La crise économique et politique provoque une tension sur le marché de l’or et la banque fédérale d’Allemagne rapatrie l’or qu’elle a stocké à l’étranger, en France et aux États-Unis. Mais beaucoup doutent que les audits de la Fed soient sincères : et si la caverne d’Ali Baba de Fort Knox était à moitié vide ?
Bien que depuis 1971 et la décision du président Richard Nixon de déconnecter le dollar de l’or, celui-ci garde un rôle économique important et sert notamment de valeur refuge en cas de crise. D’après le rapport du Conseil mondial de l’or, les risques « économiques et politiques importants » ont provoqué des tensions croissantes dans les dix-huit derniers mois. Les banques centrales ont acheté 308,8 tonnes d’or au second semestre 2014, 252,1 au premier semestre 2015, et 336,2 au second semestre 2015. On sait que les dix États qui détiennent les plus grosses réserves d’or sont, dans l’ordre croissant, l’Inde, les Pays-Bas, le Japon, la Suisse, la Russie, la Chine, la France, l’Italie, l’Allemagne, et les États-Unis. Les écarts sont importants, puisque l’Allemagne a deux fois plus d’or que la Chine, et les États-Unis écrasent tout le monde avec 8.133, 5 tonnes.
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Le président de la Bundesbank a beau dire que l’or stocké à l’étranger peut être négocié à tout moment en cas de besoin, il s’est constitué un comité pour le retour de l’or qui exige que la totalité de la réserve soit rapatriée, arguant que « en cas de crise, la disponibilité physique immédiate de l’or est capitale ».
Refus d’inventaire à Fort Knox : le coffre fort est vide ?
Si l’on se penche sur l’échéancier, on remarque que, pour l’instant, le plus gros des lingots est rapatriés de Paris et non de Fort Knox. Pourquoi ? Parce que l’Allemagne est en position de force par rapport à la France, parce que les marchés de Londres et New York sont bien meilleurs que celui de Paris en cas de négociation, ou pour une raison beaucoup plus simple : parce que l’or n’est plus dans les caves de la banque fédérale américaine ? Cette hypothèse semble loufoque et digne d’un scénario de cinéma mais beaucoup d’analystes la jugent plausible. Lors d’un retrait d’or de Fort Knox en 2014, la Bundesbank a rencontré des obstacles lorsqu’elle a voulu faire une inspection des lieux de stockage. Et le député européen allemand Hans Olaf Henkel s’inquiète :
« Je ne suis pas un adepte de la théorie du complot, mais l’Allemagne devrait pouvoir procéder une fois l’an à un audit comme elle le fait à Francfort ».
Quant à Peter Boehringer, le patron de l’association pour le rapatriement de l’or, il constate :
« Il nous manque toujours une liste précise de nos lingots, comme la FED en publie pour les siens ».
Bien qu’elle paraisse un peu surjouée, l’inquiétude allemande n’est pas gratuite, le refus des inspections par la FED n’est pas normale. Aux États-Unis aussi on s’en plaint. Plusieurs associations demandent avec insistance un inventaire qui n’a jamais lieu. Malgré l’appui de la presse, qui est puissante là-bas, notamment les chaines CBS en 2010 et CNN en 2011. Ron Paul, l’ancien représentant du Texas à la Chambre des représentants, qui ne passe pas pour un plaisantin, a émis l’hypothèse que la FED se sert de l’or pour peser sur les taux d’intérêt et qu’elle pourrait bien en avoir vendu une partie ni vue ni connue. Rocambolesque ? La réserve d’or de Fort Knox vide ? Elle a toujours suscité les fantasmes depuis Goldfinger et il serait simple de les dissiper en dressant un inventaire. Mais il est vrai que les puissants intérêts qui contrôlent la création de monnaie ex nihilo et sa répartition dans le monde de la finance ont tout intérêt à ce que le retour à l’étalon-or soit simplement impossible.