Les clivages internes et externes grandissants dans les monarchies du golfe Persique, les protestations sociales, le conflit d’intérêts des gouvernements étrangers et les sociétés multinationales, dans ces pays, ont mis ces royaumes, surtout l’Arabie saoudite, dans une situation explosive.
L’éminent expert russe, Igor Pankratenko, estime que les mouvements de protestation, dans les pays arabes du golfe Persique se caractérisent par deux aspects fondamentaux. Premièrement, ces mouvements sont interprétés, souvent, comme des mouvements chiites. Deuxièmement, certains pays arabes prétendent que ces troubles sont provoqués, depuis l’extérieur, par la République islamique d’Iran.
Ils allèguent que l’Iran cherche ainsi à affaiblir l’Arabie Saoudite, son plus important adversaire géopolitique dans la région. En effet, certains experts se laissent influencer dans leurs évaluations de ces mouvements de protestation par des interprétations de « Abdul Latif al-Mahmoud », Cheikh des cheikhs des Sunnites, et Président de la coalition sunnite de l’unité nationale de Bahreïn, qui, dans une interview avec Absosara Chronicle, avait dit : « L’Iran veut transformer le printemps arabe en printemps chiite. »
Les pays arabes ont beau tenter de suggérer qu’il existe un royaume où la situation est tout à fait calme, en l’absence de toute guerre, de tout conflit ou de tout tension, subitement, ils se constate que le mouvement de contestation commence à surgir dans ce pays aussi. Les mass media faisaient régulièrement état de la hausse des subventions distribuées parmi le peuple. Mais la réalité est toute autre.
La densité démographique est l’un des principaux foyers de difficultés auquel sont confrontés ces royaumes. En 1950, la population de l’Arabie Saoudite était de l’ordre de 8 millions d’âmes, mais ce chiffre est passé, en 2007, à 58 millions, et dépassera, selon les prévisions très prudentes, 75 millions avant 2030.
À cela s’ajoute le fait que les ressortissants de l’Arabie saoudite et d’autres monarchies du golfe Persique, sont la principale source des effectifs des Moudjahidin (Talibans, Al-Qaïda, Wahhabites, Salafistes), actifs, dans diverses régions du monde.
Parallèlement, le nombre des étrangers travaillant dans le secteur de l’économie de ces pays ne cesse de croître. Les ressortissants étrangers sont plutôt actifs, dans le secteur privé, tandis que les citoyens indigènes sont présents dans le secteur public. À titre d’exemple, 93 % des citoyens koweïtiens travaillent dans le secteur public, tandis que 98 % du secteur privé est assuré par les étrangers. Dans un tel contexte, la classe dirigeante ne peut adopter d’autre politique que celle de distribuer de l’argent et d’augmenter l’octroi des subventions sociales. En Arabie Saoudite, les autorités, au lieu de doper le secteur privé et de diminuer la dépendance du public vis-à-vis des subventions pétrolières, ont annoncé leur intention d’accorder des emplois à 60.000 citoyens, et d’augmenter le salaire du secteur public.
La politique sociale que les monarchies du golfe Persique se sont définies se résume en trois principes :
la distribution directe de l’argent (le Koweït, Bahreïn, et les Émirats arabes unis) ;
la création d’emplois, dans le secteur public (l’Arabie Saoudite, Bahreïn et le sultanat d’Oman) ;
la hausse des salaires et des assistances sociales.
Les Chiites de la région et les allégations des dirigeants arabes concernant « l’implication de Téhéran »
Le processus d’effondrement de la société tribale et l’apparition de la bourgeoisie locale ont toujours été accompagnés par la croissance du nationalisme. Ce processus s’est accéléré, très particulièrement, dans les monarchies du golfe Persique, où les classes dirigeantes tentaient, jusqu’au début des années 2000, d’édulcorer le mécontentement des « couches défavorisées ».
Il est tout à fait évident que lorsqu’une partie de la société s’attribue des concessions exceptionnelles, l’autre partie doit en subir le préjudice et être privée de telles concessions. C’est pour cette raison que les Chiites se sont mis en colère, les Chiites, qui ont, toujours été considérés comme un problème par ces monarchies. À en croire les statistiques estimatives, le taux démographique des Chiites, dans divers pays de la région, se répartit : 78 %, à Bahreïn, 24 %, au Qatar, 17 %, aux Émirats arabes unis, 10 %, en Arabie saoudite, 12 %, au sultanat d’Oman. Les allégations selon lesquelles l’Iran se trouve derrière le mouvement de contestation des Chiites dans les pays riverains du golfe Persique sont tout à fait sans fondement.
À titre d’exemple, en Arabie Saoudite, la confrontation entre Chiites et Sunnites commença en 1979. Les provinces orientales de ce pays étaient le théâtre d’une vague de manifestations antirégime des Chiites. Le mouvement de contestation des Chiites fut entamé, en 1995, à Bahreïn. Dans ces deux pays, les familles royales au pouvoir, tout en réprimant ce mouvement de contestation, ont fait semblant de vouloir établir le dialogue Chiites-Sunnites.
En 2003, les représentants des Sunnites et des Chiites ont négocié dans le cadre du Forum inter-religions. Mais ces tentatives censées établir ce dialogue, ont rencontré la vive résistance des religieux wahhabites. Ce dialogue, qui avait plutôt un aspect théâtral, car il ne comportait pas les plus importantes questions économiques et sociales, quant à la grave situation des Chiites, a été stoppé deux années plus tard. En effet, la tentative de la transformation du conflit social, dans les monarchies du golfe Persique en une confrontation Chhites-Sunnites est une commande étrangère, qui émane non pas de Téhéran, mais de l’Occident.
En outre, les régimes au pouvoir, dans ces monarchies, sont soutenus par les États-Unis et l’Union européenne. Mais la situation dans ces pays n’est plus favorable. Dans une telle conjoncture, les régimes au pouvoir se voient devant un choix dont dépendent non seulement leur maintien au pouvoir, mais leur survie physique. Dans un tel contexte, le régime des Al-Saoud semble opter pour une ligne de conduite visant à instaurer une domination régionale et à constituer un nouveau califat.
C’est pour cette raison, que nous assistons à la hausse de l’exportation du Wahhabisme, partout dans le monde musulman, ce qui a augmenté le danger du terrorisme, dans des régions s’étendant de l’Asie centrale, jusqu’au Caucase et aux rives de la Volga, en Russie. Les classes dirigeantes, dans les monarchies du golfe Persique, pour diminuer leur tension intérieure, ont envoyé une grande partie de leur « potentiel humain » vers des régions en conflits, pour alimenter, selon l’interprétation des Wahhabites, la pensée du Jihad armé.
À cela s’ajoute le fait que le combat pour le leadership du Conseil de coopération du golfe Persique s’est considérablement intensifié au sein de ce conseil. Dans le cadre sa rivalité avec le Qatar, l’Arabie Saoudite a concocté un plan, dont l’objectif est de rendre les autres pays membres de ce conseil de plus en plus tributaires et dépendants vis-à-vis de Riyad. En outre, la constitution d’une coalition défensive, dans le cadre du Conseil de coopération du golfe Persique dont les États-Unis sont le garant de sécurité, se transformera en une source de conflits en Arabie.
Ajoutons à cela le conflit d’intérêts des autres gouvernements et des sociétés multinationales dans la région, et nous pouvons dire, avec certitude, que l’Arabie Saoudite est en état d’ébullition ou, pour mieux dire, dans une situation explosive.