Jean Lassalle l’a annoncé le 16 mars dernier, il sera candidat à l’élection présidentielle de 2022. Le député béarnais, qui entend incarner « la joie » en dépit de la crise, ne veut pas faire de la figuration et croit fermement en ses chances de victoire. Entretien.
L’inénarrable Jean Lassalle est de retour sur la scène politique nationale et brigue de nouveau un destin présidentiel, quatre ans après. À la tête de son mouvement baptisé « Résistons », le député béarnais avait obtenu 1,21 % des suffrages en 2017 (435.301 voix exactement).
L’ancien vice-président du MoDem (il a claqué la porte du parti en 2016), qui s’était fait remarquer en arborant un gilet jaune dans l’enceinte de l’Assemblée nationale fin 2018 en soutien au mouvement social, croit en ses chances. « Pour moi, la politique est un art. Malheureusement, il n’y a plus tellement d’artistes », expliquait-il. En dépit de l’inquiétude réelle qu’il nourrit vis-à-vis du destin de la France, l’ancien berger se permet quelques envolées poétiques et rappelle qu’il est bien « à part » dans la classe politique actuelle. Interview.
Sputnik : Qu’est-ce qui vous pousse à vous présenter une deuxième fois à l’élection présidentielle ?
Jean Lassalle : Je ne peux pas rester indifférent à la situation de mon pays que j’aime passionnément. C’est plus fort que moi ! J’ai un peu d’expérience de la vie et j’ai eu la chance de traverser de grands moments de bonheur, mais aussi de grande incertitude. J’ai aujourd’hui suffisamment de sérénité pour en partager autour de moi. Or, aujourd’hui, tout n’est que stress et angoisse du matin au soir. Par ailleurs, je crois savoir ce qu’il faut faire pour éviter l’immense rivière de sang qui nous est promise après la crise que nous vivons aujourd’hui. Il faut pour cela rassembler et pacifier.
Vous dites que vous savez ce qu’il faut faire : justement, quelles seraient les mesures les plus urgentes à prendre selon vous ?
Il faut d’abord rassurer les Français. Ensuite, ma première démarche serait de procéder à une réforme de l’État. L’État a été défaillant plusieurs fois dans la grande histoire de notre pays, mais nous avons toujours insisté [sic]. Malgré les centaines de milliers de gens qui travaillent pour lui, l’État est un corps mort. Il faut donc l’animer pour qu’il retrouve sa vitalité !
Plaidez-vous pour un État plus fort et centralisateur, ou au contraire pour un État capable de déléguer certaines compétences aux collectivités locales ?
La France s’est construite autour d’un État centralisateur, mais aujourd’hui on est en panne partout. Il n’y a plus rien qui fonctionne. Il faut donc rétablir immédiatement l’outil qui nous permettrait de voir où ça a merdé [sic] et comprendre comment on en a pu en arriver là. Il faut pour cela redonner toutes leurs capacités aux maires et décentraliser ce qui doit être traité au plus proche du terrain. Il est urgent de retrouver la part de souveraineté que nous avons très gravement perdue au niveau régalien.
La pandémie de Covid a-t-elle selon vous illustré les faiblesses de l’Union européenne et plus largement de la mondialisation à outrance ?
Les échecs de la globalisation nous ont évidemment sauté aux yeux. Les idées qui émanent au niveau local sont de plus en plus ignorées. Il faut replacer l’homme au centre de nos préoccupations afin de reconstituer le peuple. Le peuple doit pouvoir décider de nouveau par lui-même.
Si on avait gardé le budget de la Santé de 1990, on aurait eu le nombre de lits suffisants pour éviter le confinement de tout le pays. En dépit de tant de lâchetés, la France a quand même connu de grands moments de fulgurance et a contribué à réenchanter le monde. Nous pouvons le faire de nouveau, même si personne n’y croit. Il faut sortir de ce contexte mortifère pour un merveilleux printemps éblouissant.
« Quand on a le ventre vide, c’est là que ça pète »
Pensez-vous que les Français fassent encore confiance à la classe politique, aussi bien à droite qu’à gauche, pour inspirer un profond changement dans leur vie quotidienne ?
Non, pas du tout. Les Français nous haïssent, car nous leur avons tous menti très gravement depuis environ la chute du mur de Berlin. Les Français détestent les partis, car ils les perçoivent comme des mafias où l’on fait et défait les carrières. La classe politique a été d’une lâcheté terrifiante au cours de ces trente dernières années.
Vous vous incluez dedans ?
C’est difficile de prendre totalement ses distances, ce serait un peu se moquer du monde : j’ai été député, j’ai fait quasiment tous les mandats qu’on pouvait exercer en France. Malheureusement, je n’ai pas pu tenir un rôle politique qui m’aurait permis de peser. En étant berger au départ, j’ai créé ma propre entreprise pour être indépendant de l’univers politique et de ses financements qui vous mettent des menottes tout de suite. À 65 ans, je pourrais aujourd’hui la fermer et dire que j’ai bossé toute ma vie jour et nuit en ayant à peine vu grandir mes enfants. Mais je ne peux pas. C’est un peu comme si j’avais vu un accident de la route et que je pouvais porter secours, mais que je foutais le camp ! C’est impossible. Nous sommes aujourd’hui dans un état de dénuement de pensée extrême. Bientôt, par-dessus le marché, nous pourrions avoir le ventre vide ! Quand on a le ventre vide, c’est là que ça pète.
« Les Français détestent les partis, car ils les perçoivent comme des mafias »
Êtes-vous confiant dans votre capacité à obtenir les 500 parrainages d’élus requis pour vous présenter ?
Je l’ai fait une fois, j’en avais même obtenu 708 sur plus de soixante-dix départements. Le problème, ce n’est pas mon implantation : les gens savent qui je suis. Mais ils n’ont que des bribes de ma personnalité, plus souvent à mon désavantage qu’à mon avantage !
Je suis souvent dans la posture du charlot, même si on m’aime bien. On m’a « lassallisé » ! Je dois désormais mettre mon temps à profit afin de pouvoir dire ce que je perçois et ce que je ressens. Je suis persuadé que beaucoup de Français ressentent la même chose que moi.
Votre candidature est-elle une candidature de « témoignage » en faveur de la ruralité et de la France des terroirs, ou croyez-vous véritablement en vos chances de l’emporter ?
Je ne suis certainement pas là pour témoigner, je ne suis pas convoqué au tribunal ! Je me présente à une élection ouverte, même si la démocratie en France n’est plus ce qu’elle a été. Imaginez-vous que je me rende à une compétition pour simplement témoigner ? J’y vais bien sûr pour gagner ! Je voudrais que mes paupières se ferment au dernier instant de ma vie avec le sentiment d’avoir fait ce que je pouvais pour mon pays.