L’Amazonie n’a pas toujours été recouverte de forêts vierges privées de toute présence humaine – bien au contraire.
Avant l’arrivée des Européens dans le Nouveau Monde, une grande partie de ce territoire était occupée par des champs et des villages où vivaient près de 8 millions de personnes, selon un article de chercheurs américains publié dans la revue Proceedings of the Royal Society B.
L’écologue et généticien Charles Clément, de l’Institut national de recherche d’Amazonie (Brésil), a recueilli avec ses collègues des données sur les plantes, les sols et les paysages de la région pour les comparer aux données des archéologues et des linguistes qui avaient tracé des cartes des langues locales.
Il s’est avéré qu’avant l’arrivée des Européens, les Indiens avaient appris à cultiver au moins 83 espèces de plantes, y compris les patates douces, le cacao, le tabac et l’ananas. 3 000 à 5 000 espèces ne sont pas devenues des plantes de culture, mais étaient activement utilisées. La flore de plusieurs forêts d’Amazonie, qui paraît naturelle au premier abord, porte en fait des traces de domestication.
En outre, les chercheurs ont découvert du tchernoziom en Amazonie — des sols riches en carbone et en éléments nutritifs après une fertilisation par des excréments humains et animaux, un paillage et un compostage. Couvrant plus de 0,1 % du territoire de la région, les zones de tchernoziom sont pour la première fois apparues en Amazonie il y a 6 000 ans, et 4 000 plus tard elles se sont encore multipliées.
« Lorsqu’on parle de la grandeur des civilisations indiennes d’Amérique du Sud, on se souvient normalement des pyramides des Mayas et des Aztèques. Les indigènes de l’Amazonie ne construisaient pas de pyramides — probablement à cause du manque de pierre. Mais les Espagnols qui les ont vus pour la première fois ont été frappés par le grand nombre de personnes en bonne santé et par l’abondance de nourriture dans chaque village amazonien », remarque Charles Clément.
L’Amazonie est revenue à l’état de la jungle sauvage à cause des Européens. Les maladies apportées du Vieux Continent ont fauché jusqu’à la moitié de la population de la région bien avant l’arrivée des conquistadors.
Les scientifiques cherchent aujourd’hui à savoir quelles technologies ont permis aux indigènes de l’Amazonie de maintenir un haut niveau de vie sans détruire leur environnement naturel.