Sans réelle surprise pour les lecteurs de Realpolitik.tv et au grand désespoir de la presse française, Vladimir Poutine vient de remporter, en Ukraine, une nouvelle victoire contre la diplomatie américaine. Il ne reste aux États-Unis que le scénario de la guerre civile, qui consisterait à soutenir et armer les ultra-nationalistes de l’ouest de l’Ukraine, comme ils l’ont fait en Croatie, il y a 20 ans, de concert avec l’Allemagne.
Pour l’Allemagne aussi, la défaite est cuisante et surtout inhabituelle, après 24 ans de succès en Europe, contre la France et la Russie. Le remplacement de l’atlantiste extraverti, Guido Westerwelle, par le sobre social-démocrate, Frank-Walter Steinmeier, n’a rien changé à la donne géo-stratégique. Il est clair que désormais la Russie et l’Allemagne vont s’affronter pour le contrôle de la Mitteleuropa. Outre le contrôle politique de l’Ukraine, l’accord de coopération aurait permis à l’Allemagne de ruiner l’industrie ukrainienne, comme elle s’efforce de le faire en France et bientôt en Pologne, grâce à l’euro. Le plus grave, sans doute, pour le gouvernement allemand, est que leur candidat, Vitali Klishko, a montré à toute l’Ukraine qu’il était un imbécile.
Nous apprécions donc l’extrême sagesse de la diplomatie française de ne s’être pas compromise dans cette affaire intérieure ukrainienne, perdue d’avance. Débarrassée de la Syrie, appuyée par Jean-Pierre Chevènement, la diplomatie française peut désormais ouvrir une nouvelle ère dans sa relation avec la Russie. Les médias français l’ayant bien compris, se sont efforcés de déformer la déclaration de Laurent Fabius au sujet de Sotchi. Il n’était pas prévu que François Hollande s’y rende, et cela n’a rien de politique. Les JO d’hiver sont un événement international mineur.
Il en va de même pour la libération de l’un des plus grands criminels de l’ère Eltsine, Mikhail Khodorkowski. Selon les journalistes du Monde, Vladimir Poutine, après avoir ridiculisé les États-Unis en Syrie et en Ukraine, aurait succombé devant l’épouvantable perspective, de l’absence des dirigeants occidentaux à Sotchi, et de voir défiler une poignée de militants homosexuels ou de Greenpeace. Même si le fanzine subventionné n’a plus les moyens de s’offrir régulièrement les analyses de chercheurs compétents, il est tout de même étonnant qu’il n’ait trouvé pour commenter un sujet aussi sérieux que Marie Jégo, Hélène Sallon ou Galia Ackerman. La libération de Khodorkowski est évidemment l’affirmation que Vladimir Poutine ne craint personne en Russie ou sur la scène internationale.
Lorsque Marie Jégo avait interrogé Mikhail Khodorkowski en 2011, elle avait évoqué Alexei Pitchuguine, l’ancien chef de la sécurité de Yukos, emprisonné pour l’assassinat, en 1998, du maire de Neftyugansk, Vladimir Petukhov. Ce dernier réclamait à Yukos le paiement des impôts à la ville et avait entrepris une grève de la faim. Pitchuguine avait poussé la délicatesse jusqu’à faire assassiner le maire encombrant le 26 juin, jour anniversaire de l’oligarque. On peut regretter que Marie Jégo n’ait jamais interrogé Farida Islamova, la femme de Vladimir Petukhov. Cette veuve courageuse aurait beaucoup à apprendre sur Khodorkowski et Yukos aux lecteurs du « Monde ».