Baisse du coût du travail, amélioration du solde commercial : sur la foi de ces indicateurs, certains osent affirmer que la Grèce ou l’Espagne commencent à voir le bout du tunnel, alors même que ces deux pays seront encore en récession cette année. Une présentation des choses assez horrible.
Le vice transformé en vertu
Il y a quelque chose d’assez effrayant à lire des papiers « optimistes » au sujet de la Grèce ou de l’Espagne. En effet, dans ces deux pays, le niveau du chômage dépasse un quart de la population (et plus de la moitié des jeunes), la population baisse, le pouvoir d’achat s’est effondré, il est de plus en plus difficile de trouver un crédit et 2013 sera une nouvelle année de baisse du PIB. Madrid et Athènes sont dans la situation de l’Allemagne et des États-Unis du début des années 1930 et certains parviennent à déceler des motifs d’optimisme, à mille lieues de ce que vit la population.
Et il faut dire que, de manière totalement déshumanisée, on peut voir quelques points positifs : la hausse du chômage et la baisse du PIB ralentissent, les déficits publics se résorbent un peu. Mieux, les néolibéraux un peu barbares notent que le solde commercial s’améliore, au point d’approcher l’équilibre et la compétitivité globale s’améliore. Mais ces quelques points peuvent aussi être interprétés comme des conséquences de la crise :, il n’est pas difficile de comprendre que la balance commerciale s’améliore du fait de l’effondrement du marché intérieur, comme on pouvait le prévoir.
Pire, l’amélioration de la compétitivité (le moyen politiquement correct de parler de baisse de salaire) ne peut mener qu’à une baisse de la demande intérieure, ce qui augure bien mal pour la croissance des années à venir. Encore pire, le fait de chercher son salut dans l’augmentation des exportations, comme l’évoque The Economist, est suicidaire : tous les pays ne peuvent pas améliorer leur solde commercial simultanément et le moyen de le faire (la baisse du coût du travail), porte en lui les germes d’une récession interminable par une désinflation compétitive généralisée en zone euro.
Pendant ce temps, l’horreur avance
Mais le pire dans cette situation, c’est que la situation se détériore. Il y a quelque chose d’effrayant à voir la population de l’Espagne, du Portugal ou de la Grèce diminuer du fait des départs à l’étranger de personnes qui ne trouvent plus d’emploi chez elles et qui sont contraintes de tout quitter pour trouver un avenir. Quelle horreur que cet exode provoqué par de mauvaises politiques ! Quelle horreur également de lire tous ces reportages qui évoquent l’envolée du nombre de suicides en Grèce ou des difficultés de la population à se soigner tout simplement, quand ce n’est pas se nourrir…
Et pendant ce temps, les charognards en profitent. Certains peuvent racheter à vil prix les actifs d’États exsangues faute d’avoir abandonné leur monnaie et leur contrôle de la banque centrale. Jacques Sapir a bien raison de faire le parallèle avec la Russie des années 1990 où une poignée d’oligarques ont fait des fortunes pendant que la population souffrait. En Espagne, le FMI ose réclamer une baisse des salaires pour améliorer la compétitivité : jusqu’où faudrait-il aller ?
Le contexte international pourrait, cependant, permettre aux pays du Sud de l’Europe, de retrouver une petite bouffée d’air frais. Non seulement un peu plus de temps leur est donné pour réduire leurs déficits devant les cataclysmes provoqués par l’expérience grecque, mais les révolutions arabes donnent un coup de fouet au secteur du tourisme puisque la clientèle internationale tend à déserter les pays arabes devenus trop instables pour aller profiter du soleil, de leur culture ou de leur histoire, d’autant plus que la crise a bien réduit les écarts de prix des deux côtés de la Méditerranée.
La question qui se pose, depuis trois ans, c’est combien de temps les peuples et les dirigeants de ces pays pourront supporter ces potions amères. En Argentine, cela avait tenu 4 ans. Il y a quelques semaines, la coalition au pouvoir en Grèce a perdu le soutien du DIMAR, ne conservant qu’une très faible majorité. Pour combien de temps ?