L’acteur Jean-Hugues Anglade était dans le train qui reliait Paris à Amsterdam, où Ayoub El-Khazzani a tenté d’ouvrir le feu à la kalachnikov.
Très éprouvé, M. Anglade s’est répandu dans les médias pour raconter la tragédie, à commencer par Paris-Match, où il livre une version romanesque de sa mésaventure :
« Nous avons entendu des passagers hurler en anglais "Il tire ! Il tire ! Il a une kalachnikov !" J’étais avec mes deux enfants et ma compagne, autour de nous, il y avait une quinzaine de passagers. Tout à coup, des membres du personnel navigant ont couru dans le couloir, le dos courbé. Leurs visages étaient blêmes. Ils se dirigeaient vers la motrice, leur wagon de travail. Ils l’ont ouvert avec une clef spéciale, puis se sont enfermés à l’intérieur... Le tireur était à quelque dizaines de mètres de nous, dans le wagon numéro 12. Nous étions dans la voiture 11, la dernière. L’homme armé venait vers nous, il était déterminé. J’ai pensé que c’était la fin, que nous allions mourir, qu’il allait tous nous tuer. Oui, on s’est vu mourir car nous étions prisonniers de ce train, et qu’il était impossible de s’échapper de ce cauchemar. Nous étions piégés dans une souricière ! C’est un sentiment terrifiant de se sentir autant impuissant. On cherchait tous une issue, un moyen de s’enfuir, de survivre. J’ai brisé la vitre pour tirer l’alarme pour arrêter le Thalys ! Le verre a méchamment entaillé mon majeur jusqu’à l’os, et les machines ont ralenti. Mais nous étions toujours bloqués à l’intérieur. Dos au mur. Collés les uns aux autres contre la porte métallique de la motrice. Nous tapions dessus, nous criions pour que le personnel nous laisse entrer, nous hurlions "Ouvrez !" On voulait qu’ils réagissent ! En vain... Personne nous a répondu. Silence radio. Cet abandon, cette détresse, cette solitude, c’était terrible et insupportable ! C’était, pour nous, inhumain. Les minutes paraissaient des heures. J’ai protégé de tout mon corps mes enfants, leur répétant en boucle que tout allait bien. Ma main blessée saignait beaucoup, mais étonnamment, nous avons tous gardé notre sang froid. Nous n’étions pas résignés. Les passagers étaient dans l’incompréhension, ils ne réalisaient pas que ça allait être le carnage. C’était calme et digne. Nous étions totalement à la merci des balles qui allaient nous déchirer les corps... Nous attendions la mort, et nous n’avions pas le choix. Puis, un jeune homme, Anthony Sadler, a accouru dans notre voiture, criant que le tireur était maitrisé par des soldats américains en permission, que tout allait bien. Il nous a rassurés, il cherchait des couvertures de survie et une trousse de secours pour les deux blessés graves. Il a tapé à la porte de la motrice, mais sans succès, une fois encore. Il est reparti auprès des autres. Nous étions hors de danger. Ce matin, je vais bien. J’ai eu cinq points de suture, mais le tendon n’est pas atteint. Nous sommes choqués, mais nous sommes en vie, et c’est l’essentiel. Nous étions au mauvais endroit, mais avec les bonnes personnes. C’est un miracle. Nous avons eu une chance incroyable d’avoir ces soldats américains. Je veux rendre hommage à leur courage héroïque, et les remercier, sans eux, nous serions tous morts. »
Sauf que le comédien a tout inventé. Ayant pris place dans la voiture 11 du Thalys, il n’a rien pu voir de ce que se passait dans les voitures 12 et 13 où se dont déroulés les événements. Quiconque a déjà pris un TGV peut aisément le comprendre...
L’acteur fulmine contre le personnel de la SNCF qui ne s’est pas comporté comme un Bruce Willis ou un Steven Seagal en matant le vilain barbu... Sauf que là également, les dires de M. Anglade sont contredits par les faits, comme l’indique Michel Brunet, l’un des contrôleurs du train Thalys Amsterdam-Paris :
« On a entendu un peu de vacarme, une porte qui bougeait. Je me suis levé pour aller voir ce qui se passait. Entre deux voitures, au niveau des toilettes, j’ai vu deux hommes en train de se battre. Au début je n’ai pas réagi, des bagarres ça arrive. Et puis j’ai vu qu’un homme avait une mitraillette autour du cou. Je me suis retrouvé face-à-face avec l’individu, je me suis mis au sol, il m’a pointé avec son revolver, puis est rentré dans la voiture 12. Là, j’ai vu des personnes sauter sur lui, ça s’est passé très vite. Je ne savais pas que c’était des Américains, ou des soldats. J’ai pris contact avec le conducteur pour lui dire ce qui se passait à bord de mon train. Puis avec ma direction, pour qu’on puisse prêter assistance, surtout aux blessés. L’homme étant maîtrisé, j’ai demandé des secours. J’étais à bord de mon train jusqu’à Arras. J’ai discuté avec M. Anglade, je lui ai proposé de l’aide. J’ai proposé la trousse de secours aux personnes qui étaient en voiture 12 en train de s’occuper des blessés. Le mouvement de panique du personnel de restauration n’a pas grand chose à voir avec le personnel de contrôle. Je ne sais pas pourquoi M. Anglade a cette attitude vis-à-vis du personnel Thalys. »
Enfin le héros de la série de Canal+ « Braquo » affirme s’être blessé en brisant la vitre qui protège le signal d’alarme du train. La main meurtrie, il ne pourra peut-être pas jouer de la guitare au Festival d’Angoulême où il est invité :
« Honnêtement, je ne me sens pas trop prêt, il va falloir que je parle du mode opératoire avec les organisateurs... »
Pipeau : le signal d’alarme n’est pas sous verre, mais en accès libre, contrairement au brise-vitre... M. Anglade ne peut donc pas s’être blessé de cette manière...
M. Anglade va-t-il apprendre que contrairement à des balles de fusil d’assaut, le ridicule, heureusement, ne tue pas ?