Il y a dans cet article un acharnement quasi conspirationniste à défendre la virginité politique de la franc-maçonnerie.
Dont l’objet a pourtant été non pas l’instruction du peuple, mais la destruction de l’Église et ce, depuis exactement trois siècles : 1717 !
On ne compte plus les thèses loufoques en vogue expliquant le monde par l’existence de complots ou de plans cachés de minorités influentes… Le sociologue Gérald Bronner a bien décrit l’impact d’Internet sur l’essor et le renouvellement incessant des théories parfois les plus fommes (des gens croient par exemple à un complot « reptilien »…).
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Relativement moins cité que d’autres théories conspirationnistes, l’antimaçonnisme fonctionne néanmoins comme une matrice du conspirationnisme redoutablement efficace. La dénonciation d’élites invisibles mais puissantes est un classique qui permet d’ailleurs de délégitimer toute critique rationnelle et démocratique du fonctionnement des élites. Il s’agit aussi d’un complotisme en kit, facile à utiliser près de chez soi, au coin de sa rue dans la vie quotidienne. Une difficulté professionnelle peut très vite s’expliquer par l’influence des francs-maçons. Une subvention refusée, des déboires commerciaux, une carrière artistique en berne : tout est vite imputé aux francs-maçons.
Surnommés « Frères trois points », « Fils de la Veuve » ou « Frères la gratouille » (par François Mitterrand), ils ont la réputation de s’entraider et d’influencer nombre de décisions. L’antimaçonnisme a tellement imprégné le sens commun qu’il apparaît parfois comme un conspirationnisme tolérable. Mais rend surtout la lutte contre les idéologies conspirationnistes plus difficiles.
La franc-maçonnerie est née au début du XVIIIe siècle. Société à l’origine secrète, elle a joué un rôle dans la diffusion des idées des Lumières. Les Constitutions d’Andersen en définissent les principes. On compte de nombreux « frères » célèbres : Mozart évidemment mais bien d’autres également Garibaldi, Mazzini, Allende et bien d’autres. En 2014, selon les chiffres fournis par les organisations maçonniques elles-même, on dénombrait près de 175.000 frères et sœurs en France, répartis dans plusieurs obédiences. Les trois principales sont le Grand Orient de France (GODF), la Grande Loge de France (GLF) et la Grande Loge Nationale Française (liée à la Grande Loge d’Angleterre). Certaines obédiences imposent la croyance en l’existence de Dieu, d’autres non.
Pourquoi tant de haine ?
En ligne de mire de l’antimaçonnisme se trouve « l’idéologie des Lumières » mais c’est dans la frustration personnelle qu’il amorce son travail d’influence chez l’immense majorité de ceux qui y adhèrent. L’antimaçonnisme puise dans une longue tradition très présente en France, depuis plus de deux siècles. La franc-maçonnerie a suscité très tôt réticences ou hostilités, surtout de la part de l’Église, en particulier des papes Clément XII et Benoît XV qui la condamnèrent. Les thèses complotistes de l’époque ciblaient aussi les Jésuites – thèses que l’on retrouve aujourd’hui dans les productions du groupe sectaro-folklorique d’extrême-droite des « Brigandes ».
Si l’Église se sentit menacée par la montée en puissance de la franc-maçonnerie, ce n’est qu’après la Révolution Française que fut systématisée une idéologie antimaçonnique. L’Abbé Barruel, notamment, fit profession de combattre les philosophes et les francs-maçons. Devenu un fervent soutien du pouvoir napoléonien, il s’investit parallèlement dans une véritable croisade contre la supposée influence maçonnique. Dans le viseur de Barruel, les Jacobins, ouvriers du complot qui était censé avoir donné naissance à la Révolution. Une thèse qu’aucun historien sérieux ne retint jamais. C’est chez Barruel que l’on trouve trace de la dénonciation des Illuminati, dont le nom se retrouve fréquemment au cœur des théories conspirationnistes les plus délirantes actuellement en vogue.
Nombre de frères furent impliqués dans la Commune de Paris, cherchant à favoriser une conciliation avec les Versaillais et Thiers, sans succès. La propension à accuser la franc-maçonnerie de desseins subversifs redoubla avec l’installation de la République, les lois sur l’École puis la Laïcité. Le Grand Orient de France accueillit nombre de militants anticléricaux et de partisans de la laïcité. Le « Scandale des Fiches » en 1904 qui révélait la volonté du ministre d’alors, le Général André, lui-même frère, de connaître les opinions religieuses et politiques des officiers de l’Armée. Ces fiches auraient alors bénéficié du concours actif de loges maçonniques et aurait eu pour but de déterminer l’avancement des officiers.
L’Affaire Dreyfus confirma l’hystérie anti-maçonnique des milieux nationalistes, d’une grande partie du clergé et du monde catholiques d’alors. L’entre-deux-guerres fut encore marquée par un antimaçonnisme débridé. Partis d’extrême-droite et ligues professent une hostilité virulente à l’égard de la maçonnerie, à laquelle est identifiée la République et la supposée influence des juifs. Charles Maurras fit de la franc-maçonnerie l’un des quatre « états confédérés » (avec les juifs, les protestants et les « métèques »). Monseigneur Jouin fut un des entrepreneurs idéologiques anti-maçons les plus acharnés donnant corps à la dénonciation du « complot judéo-maçonnique » qui influença la politique de répression pétainiste et vichyste. Antimaçonnisme et antisémitisme constituent les édifices jumeaux d’une même explication paranoïaque du monde, dont les scories sont encore très présentes aujourd’hui.
Les régimes totalitaires contre la franc-maçonnerie
Le Régime de Vichy fut en pointe du combat anti-maçonnique. Il interdit les obédiences maçonniques, réprima et persécuta les francs-maçons. En dépit d’une lettre d’Arthur Groussier – homme politique et Grand Maître du GODF – au Maréchal Pétain, ce dernier resta inflexible. Le contexte de la défaite et la pression de l’occupant allemand n’explique pas, dans ce cas non plus, l’entrain vichyste à pourchasser les Frères. Les services de sécurité d’Himmler (SD) arrivèrent certes en juin 1940 avant les troupes de la Wehrmacht dans Paris et foncèrent immédiatement au siège du Grand Orient de France, Rue Cadet. Plus tard, c’est Bernard Faÿ, administrateur de la Bibliothèque Nationale, qui s’installe dans l’Hôtel du GODF et traite les archives saisies dans les Loges françaises en lien étroit avec le SD… Le film Forces Occultes, œuvre de propagande réalisée sous le régime de Vichy, résume à merveille les préjugés, fantasmes de l’idéologie d’alors. A la Libération, Faÿ est condamné à l’indignité nationale.
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Voici le fameux film Forces Occultes :