Toujours prompts à faire émerger dans chaque fait-divers, certes un peu brutal, l’étincelle d’un choc des civilisations opposant un Orient barbare à un Occident éclairé pétri d’objectifs louables, nos néoconservateurs patentés du cercle médiatique parisien avaient amplement discouru sur la dimension authentiquement haineuse, anti-occidentale, voire antisémite de l’assassinat du journaliste américain Daniel Pearl en janvier 2002.
Enlevé par des activistes se réclamant du « Mouvement national pour la restauration de la souveraineté pakistanaise » dirigé par un djihadiste nommé Omar Sheikh (emprisonné depuis au centre de détention de Guantanamo), Daniel Pearl avait ému l’opinion occidentale, tant par le déroulement de son assassinat (décapitation filmée) que par le choix de la cible, honnête et brillant journaliste, juif de surcroît.
Au motif initial des meurtriers, l’accusation d’espionnage à l’endroit de notre chère victime, s’étaient succédés les montages sans cesse plus délirants de nos commentateurs de comptoir officiels voyant dans cet acte la preuve que le journaliste « avait obtenu des renseignements majeurs concernant les relations entre l’ISI pakistanais et la présence d’Al Quaïda, dont peut-être Oussama Ben Laden lui-même, au Pakistan » (Alexandre Adler, « C dans l’Air », 03/05/2011) précédé d’un non moins comique « L’assassinat de Massoud, l’attentat du 11 septembre puis, maintenant, cette mort de Daniel Pearl : ce sont les trois coups qui marquent le lever de rideau du XXI° siècle », dont seul notre héros BHL a le secret.
Déterminé à reprendre l’enquête que le journaliste était en train de mener au moment de son enlèvement (objet du romanquête "Qui a tué Danier Pearl"), notre philosophe botuliste, une fois n’est pas coutume, n’aura visiblement pas su mener sa mission (directement mandaté par son Dieu probablement) correctement puisqu’il apparaît désormais évident que la dimension purement « islamiste » de l’assassinat était une fausse piste.
En effet, le parallèle avec l’attentat de Karachi commis le 8 mai 2002, ayant causé la mort de 11 salariés de la Direction des constructions navales, est désormais clairement établi puisque dans les deux cas c’est le non-respect de contrats d’armement passés avec le Pakistan qui a motivé ces représailles selon le juge Marc Trévidic, chargé du volet terroriste de l’instruction sur l’affaire Karachi, qui a interrogé Omar Cheikh en personne. Il s’agissait dans les deux cas de punir des ressortissants des deux pays incriminés, la France et les Etats-Unis.
Honorons donc la mémoire de ce journaliste et des onze ingénieurs français, certes victimes de la barbarie mahométane dont nos chers philosophes mondains se font l’écho avec délectation, mais en premier lieu de la cupidité des hommes politiques, incapables de voir dans les rétrocommissions des leviers de chantage parfois dramatiques.