour des motifs militaires (ces derniers étant surtout vrais pour la Chine, avec sa base de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins – SNLE – installés sur l’île de Hainan).
« Selon le général Schaeffer, il apparaît même que les prétentions de la Chine sur les îles Spratleys et Paracels ou sur d’autres îles, archipels ou hauts fonds de la mer de Chine méridionale n’ont d’autre objectif que de lui assurer une zone de déploiement sécurisée de ses SNLE. Quoiqu’il en soit la mer de Chine méridionale est la seule le long des cotes de Chine à posseder des eaux profondes et à permettre un accès relativement aisé au Pacifique », souligne l’étude du CESM.
Aussi, la Chine n’hésite pas à y affirmer ses prétentions, quitte à susciter les protestations de pays riverains tout en les mettant devant le fait accompli. Comment ? Notamment en construisant des îles artificielles dans cet archipel afin d’y asseoir sa position militaire.
Ainsi, le 20 novembre, IHS Jane’s Defence a signalé l’existence d’importants travaux sur le récif « Fiery Cross » (Yongshu pour la Chine), dont l’objectif serait d’y installer une piste pour des avions militaires ainsi qu’un port pour les navires de guerre.
D’après le rapport d’IHS Jane’s Defence, les travaux ont commencé il y a au moins 3 mois. Photo satellite à l’appui, cette île artificielle mesurerait 3 km de long pour 200 à 300 mètres de large. « C’est le quatrième projet de ce genre lancé par la Chine dans les îles Spratleys au cours des 12 à 18 derniers mois et c’est de loin le plus ambitieux », expliquent les experts de la société britannique spécialisées dans les affaires militaires.
Et celui de Yongshu « semble avoir été conçu pour forcer les autres parties à abandonner leurs revendications, ou tout du moins à doter la Chine d’une position bien plus forte si des négociations devaient avoir lieu sur ces différends », ont-ils également avancé.
« Nous appelons la Chine à stopper son programme de remblais et à engager des initiatives diplomatiques pour encourager toutes les parties à cesser ces pratiques » ont, de leur côté, affirmé les États-Unis, lesquels ont des accords militaires avec certains pays de la zone, comme par exemple les Philippines.
« Les États-Unis font bien évidemment preuve de partialité étant donné que les Philippines, la Malaisie et le Vietnam ont déjà construit des infrastructures militaires » dans cet archipel » a répondu général Luo Yuan, de l’Armée populaire de libération (APL), cité par le quotidien Global Times. « La Chine va vraisemblablement tenir bon face aux pressions internationales et poursuivre le chantier », a-t-il ajouté.
En effet, les Philippines disposent d’une petite garnison sur le récif Ayungin, situé à 200 km de l’île de Palawan (qui appartient à Manille) et à 1 000 km de celle d’Hainan. En fait, il s’agit d’un ancien navire américain de la Seconde Guerre Mondiale, le BRP Sierra Madre, qui a été échoué sur cet îlot… D’ailleurs, cette année, les garde-côtes chinois ont empêché deux bateaux civils philippins d’y accoster pour ravitailler les quelques soldats qui y sont affectés. On est donc bien loin d’une imposante base militaire…
Par ailleurs, outre cette politique du fait accompli dans les Spratleys et les Paracels, la Pékin pousuit également sa stratégie dite du « collier de perles », qui consiste à installer des points d’appui dans des pays riverains des voies maritimes d’une importance cruciale pour l’approvisionnement de la Chine. C’est ainsi que, par exemple, un sous-marin chinois – le Changzheng-2, de la classe Han Type-091 – a fait relâche dans un port sri-lankais au début de ce mois. Seulement, la fréquence de ces escales est un sujet d’inquiétude pour la marine indienne.