La Catalogne n’est plus au centre du débat politique en Espagne, mais son président Artur Mas continue à défier le pouvoir central en lançant la mise en place d’un embryon de structure étatique, en vue d’une éventuelle sécession.
Chassées de l’actualité par l’ascension du parti antilibéral Podemos, favori dans les sondages, les relations entre Madrid et Barcelone demeurent extrêmement tendues, même si le conservateur Mariano Rajoy et son gouvernement prennent soin d’éviter le sujet à l’approche des législatives de fin d’année.
Artur Mas, qui souhaitait un référendum sur l’indépendance interdit par le tribunal constitutionnel, a finalement organisé un vote symbolique sur le sujet en dépit du veto de Madrid et va de l’avant.
Fiscalité et sécurité sociale
Fort du soutien des quelque 1,9 million d’électeurs catalans (sur un corps électoral de 6,3 millions) qui ont manifesté leur souhait d’une séparation de l’Espagne, M. Mas a amorcé la mise en place d’un embryon de structure étatique en matière fiscale, de sécurité sociale et diplomatique.
Celle-ci se fera sans même attendre les élections régionales anticipées centrées sur le sujet prévues le 27 septembre, même si au moins quatre Catalans sur dix ne veulent pas d’une sécession, selon les sondages.
En matière fiscale, d’abord, une pomme de discorde traditionnelle avec le pouvoir central, les nationalistes catalans se plaignent de reverser beaucoup plus d’argent à l’État qu’ils n’en perçoivent, 15 milliards d’euros, l’État n’admettant qu’un déficit bien inférieur, de huit milliards.
Depuis deux ans, un ancien inspecteur du Trésor espagnol se penche sur le futur système fiscal catalan, l’idée étant de préparer l’administration locale à prélever l’impôt. Actuellement, la Catalogne — qui compte 7,5 millions d’habitants et représente un cinquième du PIB national — ne collecte en effet que 5 % des prélèvements.
« Il faut que le moment venu, lorsque l’on gérera une grande quantité d’impôts, cela soit possible », explique le directeur du programme, Joan Iglesias. Selon lui, cela permettrait à Barcelone de prélever quelque 100 milliards d’euros, bien plus que les 65 nécessaires au fonctionnement d’un État catalan.
Un projet viable
« Tout le monde sait que la Catalogne serait viable économiquement », assure-t-il, ignorant notamment les critiques qui soulignent qu’elle aurait des difficultés à se financer sur les marchés et ne pourrait demander des aides européennes. « C’est le territoire le plus productif d’Espagne sur le plan économique ». À cette fin, il faut créer différents organismes, notamment une banque centrale, améliorer les systèmes informatiques, embaucher du personnel. Une tâche colossale.
« Ca avance trop lentement, il faut fluidifier pour que nous arrivions aux élections de septembre en étant plus avancés », estime le député d’ERC (Esquerra republicana de Catalunya, indépendantiste) Lluís Salvador.
C’est pourquoi Artur Mas a nommé le 17 février une commission chargée de superviser la mise en place de ces structures. Dans le budget 2015 qui doit être approuvé dans les semaines qui viennent par le Parlement, la dotation du Trésor passerait de 35 à 54,4 millions d’euros, ce qui permettra une hausse de 50 % du personnel embauché.
Marche à suivre
Une étude a aussi été commandée pour déterminer la marche à suivre afin de permettre la continuité des approvisionnements en énergie, des télécommunications, des transports, dépendant aujourd’hui de l’État espagnol.
Pour le Parti populaire (droite) au pouvoir en Espagne, il s’agit de mesures absurdes et pour lesquelles le gouvernement catalan n’a pas de compétences. L’État « prendra les mesures qui s’imposent afin d’éviter le gaspillage d’argent », dans cet objectif a averti le député régional PP Jose Antonio Coto.
Ainsi, Madrid pourrait introduire un recours contre l’ouverture récente de deux représentations de la Catalogne en Autriche et en Italie. Le gouvernement catalan dispose déjà de sept « ambassades », et veut déployer un véritable service diplomatique à travers cinq continents, dont la mission sera notamment de promouvoir la cause catalane, selon le secrétaire des Affaires étrangères de la région, Roger Albinyana.
Lors du débat sur l’État de la nation devant le congrès espagnol (chambre basse) à Madrid, le député d’ERC Alfred Bosch, a ainsi conclu une allocution à l’attention du chef du gouvernement par un ironique « on se verra à l’ONU ! ».