« Dégage ! » « Nouveau pharaon » !
C’est ce que des dizaine milliers de manifestants scandaient, place Tahrir, reprenant le slogan emblématique de la révolte, qui avait chassé du pouvoir le Président autocratique, Hosni Moubarak, en février 2011
Les manifestations hostiles au président ont touché d’autres villes du pays, en proie à une grave crise, depuis la décision le 22 novembre de M. Morsi, de renforcer, provisoirement, ses pouvoirs afin, selon lui, de pouvoir engager les réformes.
Plusieurs cortèges ont convergé, sur la célèbre place du centre de la capitale égyptienne, pour dénoncer, également, le puissant mouvement des Frères musulmans, dont est issu le président.
Il s’agit de la plus forte mobilisation hostile au président islamiste, depuis son élection, en juin.
Trois morts depuis le début des troubles
Comme tous les jours depuis une semaine, des heurts sporadiques ont eu lieu près de la place, aux abords de l’ambassade des Etats-Unis, entre des jeunes et la police qui répondait aux jets de pierres par des tirs de gaz lacrymogènes. Selon l’Alliance populaire, un petit parti de gauche, un de ses militants y est mort asphyxié, ce qu’a confirmé une source médicale. Il s’agit du troisième décès provoqué par les troubles de ces derniers jours.
Dans le delta du Nil (nord), à Mahalla, les opposants s’en sont pris, selon un responsable des services de sécurité, au siège du Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), dont est issu Mohamed Morsi. Le parti, lié aux Frères musulmans, a recensé 80 blessés dans ses rangs. Les opposants se sont aussi attaqué aux locaux de la confrérie à Mansoura (nord), ainsi qu’à Alexandrie, deuxième ville du pays.
Une centaine de personnes ont été blessées, dans des heurts entre les policiers et les manifestants, au Caire, la capitale égyptienne.
Une manifestation pro-Morsi au Caire avait été annulée de crainte d’affrontements.
Après une rencontre avec la hiérarchie judiciaire lundi, Morsi a maintenu le décret controversé par lequel il s’est autorisé à prendre toute mesure jugée nécessaire pour "protéger la révolution". La situation en Egypte "n’est pas claire", a commenté mardi le département d’Etat américain. Sa porte-parole a appelé à la fin de "l’impasse constitutionnelle", tout en minimisant les risques de voir Mohamed Morsi se transformer en autocrate.
Pourquoi y a-t-il de nouvelles manifestations en Egypte ?
Les opposants au Président Mohamed Morsi se sont rassemblés place Tahrir au Caire, et comptent le faire dans d’autres villes du pays ce mardi, pour la cinquième journée consécutive, à l’appel à la mobilisation de libéraux, de laïcs et d’organisations de gauche. Les manifestants réclament l’abrogation d’un décret élargissant les pouvoirs du président issu des Frères musulmans, et qui menace selon eux de plonger l’Egypte dans une nouvelle ère dictatoriale.
Ce décret, publié jeudi dernier, empêche toute contestation des décisions présidentielles -donc retire au pouvoir judiciaire tout contrôle sur le chef de l’Etat- dans l’attente de l’élection d’un nouveau parlement, ce qui ne devrait pas intervenir avant le milieu de 2013. Il vise notamment à empêcher toute tentative de dissolution de l’Assemblée constituante ou de la chambre haute du Parlement, deux assemblées dominées par les islamistes alliés à Mohamed Morsi.
Tant que la Constituante n’a pas terminé de rédiger la Loi fondamentale, un nouveau parlement ne peut pas être élu et les pouvoirs législatif et exécutif sont concentrés entre les mains du président. Or la Constituante est boycottée par de nombreux libéraux et d’autres opposants, qui affirment ne pouvoir y faire entendre leur voix. Un tribunal administratif du Caire a fixé au 4 décembre la date de la première audition concernant le recours déposé par des avocats et des militants contre le décret présidentiel.
Quelle est la position du Président Morsi ?
Il affirme que le texte n’a pas pour objectif de concentrer les pouvoirs mais de les déléguer et d’éviter une politisation de l’appareil judiciaire. Il a souligné le caractère temporaire du décret, qui sera abrogé une fois la nouvelle Constitution adoptée et le nouveau Parlement élu. Lundi, dans ce qui ressemble à un geste d’apaisement et après une réunion de crise avec le Conseil suprême de la magistrature, Mohamed Morsi a accepté un compromis proposé par les juges qui prévoit de réduire la portée de ce décret. Seules les décisions du président relatives aux « domaines de souveraineté » ne pourront pas faire l’objet de recours en justice. Cependant, le décret ne sera pas amendé.
Pouquoi cette décision n’a-t-elle pas permis de calmer la situation ?
Selon des experts judiciaires, les « domaines de souveraineté » couvrent les éventuelles déclarations de guerre ou la convocation d’élections anticipées mais, par le passé, ce terme a été utilisé de manière plus large, laissant une grande place à l’interprétation. Pour les adversaires du chef de l’Etat, le décret révèle ses tendances autocratiques. Ils dénoncent une tentative de confiscation des pouvoirs et refusent de négocier tant que le texte n’est pas abrogé.