Un officier de la marine syrienne a révélé au site Syria Politic, les dessous de la chute du F4 turc.
Violation de l’espace aérien à deux reprises
« Les avions turcs ont violé une première fois l’espace aérien syrien le 21-6-2012 au dessus de la région de « Badroussia » (Lattaquié). Mais ils ont été contraints à rebrousser chemin après que les mitrailleurs anti-aérien sont entrée en action », raconte l’officier syrien qui a requis l’anonymat.
Et de poursuivre : « Les mêmes appareils ont franchi l’espace aérien le jour de l’incident (22-6-2012) au dessus de la région de Ras el-Bassit (Lattaquié). Ils ont été visés et touchés directement par les mitrailleurs de l’armée syrienne, vu qu’ils survolaient les eaux syriennes à 50 m d’altitude ».
« Le commandement de l’armée a peu après ordonné un cessez-le-feu total. Et puis, dans un acte de provocation, un drone est venu survoler à basse altitude la position militaire à partir de laquelle l’avion a été abattu ».
Confusions dans les déclarations turques
- Dans les eaux syriennes ou pas
Côté turc, la confusion bat son plein.
Dimanche, le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a reconnu que l’avion de type F4 Phantom était entré momentanément dans l’espace aérien syrien. Il a aussi prétendu qu’il a été abattu sans avertissement préalable de la part les Syriens lorsqu’il est retourné de nouveau dans l’espace aérien international !
Ces propos contredisent ceux du porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Selçuk Ünal, qui a déclaré que son pays "sait dans quelle zone des eaux syriennes notre appareil s’est abîmé, mais nous n’avons pas encore pu le retrouver".
Cette déclaration prouve que l’appareil, (en mission d’entraînement selon Ankara), a été abattu au dessus des eaux syriennes.
Samedi, le chef de l’Etat turc Abdullah Gül avait reconnu que l’avion militaire turc aurait momentanément pu violer l’espace syrien en raison selon lui « de sa grande vitesse ».
- Excuses de Damas
Même la réaction des autorités syriennes a été contradictoirement reflétée par les dirigeants turcs. Vendredi, le premier ministre turc, Recep Erdogan avait rapporté à des journalistes qui l’accompagnaient dans sa visite au Brésil, que Damas avait présenté des excuses à Ankara.
Mais le chef du gouvernement avait refusé de confirmer, le même jour, ces propos, se retranchant derrière un manque de "renseignements catégoriques".
- Le type de l’avion
La confusion régnait elle aussi sur le type de l’avion abattu. Bien que les agences de presse et les médias turcs aient parlé d’un F-4 Phantom, un type de chasseur, le vice-Premier ministre turc Bulent Arinc, a prétendu qu’il s’agissait d’un appareil de reconnaissance.
Quant à Davutoglu, il a rapporté que le F4, « non armé », n’était pas en mission d’espionnage, mais réalisait un exercice de rodage et de test du système de radar turc.
- Le sort des pilotes
Pour ce qui est du sort des deux pilotes, les dirigeants turcs, dont à leur tête Erdogan, avaient affirmé en premier lieu qu’ils étaient vivants. Or, dimanche le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères a déclaré que l’épave a été localisée dans une zone à 1.300 mètres de profondeur dans la méditerranée, mais on ignore si les deux pilotes du F-4 turc, introuvables jusqu’à présent, ont pu s’éjecter.
Cependant, des sources citées par le site Syria Politic révèlent que les deux pilotes seraient morts, et des restes de leurs corps auraient été retrouvés par les équipes de sauvetage.
Pas d’intervention turque
Pour l’expert libanais dans le dossier turc, Mohammad Noureddine, la Turquie est loin de riposter militairement contre Damas, « faute d’arguments juridiques, vu que le chef d’état turc a reconnu en personne que le F4 a franchi l’espace aérien de la Syrie ».
Noureddine a également cité les déclarations d’un haut responsable turc au quotidien « Milliyet » selon lequel « Ankara ne partira pas en guerre, malgré l’agression dangereuse ».
Et de poursuivre, « Erdogan ne pourra pas prendre une décision de déclencher unilatéralement une guerre qui effraye les Turcs avant les autres ».
Le F-4 turc abattu testait pour l’Otan la défense antiaérienne syrienne
Le F-4 Phantom turc abattu vendredi testait la défense antiaérienne syrienne pour le compte de l’Otan et sa destruction a montré l’efficacité des systèmes russes dont est équipée la Syrie, estimaient des experts spécialisés russes cités lundi par l’agence d’Etat Ria Novosti.
L’agence Ria Novosti affirme de son côté, citant l’expert Saïd Aminov, que le vol visait "selon toute probabilité à tester les systèmes de DCA syriens dans le but de mettre au jour ses éléments".
"L’avion volait à basse altitude, et c’est un des éléments clés de la violation de tout système de défense antiaérienne", ajoute Ria Novosti, citant M. Aminov, qui dirige le site spécialisé "Vestnik PVO" (Les nouvelles de la DCA).
Une opinion partagée selon Ria Novosti par l’expert russe Igor Korotchenko, du Centre d’analyse des ventes d’armes internationales.
Le but probable de la mission était "de forcer les moyens de visée des batteries syriennes à se déclencher, d’activer les stations radar, et peut-être de provoquer leur basculement en régime de combat", indique l’agence, citant M. Korotchenko.
"La Turquie est membre de l’Otan, où se pratique l’échange de données de reconnaissance avec les autres membres de l’alliance, et mène une activité de renseignement radio-électronique active autour de la Syrie", ajoute Ria Novosti citant cet expert.
L’incident "témoigne de l’efficacité de la DCA syrienne, dont la base est constituée de batteries de moyenne portée de production russe Buk-M2E, Petchora-2M et de systèmes de DCA Pantsir-S1", poursuit par ailleurs l’agence, citant Saïd Aminov.
Makdessi réfute les mensonges turcs
Cité par l’AFP, le porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères, Jihad Makdessi a indiqué lors d’une conférence de presse que cette conférence a été organisée pour "réfuter tous les mensonges" colportés par les médias arabes et occidentaux et les responsables turcs.
Damas a réaffirmé que l’avion de chasse turc abattu vendredi par la Syrie avait "violé la souveraineté syrienne".
"Les défenses aériennes syriennes ont riposté et (l’appareil) s’est abîmé à l’intérieur des eaux territoriales syriennes. Ce qui s’est passé est une violation flagrante de la souveraineté syrienne", a déclaré Makdessi.
Et pour étayer ses accusations, le responsable syrien assure que "c’est un canon mitrailleur anti-aérien qui a fait tomber l’avion turc, et il n’y a pas de radar dans cette arme", a-t-il dit.
Signe que l’appareil turc était à proximité du large syrien.
Les débris remis aux parties turques
Les débris de l’avion remis dimanche aux parties turques "prouvent que l’appareil a été abattu par un canon mitrailleur" dont la portée est de deux kilomètres et demi, affirme le responsable.
Les eaux syriennes sacrées
S’agissant de la réunion de l’alliance, M. Makdessi a mis en garde les pays de l’Otan qui doivent se réunir mardi à Bruxelles, à la demande d’Ankara pour discuter de l’incident.
"Si la réunion vise à calmer la situation (...), nous leur souhaitons bonne chance. Mais si l’objectif est une agression, nous leur disons que le territoire, l’espace aérien et les eaux syriens sont sacrés pour l’armée syrienne, tout comme le terriroire turc (...) est sacré pour l’armée turque", a-t-il affirmé.
Le responsable syrien a accusé le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu d’avoir donné "une version contraire à la réalité" de l’incident.
Mais il a toutefois réaffirmé que la Syrie demeurait "attachée aux relations de bon voisinage avec la Turquie". "Nous n’avons aucune intention belliqueuse envers le peuple et l’Etat turcs".