Dimanche, la Catalogne votait pour élire une nouvelle assemblée régionale. Si, au global, les séparatistes ont obtenu un bon score, en revanche, le parti du président Artur Mas a perdu 20% de ses sièges. Si la cause séparatiste semble devoir continuer à avancer, son chemin ne sera pas simple.
La tentation séparatiste
Les tensions entre Madrid et Barcelone ne cessent de s’accumuler depuis deux ans. La communauté autonome de Catalogne a déjà obtenu beaucoup. Elle jouit d’une grande autonomie, elle a imposé le catalan comme la seule langue officielle, à rebours et en réaction à la politique autoritairement centralisatrice de Franco. On peut se demander aujourd’hui si le point de non retour n’a pas été atteint avec la manifestation de soutien à l’indépendance du 11 septembre.
L’objet du conflit est la volonté d’Artur Mas d’organiser un référendum sur l’indépendance de la Catalogne et de lever les impôts et de minimiser les transferts financiers de sa communauté vers les régions moins riches d’Espagne. Ce conflit a sans doute été accéléré par la crise économique qui a plongé les finances espagnoles mais aussi régionales dans le rouge, imposant à la Catalogne une mise sous tutelle d’autant plus humiliante que la région paie plus qu’elle ne reçoit.
Résultat, CU, au pouvoir depuis longtemps, surfe sur la volonté de séparation d’une partie de la population et veut organiser un référendum lors de la législature à venir. Madrid estime qu’une telle consultation n’est pas constitutionnelle et que seul le Cortes à Madrid peut en décider. Mais Barcelone peut aussi jouer sur les mots pour essayer de rester de rester dans le cadre légal. Le bon score global des partis séparatistes semble ouvrir la voie à une prochaine consultation.
Fédéralisme ou séparation ?
Mais CU semble hésiter entre une séparation en bonne et due forme et une sorte d’évolution fédérale où la Catalogne gagnerait toujours plus d’autonomie (notamment budgétaire). Artur Mas a refusé de parler d’indépendance pendant la campagne. Mais son parti a perdu de 12 sièges à l’Assemblée Régionale et n’en compte plus que 50 sur 135, ce qui va grandement compliquer sa tâche car si le second parti de la nouvelle assemblée (ERC, 20 sièges) est séparatiste, il est de gauche.
La poussée d’ERC montre que les thématiques économiques prennent une place croissante dans le débat (comme le montre un récent appel dans El Pais), ce qui pourrait compliquer toute alliance avec le président, de droite. En outre, il n’est pas évident que la consultation tranche en faveur d’une séparation. Même si Artur Mas plaide sa cause dans les instances internationales, il n’est pas évident aujourd’hui que la Catalogne pourrait devenir un nouvel Etat de l’UE si elle quittait l’Espagne.
Après tout, Madrid pourrait mettre son veto à sa participation à l’UE en représailles. D’ors et déjà, quelques entreprises ont indiqué leur réticence à l’égard d’une séparation. De manière plus triviale, les supporters du Barça se posent la question du championnat dans lequel pourrait jouer leur club fétiche et s’il ne perdrait pas à quitter la prestigieuse Liga. Bref, l’issue du débat ne semble pas si évidente que cela et la campagne à venir promet une sérieuse empoignade démocratique.
Bien sûr, une partie de l’Europe ne voit sans doute pas d’un mauvais œil cet affaiblissement des Etats, eux qui jouent les régions contre les nations. Néanmoins, une telle évolution met à bas l’argument selon lequel on ne pourrait pas revenir sur certaines constructions, comme l’euro.