Les médicaments du cancer coûtent cher, trop cher, de plus en plus cher ! C’est pour mettre fin à une situation explosive que 110 cancérologues et hématologues français ont décidé de lancer un appel dans Le Figaro. L’année dernière, les cancérologues américains tiraient le signal d’alarme via une lettre ouverte dans la plus prestigieuse revue médicale américaine. Cette fois, ce sont les professionnels de santé eux-mêmes qui se lancent dans l’arène.
Et pas des moindres ! Les deux promoteurs de l’« appel des 110 » sont des poids lourds de la cancérologie française. Jean-Paul Vernant, professeur d’hématologie, fut même l’auteur des recommandations du troisième plan cancer, tandis que Dominique Maraninchi vient tout juste de quitter la direction de l’Agence du médicament (ANSM) après avoir présidé l’Institut national du cancer (Inca). Il est aussi professeur de cancérologie. Pour tout dire, l’appel des 110 ressemble à un Who’s Who du cancer. On croise ainsi les présidents de prestigieux instituts, le Pr Thierry Philip (Institut Curie) et le Pr Alexander Eggermont (Institut Gustave Roussy), mais aussi l’ancien directeur de la Haute Autorité de santé (HAS), le Pr Jean-Luc Harousseau, le Pr Patrice Viens, président d’Unicancer, ou encore Alain Fischer, professeur au Collège de France. Pourquoi une telle mobilisation ?
Situation explosive
D’abord parce que la situation est véritablement explosive. À entendre les experts, à lire les rapports de l’Assurance-maladie ou ceux de la Cour des comptes, à écouter les pharmaciens responsables dans les établissements de soin, on a véritablement l’impression d’être sur le Titanic, filant droit vers son destin. Sans que personne sache où se trouve le capitaine !
« Une bulle s’est installée, et elle est sur le point d’exploser », annonce le Pr Vernant, visant les « profits indécents de l’industrie pharmaceutique ». Lui qui dénonçait déjà en 2013 des bénéfices dépassant en pourcentage du chiffre d’affaires ceux de l’industrie du luxe n’a toujours pas décoléré. « L’industrie pharmaceutique détermine ses prix en fonction de ce que le marché est prêt à payer », constate-t-il. Les prix des médicaments contre le cancer sont chers en Europe ? Ils sont au moins deux fois plus chers aux États-Unis ! L’exemple du Glivec (imatinib) est éloquent. Ce médicament efficace dans la leucémie myéloïde chronique coûte environ 7 500 euros par mois aux États-Unis, alors qu’il est aux alentours de 3 000 euros en France. Cher dans les deux cas. Mais un peu moins en France, où l’État tente de négocier les prix via le Comité économique des produits de santé (CEPS).