Carlos Tavares, président de PSA, a signé ce jeudi un accord pour produire jusqu’à 230 000 Citroën en Iran. Après l’accord paraphé en juin dernier pour Peugeot, PSA espère produire 400 000 voitures sur place. Les voitures françaises occupent une place exceptionnelle en Iran.
L’Iran, paradis de la voiture française ? Souvent jugés frileux hors d’Europe, les constructeurs tricolores ont pourtant toujours été pionniers en Iran. Après avoir jeté ou presque les bases de l’industrie automobile locale dans les années 60 à 80, PSA et accessoirement Renault sont les premiers à revenir dans le pays, après la levée des sanctions internationales. Carlos Tavares, président de PSA dont c’était la première visite en Iran, a ainsi paraphé ce jeudi 6 octobre l’accord définitif pour le retour de Citroën en Iran.
Celui-ci confirme la lettre d’intention du 21 juillet 2016 signée avec le groupe local Saipa, pour assembler trois petits modèles de la marque aux chevrons. Une société commune à 50-50 prévoit la production de 150 000 exemplaires annuels vers 2021, pour 300 millions d’euros d’investissement. Les capacités sont de 230 000 unités. Les premières unités devraient sortir début 2018.
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La production des Peugeot devrait démarrer au second semestre 2017. Pour un lancement début 2018. Avec, ici, un investissement de 400 millions d’euros sur cinq ans. C’est donc 400 000 véhicules que PSA compte fabriquer sur place au tournant de la décennie. « Le ticket d’entrée très raisonnable nous permettra de dégager une rentabilité satisfaisante à moyen terme », affirme Carlos Tavares.
Une situation politique complexe
Mais ce n’est pas si simple. Car l’Iran est en effet un pays extrêmement complexe. Tout d’abord, PSA se retrouve au cœur même des dissensions internes du régime, entre les réformistes, qui ont favorisé son retour, et les durs, opposés à l’ouverture du pays aux entreprises étrangères. Le comble : son partenaire Iran Khodro est dirigé par un… conservateur, Yeke Zare.
Mais son influence est contrebalancée par celle du… ministre de l’Industrie et du Commerce, Mohammed Reza Nematzadeh, un ingénieur réputé plus libéral, qui a d’ailleurs visité la semaine dernière le Mondial de l’automobile parisien et le centre technique PSA de Vélizy – en montrant un grand enthousiasme pour les nouvelles technologies. Saipa est pour sa part considérée comme une entreprise moins conservatrice qu’Iran Khodro. Les deux consortiums sont contrôlés par l’État. Les négociations ont d’ailleurs été longues et délicates, la rupture ayant été frôlée à plusieurs reprises.
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En revanche, les atouts de l’Iran sont majeurs. Les coûts salariaux sont relativement bas, soit « 4 euros de l’heure pour un opérateur à Kashan – lieu de la future usine de Citroën à 250 kilomètres de Téhéran qui, en attendant, produit des modèles chinois et coréens ! –, 8 à Téhéran. Et la grille de salaires est assez resserrée entre opérateurs et maîtrise », indique Yann Martin, directeur des opérations de la co-entreprise pour produire des Citroën avec Saipa. C’est un peu plus élevé qu’au Maroc, mais moins qu’en Europe de l’est. La main d’œuvre a aussi l’avantage d’être extrêmement bien formée. Car le niveau d’éducation dans le pays est élevé.
Mais c’est surtout le marché qui est prometteur. Il a atteint un record de 1,6 million d’unités en 2011, avant de retomber à moins de 800 000 en 2013, après les sanctions. Il a regrimpé à 1,1 million en 2015 et devrait atteindre 1,8-2 millions, selon les experts, vers 2025. Il y a 200 voitures pour mille habitants, soit davantage que la moyenne mondiale (160), mais le taux demeure 3,5 fois inférieur à celui de l’Europe. Il y a donc du potentiel, avec de surcroît une classe moyenne importante. Et les iraniens adorent l’automobile, moyen d’évasion en l’absence de transports publics ou presque, mais aussi lieu de liberté, pour les femmes notamment, dans un pays aux mœurs très surveillées...
Enfin, les automobilistes sont passionnés de technologies de pointe, alors qu’ils « roulent dans des voitures conçues dans les années 80 », constate Carlos Tavares. Les véhicules assemblés sur place sont en effet surannés, faute d’investissements en raison de la fermeture du pays. Les véhicules importés sont très onéreux, car frappés de 55% des droits de douane. Ils représentent 10% à peine du marché. Les voitures chinoises, qui sont entrées à la faveur des sanctions, sont par ailleurs très peu appréciées à cause de leur piètre fiabilité. Les Allemands sont quasi-absents, les Japonais aussi ! Les Français ont donc aujourd’hui le champ libre, même si d’autres constructeurs négocient des accords de production. « On a une situation un peu unique », reconnaît Carlos Tavares.
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