Quand la propagande européiste dénonce la propagande russe...
La guerre de l’information fonctionne à plein régime entre l’Union européenne et la Russie. Alors que l’UE a déjà interdit cinq médias publics russes dont RT et Sputnik, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a annoncé, le 7 décembre, vouloir suspendre quatre chaînes supplémentaires, accusées de nourrir « la machine de propagande russe ».
« Leur nom n’a pas été mentionné mais il semblerait qu’il s’agisse de télévisions en langue russe diffusées dans les pays baltes », explique Dave Keating, correspondant de France 24 à Bruxelles. « Ces chaînes ciblent notamment les populations russophones en Lettonie et en Estonie où elles représentent plus d’un quart de la population. »
Pour devenir effective, la suspension doit être approuvée par les membres de l’Union européenne, qui en débattront lundi à Bruxelles. La Fédération européenne des journalistes, de son côté, critique la méthode, affirmant que l’interdiction de médias par les États représente un danger pour la profession. Entretien avec son secrétaire général, Ricardo Gutiérrez.
France 24 : L’UE justifie l’interdiction des médias russes par la volonté d’empêcher la Russie de diffuser sa propagande en Europe. Que pensez-vous de cette démarche ?
Ricardo Gutiérrez : Les règles sont très claires dans ce domaine : si ces chaînes de télévision violent les règles de diffusion, en incitant à la haine par exemple, alors oui, elles doivent être interdites. Mais il ne suffit pas de dire que ce sont des propagandistes. Dans chaque pays, l’État doit porter plainte auprès de l’organisme chargé de la régulation des médias, à qui il revient de statuer indépendamment. Ce système est essentiel pour protéger la presse contre les interférences politiques.
Or, pour RT et Sputnik, le Conseil européen a voulu aller vite et a court-circuité ces instances : ce sont les États qui ont voté directement l’interdiction en l’intégrant aux sanctions économiques contre les entreprises russes. Cette mesure crée un dangereux précédent qui représente une menace pour la liberté de la presse.
L’interdiction est-elle, selon vous, une mesure efficace pour contrer le message du Kremlin ?
Cette mesure peut être nécessaire dans certains cas, mais je ne pense pas qu’elle soit efficace. La lutte contre la propagande passe par le développement de médias de qualité, par la pédagogie, et non par des mesures répressives ou des lois anti-fake news comme celle qui a été adoptée en France. La meilleure arme reste de porter un contre-discours et de convaincre.
Ce type de mesures pose également le risque de conforter les adeptes de la propagande et du complotisme dans leurs positions. De plus, ceux qui souhaitent vraiment accéder à ces chaînes peuvent toujours le faire via des plateformes étrangères. La mesure d’interdiction a permis de réduire la visibilité de ces médias, mais pas de les bloquer totalement. Je considère que pour l’UE ces mesures sont avant tout symboliques. Il s’agit de peser dans le bras de fer engagé avec la Russie, plus que de chercher une réelle efficacité.
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