La fièvre pétrolière en Arctique pourrait se déclarer plut tôt que prévu. Elle serait accompagnée par les problèmes graves qui suivent toujours les déclarations du genre : « De nouveaux gisements de pétrole et de gaz ont été découverts ».
La compagnie pétrolière britannique Cairn Energy a déclaré la semaine dernière que son forage d’essai avait mis en évidence la présence de pétrole et de gaz dans la mer de Beaufort, près des côtes du Groenland.
Elle devra présenter le bilan définitif de ses recherches sur le plateau seulement en octobre. On ne se demande plus s’il y a du pétrole au Groenland. La question est maintenant de savoir quand le pétrole jaillira.
Au début de la semaine prochaine, le bureau des minéraux et des hydrocarbures du Groenland devrait annoncer les autres compagnies qui ont remporté les appels d’offres pour le forage d’essai dans la mer de Beaufort.
Des « enchères d’offre » supplémentaires seront organisées l’année prochaine et les troisièmes sont également prévues pour l’année d’après. Les principaux acteurs sur le marché pétrolier avec une grande expérience d’extraction dans les latitudes nord et dans l’océan sont déjà dans la file d’attente pour le droit de forage : les américains ExxonMobil et Chevron, la compagnie anglo-hollandaise Shell et le géant pétrolier et gazier norvégien StatOil.
Plusieurs facteurs nous montrent l’importance de la situation. Par exemple, Cairn Energy (dont le siège se situe à Edimbourg, elle est spécialisée dans le forage du plateau dans des conditions difficiles ; son chiffre d’affaires annuel est d’environ 600 millions de dollars, le bénéfice net cette année s’évalue à près de 180 millions de dollars). Elle a déclaré qu’il n’y avait pas pour le moment de pétrole et de gaz à profusion. La compagnie n’est entrée que dans les couches de sables, riches en gaz thermogénique, premier signe de la présence d’hydrocarbures en grande quantité.
En même temps, la compagnie a déclaré qu’elle mettait en vente la part majoritaire de sa filiale Cairn India (extraction et recherche de pétrole et de gaz en Inde et dans l’océan Indien) pour 9,6 milliards de dollars. Le contrat avec l’acheteur a déjà été signé. Cairn a l’intention d’utiliser toutes les recettes pour l’exploitation des hydrocarbures dans les régions arctiques de l’Atlantique et du Groenland.
Cairn possède déjà deux plateformes mobiles de forage dans la mer de Baffin, près des côtes ouest du Groenland, à 400 kilomètres au nord du cercle polaire, et s’apprête à forer quatre puits supplémentaires. Le coût de chaque forage d’essai s’élève à 100 millions de dollars. Il est clair qu’on ne plaisante pas avec de telles sommes.
Entre-temps, des « mini-conflits militaires » ont éclaté entre les écologistes de Greenpeace, les gardes-côtes, la marine de guerre et les polices du Danemark et du Groenland en mer de Baffin (le Groenland est un territoire d’outre-mer du Danemark). Le navire Espranza, le vaisseau amiral de la protection écologique de Greenpeace, s’est déjà avancé dans la région.
Les autorités du Groenland avaient déjà instauré une zone exclusive autour de la plateforme de forage de Cairn Energy dans un rayon de 500 mètres. Mais le 31 août, certains activistes de Greenpeace ont réussi à franchir les cordons de sécurité et ont débarqué sur la plateforme de forage, dont le travail est interrompu jusqu’à présent.
Kuupik Kleist, le premier ministre du gouvernement autonome du Groenland, a déclaré que l’assaut est une violation flagrante des droits constitutionnels du Groenland, de sa souveraineté, la violation de toutes les libertés et des droits démocratiques, un scandale, une insolence etc. Globalement, il est probable que dans les mois ou les années à venir, le gouvernement du Groenland, misant apparemment sur les réserves de pétrole et de gaz, devienne l’ennemi numéro un de Greenpeace et des écologistes dans le monde entier.
Les Groenlandais ont toutes les raisons de manifester leur « indignation pétrolière » anti-écologique. La plus grande île du monde accueille 57 000 personnes qui vivent principalement grâce à la pêche et aux allocations annuelles de la métropole à hauteur d’environ 600 millions de dollars, ce qui représente 55% du budget groenlandais (0,75% du budget d’État du Danemark).
Les petits frères du nord du Danemark (or, le territoire du Groenland pourrait accueillir une dizaine de royaumes danois) n’éprouvent plus depuis longtemps d’amour pour la mère-métropole. Ces trente dernières années ils tentent d’ « envoyer balader » Copenhague mais l’autonomie est tout ce qu’ils ont obtenu pour le moment. Ils espèrent que le pétrole leur rapportera suffisamment d’argent pour se séparer enfin des « usurpateurs » danois, d’en finir pour toujours avec leur « héritage colonial » et même vivre très agréablement grâce aux dollars du pétrole et du gaz. Le rêve est tout à fait clair : devenir un très grand Koweït au-delà du cercle polaire.
Les chances d’y arriver existent et sont même très bonnes.
Les recherches de la compagnie pétrolière écossaise qui a misé si courageusement son avenir sur les hydrocarbures du Groenland confirment toutes les prévisions de l’Institut d’études géologique des États-Unis (the United States Geological Survey). Il y a deux ans, il a commencé et il y a un an terminé les évaluations des réserves de « la reine des neiges ». D’ailleurs, des scientifiques russes, ainsi que les experts du Canada, du Danemark, du Groenland et de la Norvège ont également participé à ce travail.
Selon les informations de l’Institut, on peut dire avec une certitude de 95% que les réserves de la région arctique constituent 90 milliards de barils de pétrole et 50 milliards de mètres cubes de gaz. Peut-être même plus. Quoi qu’il en soit, les américains affirment qu’en Arctique se trouvent 22% de toutes les réserves mondiales de minéraux, incluant 30% de gaz naturel et 13% de pétrole. Et si le pétrole se trouve majoritairement dans les parties du Groenland et de l’Alaska, le gaz devrait être concentré près ou dans le secteur arctique de la Russie.
Qu’il soit dit en passant, le 3 septembre, les brise-glace arctiques des services côtiers des États-Unis et du Canada partiront dans une nouvelle expédition de recherche et « d’arpentage ». Depuis le milieu de l’été l’expédition russe, chargée de la même mission, s’y trouve déjà. Les trois groupes s’occupent des études sismiques, des sondages, des recherches géologiques. Globalement, il est question de la préparation de la « démarcation » des frontières arctiques nationales sectorielles et d’une meilleure étude de ce qui se trouve sous la glace, les eaux et le fond. Et dans quelles quantités.
Le « partage » de l’Arctique devrait commencer très rapidement. « L’arpentage pétrolier » nécessite, bien sûr, beaucoup d’efforts et de dépenses mais ne souffre aucun délai.
Quant aux écologistes, ils sont surtout préoccupés, comme lors de chaque forage sur le plateau continental, par le danger sur l’environnement du dernier recoin vierge (ou presque) de la nature, l’Arctique. Et il n’est pas nécessaire d’aller chercher des exemples bien loin : les Américains n’ont pas encore définitivement remédié aux conséquences de la catastrophe écologique dans le golfe du Mexique causée par la plate-forme BP Deepwater Horizon. Près de 5 millions de barils de pétrole se sont écoulés dans les eaux de l’océan suite à l’accident.
Les experts avertissent que les conséquences d’un déversement de pétrole en Arctique seraient bien plus graves que dans les eaux chaudes. L’eau froide est incapable de désagréger les hydrocarbures et leur vaporisation dans l’air glacé sera pratiquement bloquée. Tous les déchets iraient alors au fond et infecteraient l’océan pour de très nombreuses années.