Egalité et Réconciliation
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L’Organisation de Coopération de Shangai : un adversaire de l’OTAN ou bien plus que ça ?

La menace impérialiste étasunienne, principale cause de guerres tous azimuts dans le monde, doit être contenue. L’Organisation de Coopération de Shanghai contribue significativement à cet objectif en faveur de la paix. Le Comité Valmy considère qu’un gouvernement français démocratique, souverain, indépendant, non vassalisé et soucieux de l’intérêt national ainsi que de la sécurité des peuples du monde, devrait sortir de l’OTAN belliciste et établir des relations stratégiques avec l’OCS. Nous diffusons cette analyse sur l’OCS élaborée par Comaguer et qui correspond pour l’essentiel, à la nôtre. C.B., pour le Comité Valmy.

Reproduction d’un article destiné à la publication dans le numéro du troisième trimestre 2008 de la revue italienne de géopolitique Eurasia Rivista di studi di Geopolitica.


Assez tardivement, MIKHAIL GORBATCHEV découvre que les dirigeants des Etats-Unis n’ont pas de parole. Il a en effet déclaré à plusieurs reprises ces derniers mois que lorsqu’il avait annoncé en 1989 que l’URSS allait retirer toutes ses troupes de l’Europe de l’Est en commençant par l’Allemagne et Berlin, il l’avait fait après que les Etats-Unis lui aient promis de ne pas étendre l’OTAN vers l’Est au delà des limites que l’Organisation avait atteintes cette année-là.

Encore était-il trop souple dans une négociation de très grande portée historique. La logique de la détente et des accords d’Helsinki aurait voulu que l’OTAN se dissolve au moment où se dissolvait sa réplique et son adversaire officiel : le Pacte de Varsovie. Il n’en fut rien et l’OTAN a poursuivi depuis 1989 un mouvement pour l’instant inexorable visant à englober tous les pays du pacte de Varsovie.

C’est aujourd’hui chose faite. La poussée de l’OTAN vers l’Est et jusqu’aux frontières occidentales de la Russie a ensuite concerné des républiques issues elles-mêmes de l’URSS. Les trois républiques baltes ont changé de camp comme un seul homme. Le Belarus fait au contraire tous ses efforts pour demeurer le meilleur allié de la Russie au point de faire pression, jusqu’à présent sans résultat, pour reconstruire un Etat fédéral commun. Restent deux pays encore incertains de leur destin : la Géorgie et l’Ukraine et qui font de la rive Nord de la Mer Noire une zone dangereuse où l’OTAN veut s’implanter par tous les moyens.

On peut s’étonner de la naïveté de M GORBATCHEV. Le régime soviétique était-il si faible qu’il ne pouvait même pas demander de contreparties aux énormes concessions qu’il faisait lui-même, était il miné par la déroute afghane, n’a-t-il pas compris que ce que voulaient les Etats-Unis n’était pas la disparition d’un régime politique antagonique qui manifestement n’était plus porteur d’espoirs populaires , ni en URSS ni ailleurs, mais l’élimination d’un adversaire, du seul adversaire d’alors qui contrariait les ambitions toujours vivaces, la suite l’a prouvé, de domination mondiale sans partage.

Toujours est-il que les Etats-Unis ont alors très bien compris que l’adversaire était à terre et que la seule chose à faire était de l’abattre. De ses tournages dans de mauvais westerns REAGAN avait au moins retenu cette leçon élémentaire et que, pour y parvenir, on pouvait bien lui faire toutes les promesses du monde puisque de toute manière il les emporterait avec lui dans sa tombe. Appuyé par l’Union Européenne ses fonctionnaires et ses crédits et par une Allemagne qui retrouvait ainsi pacifiquement une partie de son « Lebensraum », le basculement de la RDA, de la Pologne, de la Hongrie et de la Tchécoslovaque dans l’économie libérale et le pluripartisme se fit sans grandes difficultés. La Bulgarie et la Roumanie allaient suivre avec un peu de retard mais il est significatif que, dans tous les cas, l’entrée dans l’OTAN ait précédé l’entrée dans l’UE. La Croatie suit aujourd’hui le même chemin. Restait et reste encore le problème des anciennes républiques soviétiques au Sud et à l’Ouest de la Fédération de Russie. Au Sud, un début de réponse est venu avec la constitution du GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie) et avec les « révolutions » de couleur préparées et orchestrées depuis l’extérieur mais n’ont produit que des changements d’équipe dirigeante sans véritable bouleversement politique et la question n’est pas tranchée.

D’autre part, la tentation des Etats-Unis de faire exploser le Fédération de Russie de l’intérieur en instrumentalisant le terrorisme islamique en Tchétchénie a été stoppée. A l’Est dans des républiques devenues indépendantes sans l’avoir voulu, dont les frontières correspondaient plus à des découpages administratifs internes à l’URSS et où les réseaux d’influence occidentaux étaient faibles, les Etats-Unis et l’Union Européenne, chacun à leur façon passèrent à l’action. (Programmes Silk Road et Tacis). Il fallait prendre le contrôle des ressources pétrolières, gazières et minières de ce vaste ensemble, s’assurer le soutien de chefs d’Etat arrivés à ces postes par les hasards de l’histoire et qui n’attendaient plus rien de la Russie D’Eltsine épuisée qui les avait proprement congédiés. L’activisme diplomatique et financier des Etats-Unis dans cette zone tout comme les dangers d’un terrorisme islamique dont le berceau restait l’Afghanistan où les Etats-Unis l’avaient fait naître et prospérer finit par alerter les autorités russes et chinoises.


La réunion fondatrice


C’est alors que commença un début de résistance à l’invasion de l’Asie centrale par les Etats-Unis. Le 26 Avril 1996 cinq chefs d’Etat se réunissent à Shanghai : ceux du Kazakhstan, de la Kirghizie, du Tadjikistan de la Chine et de la Russie. Ils signent un accord pour la sécurisation de leurs frontières communes, accord à caractère militaire destiné à faire face à tous les trafics : armes, drogues et à leurs effets déstabilisateurs. Ils prennent en compte l’évolution de la situation à la périphérie de leur espace commun où le terrorisme islamiste se développe (Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie et circulation des terroristes entre ces trois pôles Ils n’ignorent rien de l’influence des services secrets US dans tout ou partie de la mouvance islamiste et de leur capacité à instrumentaliser tel ou tel courant. Ils savent que l’arrivée au pouvoir des talibans à Kaboul va favoriser le développement de ce terrorisme dans leur environnement immédiat voire sur leur propre sol.

Un an plus tard, à Moscou, l’accord est confirmé et prend la forme d’une réduction des forces militaires aux frontières communes, c’est-à-dire qu’il y a création d’un espace sécurisé commun et que chacun des 5 ne craint plus d’actions hostiles d’aucun des 4 autres. En 1999, au sommet de Bichkek, les 5 élargissent le champ de leurs relations à la coopération régionale et débattent de la situation internationale. Ce débat intervient en Août après l’intervention militaire de l’OTAN en Yougoslavie qui a démontré que la volonté de puissance des Etats-Unis pouvait être exercée militairement par l’OTAN sans l’accord des Nations Unies c’est-à-dire en marginalisant deux des cinq membres du Conseil de Sécurité : la Russie et la Chine (dont l’ambassade à Belgrade a été bombardée « par erreur ») et alors qu’aucun des pays membres de l’OTAN n’est menacé.

Les 5 de Shanghai sont donc conduits à mener une réflexion sur la situation stratégique du continent eurasiatique qui ne peut que les conduire à la conclusion que leur indépendance est menacée par l’administration Clinton et ses complices européens, droite et gauche mélangées, menace que l’administration Bush ne fera que monter à un niveau supérieur L’avertissement yougoslave a porté et les rencontres se multiplient en 2000 : en Mars réunion des ministres de la défense, en Juillet des ministres des Affaires étrangères précédant celle des chefs d’Etat à laquelle pour la première fois participe en observateur le Président ouzbek KARIMOV. Celui-ci en effet après avoir été beaucoup courtisé par CLINTON redoute de devenir un nouvel Afghanistan avec lequel il a une longue frontière commune difficile à surveiller et il a décidé des se rapprocher du groupe de Shanghai.


L’OCS voit le jour


Les conditions sont donc remplies pour que le groupe de Shanghai passe à un niveau supérieur d’organisation en réplique à la prise de pouvoir des néo-conservateurs à Washington. En effet, déjà sérieusement mis en alerte par la politique militaire de Clinton (Irak, Soudan, Serbie) les 5 n’ignorent rien des projets de domination mondiale que les stratèges néo-conservateurs ont mis sur le papier (Project for a New American Century)

La création officielle de l’OCS annoncée le 15 Juin à l’issue du sommet des 6 Chefs d’Etat – les 5 du début plus l’Ouzbékistan – se tient précisément à Shanghai Les ministres de la Défense et des Affaires étrangères se réunissent à la même occasion et il est créé un outil permanent des coordinateurs nationaux c’est-à-dire qu’existe dans chacun des pays membres un responsable qui coordonne les ministères et services dont le champ d’activité est concerné par l’OCS. Les 6 chefs d’Etat vont se réunir à nouveau les 12 et 14 Septembre 2001. A l’ordre du jour figure l’ouverture d’un nouveau champ de coopération entre les membres : celui de l’économie et au premier chef la coordination des investissements d’intérêt commun ce qui constitue le pendant des programmes « occidentaux » New silk road et TACIS. 48 heures après les attentats du 11 Septembre dont il a évidemment été question au cours du sommet et probablement avec beaucoup plus de pertinence que dans les grands médias internationaux (les services secrets russes avaient annoncé les préparatifs d’attentats à leurs homologues étasuniens) l’OCS met en place un espace géostratégique sino-russe soudé par les 4 républiques d’Asie Centrale.

L’OCS publie d’ailleurs une déclaration commune de condamnation du terrorisme qu’il faut lire non pas comme un soutien aux Etats-Unis mais comme la confirmation des préoccupations préexistantes de ses membres face à un phénomène auxquels ils sont confrontés depuis sa naissance en Afghanistan et sur lequel ils doivent disposer d’outils d’analyse et de renseignements précis pour faire la part des mouvements spontanés et des activités des groupes liés aux services secrets étasuniens. L’OCS se réunit à nouveau à Bichkek le 11 Octobre pour une réunion extraordinaire consacrée à l’attaque de l’Afghanistan par les Etats-Unis. L’enchaînement extrêmement rapide de tous ces évènements donne force à l’hypothèse suivante :

L’attaque de l’Afghanistan, qui était déjà programmée avant le 11 Septembre comme cela a été reconnu depuis par divers gouvernements occidentaux, était une riposte à la création de l’OCS permettant à l’armée US et à sa suite à celles de l’OTAN de prendre directement pied au milieu de l’espace stratégique sino-russe en cours de structuration et le renversement des Talibans, dont les représentants étaient encore reçus officiellement au Texas en Août 2001, n’était qu’un prétexte.

Cette hypothèse est confortée par le fait qu’à partir du 11 Septembre, l’OCS va connaître un rythme d’activité de plus en plus soutenu. Les réunions ministérielles, qu’elles concernent les Affaires étrangères, la défense, la Sécurité, les Transports ou la Culture se tiennent au rythme d’au moins une réunion par mois. L’année 2003 voit de grandes avancées dans l’organisation matérielle et le sommet des chefs d’Etat qui se tient à Moscou les 28 et 29 Mai entérine la mise en place d’un secrétariat général permanent dont le premier titulaire est l’ambassadeur chinois ZHANG DEGUANG. L’OCS est désormais une institution internationale de plein exercice dotée d’un secrétariat permanent, d’un siège et d’un ensemble de règles de fonctionnement décidées collectivement. L’ouverture officielle du secrétariat a lieu le 15 janvier 2004 en présence des représentants de l’ONU, de l’OSCE de la CEI et d’autres institutions internationales. Parallèlement est mise en place une structure spécifique de lutte contre le terrorisme qui organise en Août des manoeuvres communes des 5 membres (l’Ouzbékistan ne participa pas)

Les outils en place les chefs d’Etat réunis à Tachkent le 17 Juin adoptent une série de directives de travail visant à intensifier la coopération en matière de sécurité, de commerce et d’économie. Soucieux également de soigner les relations avec leurs voisins ils créent un statut d’observateur qui, pour commencer, va être accordé à la Mongolie, le seul Etat enclavé dans l’OCS et que cajole l’administration BUSH. HAMID KARZAI le président du gouvernement provisoire afghan est invité au sommet mais son pays ne reçoit pas le statut d’observateur En Septembre 2005 deux nouveaux observateurs sont acceptés simultanément : l’Inde et le Pakistan, l’OCS montrant ainsi qu’elle traite sur pied d’égalité deux pays dont les relations sont médiocres et qui entretiennent avec chacun des membres de l’OCS des liens de qualité très diverse.

En Septembre, le secrétaire général présente l’Organisation à l’Assemblée générale de l’ONU et souligne qu’elle regroupe : 1,5 milliard d’habitants et qu’elle couvre 3/5 du continent eurasiatique, façon diplomatique d’en comparer l’ampleur avec d’autres institutions du même continent, telle l’Union Européenne, plus riche mais beaucoup plus petite et beaucoup moins peuplée. En 2006 la coopération se renforce en matière d’énergie, de protection de l’environnement et de nouvelles technologies. En même temps se mettent en place des structures permettant de ne pas limiter les contacts au niveau des seuls exécutifs : rencontres de chefs d’entreprises, de parlementaires de magistrats... Au oint de vue des relations extérieures un accent nouveau est mis sur les relations avec l’ASEAN* et l’EURASEC *

L’année 2007 a été marquée par la signature d’u traité qui constitue une formalisation des relations nouées entre les Etats membres et s’intitule : « TRAITE DES RELATIONS DE BON VOISINAGE, D’AMITIE ET DE COOPERATION. »

Ce bref historique montre un développement rapide de cette nouvelle organisation. Considérant que l’alliance Chine-Russie en constitue le moteur et gardant en mémoire les rapports difficiles les rapports difficiles entre l’espace russe à partir du moment où il a affirmé son pouvoir sur la Sibérie Orientale jusqu’au Pacifique et l’espace chinois , tout comme l’affrontement sur la scène politique mondiale entre les deux plus grands pays socialistes , les progrès de l’OCS constituent un événement géopolitique de première importance, le plus gros pion, de très loin, et le plus inattendu, sur le GRAND ECHIQUIER dessiné par ZBIGNW BRZEZINSKI

La période de construction de l’OCS montre assez qu’il ne s’agit pas d’une alliance impérialiste secondaire mais de la réponse aux ambitions planétaires des Etats-Unis et à leur intervention politique, économique et bientôt militaire (Afghanistan – Octobre 2001) dans l’espace centre asiatique que l’éclatement de l’URSS avait laissé profondément désorganisé. Pour autant le face à face OCS/OTAN n’est pas comparable au face à face PACTE DE VARSOVIE/OTAN. Pour plusieurs raisons :

  • L’OTAN est une alliance qui veut enrôler le monde entier sous la bannière du capitalisme occidental y compris son système institutionnel de domination des oligarchies financières sous couvert d’une démocratie parlementaire affaiblie. Elle n’a pas arrêté de recruter depuis 1989 alors qu’aucun de ses membres, anciens ou nouveaux, ne subissait de menace militaire et elle a elle-même agressé des pays sans défense (Serbie en 1999, Afghanistan en 2001)

L’OCS défend son pré carré, qui est, il est vrai, immense, et l’organise. Elle n’a pas de troupes à l’extérieur des Etats membres et si certains Etats membres ont individuellement de maigres contingents hors de leurs frontières ce n’est que dans le cadre d’opérations de maintien de la paix décidées par l’ONU.

  • L’OTAN fonctionne sur le mode manichéen caractéristique de la diplomatie des néoconservateurs : on ne peut être que pour ou contre et ceux qui n’y entrent pas formellement comme le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande doivent manifester de la bienveillance politique et un soutien militaire à chaque occasion. Les autres, en Europe et sur le pourtour méditerranéen, doivent coopérer dans le cadre des divers partenariats qu’elle promeut et dont l’objectif implicite est l’uniformisation de l’analyse stratégique et la standardisation ou, au minimum, l’interopérabilité des matériels.

Les membres de l’OCS de leur côté ont une grande liberté d’action dans les zones extérieures aux 6 pays, la Russie au premier chef. Celle-ci n’a pas dissous le CSTO (COLLECTIVE SECURITY TREATY ORGANISATION) organe de coopération militaire entre plusieurs anciennes république soviétiques incluant outre les républiques d’Asien Centrale déjà membres de l’OCS, l’Arménie et le Belarus et qui constitue le noyau des fidèles à Moscou qui n’ont pas cédé aux sirènes de l’OTAN comme les républiques baltes ou leur prêtent une oreille complaisante : Ukraine, Géorgie et Azerbaïdjan. Le poids stratégique de l’OCS est aujourd’hui suffisamment important pour que l’Iran ait demandé officiellement à passer du statut d’observateur à celui de membre. L’OCS n’a pas répondu à cette demande, la Russie, comme la Chine, mais pour des raisons différentes, évaluant avec précaution le risque d’une alliance trop étroite avec un pays directement menacé par les Etats-Unis et Israel et donc le risque d’un face à face armé, tendu et immédiat avec les Etats-Unis et l’OTAN. Il s’agit pourtant d’une question stratégique de première grandeur et la réponse qui lui sera donnée par l’OCS sera un coup probablement décisif sur le GRAND ECHIQUIER.

L’autre sera l’issue très incertaine de la guerre afghane qui pourrait être le tombeau de l’OTAN comme elle a été celui de l’URSS. L’OCS qui contrôle toute la frontière Nord de l’Afghanistan qui rappelle à l’occasion que l’utilisation par l’OTAN de bases aériennes en Ouzbékistan et en Kirghizie ne devrait pas trop se prolonger, surveille de très prés l’évolution d’une situation dont certainement aucun des développements ne lui échappe.


En Occident, l’OCS trouble et inquiète


Face à ce nouveau sujet politique les réactions internationales sont diverses. Du côté de la soi-disant « communauté internationale » en pratique des Etats-Unis, de l’Union Européenne et de leurs médias dominants la tendance générale est d’en parler le moins possible. D’abord pour ne pas lui donner de l’importance ensuite parce que cette nouvelle organisation en croissance rapide est difficile à cerner : ce n’est pas – ou pas encore – un pacte de défense collective, ce n’est pas – ou pas encore – une zone de libre-échange, ce n’est pas une union politique avec des aspects supranationaux puisque chacun de ses membres maintient et poursuite ses engagements individuels dans d’autres structures ou avec d’autres partenaires dans des relations bilatérales. Il s’agit d’une organisation de COOPERATION qui ne peut être comparée à aucune autre. La seule organisation internationale qui s’affirme comme telle est l’OCDE (Organisation de COOPERATION et de développement économique) laquelle n’est rien d’autre que le gardien du temple théorique du capitalisme libéral avancé.

Ainsi la Russie et les République d’Asie Centrale peuvent-elles, outre le renforcement de leurs liens économiques et militaires (via l’Eurasec et le CSTO), poursuivre des relations de partenariat avec l’OTAN sans que la Chine s’en offusque. La Chine peut soigner ses relations directes avec ses voisins asiatiques : Japon, Inde, Pakistan, Corées, pays de l’ASEAN sans contrarier l’OCS. La création de l’OCS est donc une innovation qui trouble les occidentaux et du point de vue des stratèges chinois, qui préfèrent en priorité dérouter l’adversaire, militairement plus puissant, plutôt que de le combattre, ce seul trouble est déjà un gain politique.

Il est certain que la nouvelle alliance sino-russe a de quoi surprendre. Depuis la rupture des années 60 qui a conduit à l’éclatement du camp socialiste *, au point d’amener la RPC à déménager ses industries lourdes du Nord-Est trop proches de la frontière de crainte d’une attaque de l’URSS et à construire des abris anti atomiques dans l’attente d’une attaque de son voisin, cet éclatement, voulu par la Chine, mais dont elle est ressortie 40 ans plus tard plus puissante alors que l’URSS s’effondrait, les retrouvailles sino-russes étaient improbables. La stratégie des Etats-Unis reposait toute entière et continue de reposer de nos jours encore sur la division, l’éclatement et le séparatisme chez l’adversaire.

A ce titre la déclaration commune du 5° anniversaire de l’OCS (Shanghai – 15 Juin 2006) constitue une réponse explicite à la politique impériale des Etats-Unis puisqu’elle souligne que l’OCS renforce son action contre les menaces non-traditionnelles : « terrorisme, séparatisme, extrémisme et trafic de drogue » toutes activités dans lesquelles s’exerce évidemment la « politique de l’ombre » des Etats-Unis dont la face publique est la politique militaire.

Mais si la Russie, au plus bas en 1990, a pu défaire l’URSS, elle n’a pas accepté de se laisser détruire elle-même et l’arrivée de Poutine et son activité au pouvoir a manifesté la volonté russe de faire front et de fixer les limites du démantèlement à ne pas franchir : en clair cela voulait dire aux Etats-Unis : « ce que vous avez pu faire en YOUGOSLAVIE vous ne le ferez pas en Russie » Du côté de la Chine, l’alerte avait été donnée dés 1989 à Tien An Men et au niveau symbolique par l’attribution du Prix Nobel de la Paix au Dalaï Lama. Pékin, tout en maintenant son ouverture économique, allait donc redoubler de vigilance politique et surveiller étroitement les activités des diplomates, banquiers consultants et ONG divers venus des Etats-Unis et qui se répandaient à sa frontière occidentale dans les pays d’Asie Centrale. En effet, les Etats-Unis ont, dés 1991, déployé une intense activité en Asie Centrale avec un objectif économique : prendre le contrôle des ressources pétrolières et gazières du bassin de la Caspienne, un objectif géopolitique : éviter la reconstitution d’un bloc de la taille de l’URSS fût-il sous un régime d’économie non planifiée et un objectif militaire facilement atteint : la dénucléarisation à coup millions de dollars du Kazakhstan (simultanément à celle de l’Ukraine). Cette tâche s’est avérée très aisée, l’éclatement de l’URSS ayant permis l’arrivée au pouvoir dans ces nouveaux pays d’hommes qui ne s’y attendaient pas et qui découvraient avec délice la satisfaction de devenir des interlocuteurs des « Grands » et les joies de l’enrichissement rapide sans commune mesure avec les petits privilèges de la nomenklatura soviétique.

La naissance de l’OCS est donc pour les stratèges occidentaux l’évènement qu’ils auraient voulu éviter. Et depuis, sans beaucoup en parler, ils observent ce nouvel acteur avec une extrême attention et un brin d’inquiétude. Mais celle-ci n’est pas avouée et le discours des Think Tanks comme celui des diplomates consiste à minimiser les avancées de l’Organisation et à donner de l’importance au moindre désaccord entre la Chine et la Russie, à souligner leurs oppositions d’intérêts (exemple : la Russie grand vendeur d’énergie face à la Chine grand acheteur) ou à espérer que des réactions non identiques de Moscou et de Pékin sur tel ou tel évènement sont le signe d’une brouille profonde.

Ainsi ont-ils imaginé que la réaction différente des deux capitales aux attentats du 11 Septembre montrait la fragilité de l’OCS naissante. En effet la manifestation extrêmement rapide de sympathie de Poutine à Bush a contrasté avec la prudence chinoise. Plutôt qu’une divergence d’analyse entre la Chine et la Russie on se trouve en face de deux styles de gouvernement bien différents et par ailleurs il s’est probablement agi d’un niveau d’information différent sur les préparatifs d’attentats. Ceux-ci étaient connus des services secrets russes qui l’ont fait savoir et le coup de téléphone de Poutine à Bush, le premier qui ait émané d’un chef d’Etat étranger, a très probablement été le fruit d’une réflexion préalable plutôt que de l’émotion spontanée.

L’OCS a 7 ans

Le 19 Juin 2008 s’est tenue à Pékin une cérémonie pour célébrer le septième anniversaire de l’Organisation. Elle progresse et il n’est pas indifférent qu’avant ce sommet la première visite à l’étranger de nouveau Président russe l’ait conduit en Chine. Il avait, quelques jours auparavant, ratifié le « traité de relations de bon voisinage d’amitié et de coopération » signé un an plus tôt. Les domaines de coopération se multiplient. Ainsi et à titre d’exemple, les projets d’infrastructures de transport intégrées se précisent avec plusieurs objectifs : favoriser l’intégration économique des 6 et mettre en service une route de la soie à l’envers permettant par la voie terrestre de faire accéder les marchandises asiatiques aux marchés européens en réduisant de plus de 50 % les temps de transport par la voie maritime et permettant aux industries et aux populations des zones très éloignées des littoraux maritimes (provinces de l’Ouest chinois, républiques asiatiques enclavées, Sibérie centrale ) de ne pas trop souffrir de leur enclavement. D’ores et déjà l’intensification des échanges commerciaux entre les membres est notable.

En matière de politique internationale les 6 ont réaffirmé leur volonté de respecter l’ONU et la légalité internationale, de parvenir à une stabilité stratégique et de renforcer le régime de non-prolifération des armes de destruction massive. Ils ont, sans cesse, confirmé leur attachement collectif au respect de la souveraineté, de la sécurité et de l’intégrité territoriale de chacun d’entre eux.

À y bien regarder nous ne sommes pas en présence d’un face à face de bloc à bloc, figure dans laquelle le rationalisme technicien et comptable froid des utilitaristes anglosaxons se déploie à son aise (et au détriment d’autrui en général) mais face à un opposant dialectique, porteur de millénaires d’histoire et de civilisation humaines, qui tient sur toutes questions un discours qu’il met en oeuvre dans sa propre organisation interne, d’égalité entre les nations (dans l’OCS par exemple, la Chine et le Tadjikistan sont égaux en droit ), de respect de la législation internationale, de non-agression, de respect des civilisations diverses qui est en tout point l’expression d’une vision politique différente, la mise en pratique d’un monde multipolaire refusant l’usage de la force dans les relations internationales et visant au développement simultané de tous.

Il s’en suit que le totalitarisme est en réalité l’apanage de celui-ci qui ose dire qu’il va ramener tel ou tel pays au Moyen-âge (par exemple, Schwarzkopf parlant de l’Irak avant la guerre du Golfe) et qui ose le faire.


Comaguer

Source
 : http://www.comite-valmy.org


Notes :

• L’EURASEC, communauté économique eurasienne qui regroupe cinq républiques issues de l’ex URSS : Belarus, Russie, Kazakhstan, Kirghizie et Tadjikistan peut être considérée comme la partie active de la CEI et développe un projet d’Union douanière entre ses membres qui devrait voir le jour en 2011.Fondée en 2000 elle devient vraiment active en 2005 au moment où vont s’intensifier les relations avec l’OCS.

• L’ASEAN association des nations de l’Asie du Sud-est d’abord fondée en 1967 dans le cadre de la guerre froide et de la guerre du Vietnam comme regroupement des pays amis des USA s’est progressivement transformée en accueillant de nouveaux membres Cambodge, Laos et Vietnam et Myanmar et a mis en oeuvre un traité de libre –échange et des liens réguliers entre gouvernements qui la situent aujourd’hui au nombre des organisations régionales influentes.

• Bien que la RPC se garde bien de prendre la tête d’un quelconque mouvement communiste international, il est notable que le schisme sino-soviétique s’est poursuivi sous d’autres cieux comme le démontre la dispersion actuelle des partis communistes indiens ou la situation Népalaise où le parti maoïste s’est imposé par une guérilla prolongée alors que le parti communiste « traditionnel » s’en tenait à une opposition de type parlementaire à la monarchie.