On apprend à tout âge… C’est mon cas. Je ne savais jusqu’à ce 28 mai que Jean Zay avait été un grand résistant comme Pierre Brossolette, Germaine Tillion et Geneviève Anthonioz de Gaulle.
Je ne savais pas que, selon les mots utilisés par François Hollande, il avait fait preuve d’héroïsme, s’était distingué par son courage et la force de ses exploits. Jean Zay, incarnerait l’esprit de résistance, l’esprit de la Résistance. Probablement, jusqu’ici, m’étais-je fait une fausse idée de ce qu’on appelle « la Résistance ».
Celle qui a conduit nombre de Français à risquer leur vie et trop souvent la perdre pour combattre l’occupant et ses collaborateurs.
Avant la guerre Jean Zay a été un grand ministre, peu le contestent. Cela n’ouvre pas les portes du Panthéon.
Il est vrai aussi que, lorsqu’il a reçu sa convocation comme tous les jeunes réservistes de sa classe d’âge, il a rejoint son affectation alors qu’il aurait pu obtenir une dérogation et continuer à servir au gouvernement. Il a fait là acte de courage.
Il a passé la Drôle de guerre avec le grade de sous lieutenant, à l’état-major de la 4ème Armée, assez loin de la frontière pour ne jamais entrevoir un soldat allemand. Il n’a donc pas eu l’occasion de faire preuve d’héroïsme ni même d’exécuter de mission particulièrement remarquable. La période fut calme pour tous.
Alors que la situation se gâte dans l’Est, Jean Zay rejoint Bordeaux. On ne trouve pas trace du document l’autorisant à quitter son poste à l’état-major. Sans doute cette pièce s’est-elle perdue dans la Débâcle ou a-t-elle été détruite par ses ennemis politiques.
Quand les Allemands entrent à Paris, Zay est à Bordeaux pour participer à une session de l’Assemblée. Il fait partie des parlementaires qui militent pour que le gouvernement quitte la métropole et continue la guerre à partir de l’Afrique du Nord.
Le 21 juin 1940, les Allemands sont déjà à Paris, Jean Zay embarque avec 26 parlementaires sur le Massilia pour le Maroc. Trois jours plus tard, à Casablanca, le Résident général consigne prudemment le groupe dans un grand hôtel de la ville.
Le 15 août, Jean Zay y est arrêté sur les ordres du gouvernement pour désertion devant l’ennemi.
Dès lors, l’ancien ministre du front populaire sera un bouc émissaire. Ramené en métropole, il est interné d’abord à Clermont Ferrand, jugé et condamné à la déportation à vie. Il compte des amis influents qui obtiennent que la transportation soit commuée en détention. Incarcéré à Marseille, il est transféré à Riom le 7 janvier 1941 et y passera le reste de sa guerre.
Les conditions réservées aux prisonniers à cette époque étaient dures mais Jean Zay ne sera jamais maltraité et bénéficiera d’un régime adapté. Il pourra, tout au long de sa détention à Riom, recevoir son épouse et ses enfants. Il ne cherchera jamais à s’évader et se consacrera à l’étude de projets et à l’écriture d’un livre, Souvenirs et solitude, qui paraîtra après sa mort. Son épouse sort le manuscrit de la prison au fur et à mesure de sa rédaction et au fil de ses visites.
Contrairement à ce qu’allègue notre président, ce livre n’a rien d’un document secret qu’il aurait fallu passer au nez et à la barbe de l’ennemi au péril de sa vie. Jean Zay y décrit son arrestation, ses conditions de vie rustiques en détention, l’affabilité des gardiens et des gendarmes… Le quotidien et les réflexions d’un prisonnier politique, en somme.
Pénible certes, pour cet ancien ministre, mais sans aucun rapport possible avec ce qu’ont connu les Résistants arrêtés par la Milice et la Gestapo ni avec ce qu’ont vécu les déportés dans les camps de concentration en Allemagne.
Il faut une incroyable malhonnêteté pour oser l’amalgame entre les Résistants torturés, déportés, humiliés dans l’univers concentrationnaire et cet interné politique qui résiste à l’ennui jusqu’au 20 juin 1944.
Ce jour-là, des Miliciens, munis d’un ordre de transfert, viennent le chercher. Ils l’assassinent en cours de route, se débarrassent de son corps dans une ravine où ils jettent des grenades pour provoquer un éboulement et faire disparaître leur forfait.
Jean Zay a été une victime. Victime de son engagement politique, victime de ses idées, victime de la tourmente dans laquelle la France s’est trouvée plongée. En aucun cas il n’est un héros ! Il n’a participé, ni de près, ni de loin à une quelconque action visant à combattre l’occupant, empêché qu’il était par les murs de la prison.
En aucun cas il ne peut être considéré comme un Résistant. Il n’a aucun acte de résistance à se reprocher.
Le transfert de la dépouille de Jean Zay au Panthéon repose sur un mensonge délibéré, bafoue l’histoire et dévalorise les personnages illustres et méritants qui l’y ont précédé.
JMB