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L’Eglise et le patronat italiens dénoncent le système électoral et la "classe politique"

Aquelques heures d’intervalle, au coeur d’une campagne sans entrain, l’Eglise et le patronat italiens, les deux lobbies les plus puissants du pays, ont élevé la voix pour critiquer les conditions démocratiques des élections législatives des 13 et 14 avril. La nécessité de constituer des listes électorales bloquées, sans possibilité pour l’électeur d’indiquer sa préférence pour tel ou tel nom, choque les évêques comme les patrons.


Le secrétaire général de la Conférence épiscopale italienne (CEI), Giuseppe Betori, redoute que l’établissement des listes par les seuls états-majors des partis conduise à "un pouvoir oligarchique de fait". Il réclame une réforme de la loi électorale dès le lendemain des élections "pour redonner un peu de démocratie à ce pays", tout en regrettant "une campagne pauvre en contenus".

Le constat est identique de la part de Luca Cordero di Montezemolo, le président de la Confindustria, le Medef italien : "Nous aurons un Parlement plus nommé qu’élu, une cooptation au rabais avec l’habituelle indigestion de porte-serviettes, signe d’un manque de respect pour l’institution fondamentale de notre République", a déclaré le patron des patrons.

Selon lui, le système électoral en vigueur "favorise la fidélité au chef plutôt que le mérite". C’est ce qui ressort d’une étude de l’université privée Luiss, de Rome, selon laquelle les listes bloquées ont pour conséquence la perpétuation des hommes d’appareil et interdisent un renouvellement de la classe politique.


"FAINÉANTS AVIDES"


Plus de 130 parlementaires sont déjà mathématiquement assurés de (re) trouver leur siège à la Chambre des députés ou au Sénat. Pour l’électorat catholique, l’impossibilité d’indiquer ses préférences a un inconvénient supplémentaire, puisque la CEI, tout en affirmant sa neutralité politique, encourage à voter plutôt pour les candidats représentant "les valeurs non négociables" de l’Eglise. L’hebdomadaire chrétien Famiglia Cristiana, dans son éditorial du 23 mars, dénonce "une classe politique querelleuse et inadéquate pour un pays toujours plus pauvre".

Ces jugements négatifs font craindre à la presse "un renforcement du parti des abstentionnistes", au moment où l’hostilité de l’opinion envers "la caste politique" se renforce. Il Sole 24 Ore s’inquiète d’une "gestion césariste" des partis. Ces derniers "n’existent plus comme outils de participation politique, mais deviennent des machines électorales aux ordres du chef, écrit le journal économique. De ce point de vue, le modèle berlusconien a fait école et a imprégné l’ensemble du système politique".

La question des revenus des hommes politiques, de leurs retraites et des divers privilèges de la "caste", posée ces derniers jours par Walter Veltroni, le leader du centre gauche, a dégénéré en polémiques personnelles, poussant le président de la République, Giorgio Napolitano, à intervenir. Il craint que la présentation des parlementaires "comme une espèce de fainéants avides de prébendes" contribue à "encourager la désaffection" pour la politique.

Le chef de l’Etat a rappelé enfin, vendredi 21 mars, que "chaque vote est important", alors que les deux principaux partis en lice, le Peuple de la liberté (PDL, droite) et le Parti démocrate (PD, centre gauche), agitent l’idée d’un "vote inutile" en faveur des petites formations. "Voter pour les petits, c’est favoriser Veltroni", répète Silvio Berlusconi, au grand dam de son ex-allié centriste, Pier Ferdinando Casini, dont le parti a du mal à émerger.

Jean-Jacques Bozonnet

Source
 : http://www.lemonde.fr