Accusé de négationnisme dans le Bloc note de Bernard-Henri Lévy du 20 juillet (le Point), le physicien et essayiste Jean Bricmont répond et explique sa vision de la liberté d’expression dans un entretien accordé à RT France.
Alors qu’il ripostait contre Le Monde Diplomatique dans son « Bloc-note » du 20 juillet publié dans Le Point, le philosophe Bernard-Henri Lévy a accusé le physicien et écrivain belge Jean Bricmont d’être un « négationniste [...] longtemps préposé dans le journal [Le Monde Diplomatique], au traitement de l’actualité éditoriale antiaméricaine et antisioniste ». Invité par RT France, Jean Bricmont a répondu aux propos de l’écrivain, qu’il qualifie de « diffamation ».
Jean Bricmont est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la liberté d’expression, son travail, proche de celui de Noam Chomsky aux États-Unis, traite de la censure et de la propagande en démocratie. Il est notamment opposé à la loi Gayssot, qui, en France, punit sévèrement toute remise en question historique des conclusions du Tribunal de Nuremberg en 1946. Plusieurs universitaires et intellectuels ont été condamnés en vertu de cette loi au cours de procès, souvent très médiatisés. On se souvient notamment de celui du philosophe et ancien député communiste Roger Garaudy en 1998 ou encore des nombreuses procédures lancées contre le professeur de lettres devenu farouche militant « révisionniste » Robert Faurisson.
Considérant qu’il n’est qu’une cible annexe dans ce qui est selon lui une « attaque hystérique contre Le Monde Diplomatique », Jean Bricmont nie avoir été préposé à une quelconque tâche dans ce journal, pour lequel il n’aurait écrit que quelques articles. Le plus grave dans cette affaire réside, pour l’essayiste, dans le fait que BHL l’accuse de négationnisme.
« Vous accusez quelqu’un sans preuve d’un délit, c’est de la diffamation et ce n’est couvert par la liberté d’expression dans aucun pays », s’est ainsi défendu le physicien qui dit ne pas vraiment croire à ses chances de victoire devant la justice contre BHL s’il décidait de le poursuivre.
Le Monde Diplomatique versus #BHL : le philosophe « déclare la guerre » au mensuel
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Pour l’essayiste, les lois de restriction de la liberté d’expression comme la loi Gayssot produisent l’effet contraire de ce qu’elles prétendent combattre, surtout depuis l’essor d’internet : « Les gens ne croient plus en rien, ils croient qu’on n’a pas marché sur la Lune, ils ne croient pas aux vaccins, le 11 septembre je n’en parle même pas [...] ne croyez pas que, dans un climat de scepticisme généralisé face aux vérités officielles, les gens vont se dire "si c’est interdit par la loi, c’est que ça doit être vrai". »
Parlant de « BHLisation des esprits », Jean Bricmont décrit le style BHL comme emblématique de l’approche intellectuelle de sa génération, fondée sur l’amalgame entre toute pensée qui divergerait de la sienne et le nazisme ou tout autre idéologie totalitaire.
« Ce qui est typique chez lui, c’est d’abord son style, extrêmement agressif. Il vous renvoie toujours soit à Hitler soit au communisme. Il est impossible d’avoir la moindre nuance [...] Il a légitimé une certaine façon de penser qui vous ramène tout le temps aux heures les plus sombres de l’histoire [...] et qui empêche de penser le présent dans sa singularité », explique l’essayiste belge qui estime par ailleurs que cette approche « domine » et « perd l’Occident ».
Jean Bricmont s’étonne pour conclure, de la crainte que suscite le philosophe chez les intellectuels et les personnalités médiatiques françaises alors qu’il ne connaît « personne qui ne le déteste pas ». L’essayiste raconte qu’en 1997, lorsqu’il a rencontré physiquement le philosophe sur des plateaux télé, BHL était craint de tous en raison de son pouvoir, raison pour laquelle « personne n’osait l’affronter », mais était aussi détesté de tous : « Tout le monde le détestait, même les maquilleuses », se souvient l’essayiste.
« C’est une espèce de dictature intellectuelle, il a le pouvoir mais les gens ne l’aiment pas », conclut Jean Bricmont.