Le nouvel antisémitisme proclame qu’il n’est pas antisémite et qu’il ne veut ni persécuter ni haïr. Il est tout simplement la victime de la haine et de la fourberie des juifs qui eux persécutent vraiment le genre humain (Israël, la Finance...). Alain Soral et Dieudonné représentent bien ce nouvel antisémitisme qui cherche à rassembler les opprimés et les victimes du « Nouvel Ordre mondial ».
Alain Soral a beau jeu de semer le trouble dans des esprits faibles, séduits par les théories du complot dans le climat de scepticisme, engendré par la faillite morale de nos démocraties et le cynisme de la plupart de nos dirigeants. Ce scepticisme qui confine au nihilisme cache un sentiment d’impuissance accompagné de la défense d’intérêts bien compris et ce sentiment se diffuse dans tout le corps social et pousse à la résignation, à la fuite ou au repli identitaire.
En cela, Alain Soral participe à lever les obstacles à accepter une vision manichéenne du monde, qui a été celle de tous les totalitarismes : l’Empire du mal, représenté par l’axe américano-sioniste d’un côté et le monde des opprimés d’un autre côté.
Il veut nous faire croire à la pureté des intentions des uns et au complot diabolique des autres. Toujours les mêmes. Il veut opposer un Iran « vêtu de pureté candide et de lin blanc » à la duplicité des marionnettes musulmanes de l’Empire américano-sioniste : le Qatar, l’Arabie saoudite, les Frères musulmans, Al-Qaïda, Tariq Ramadan...
Alors qu’en réalité, une idéologie commune les relie tous : une détestation du mode de vie occidental laïc et un antisionisme ou plutôt un antisémitisme à peine déguisé, une conception du monde clairement totalitaire.
Le totalitarisme a toujours présenté la démocratie libérale comme un escamotage de la volonté du peuple par une conjuration de politiciens et de financiers. Il se présente comme porteur de valeurs spirituelles et morales et comme la seule véritable démocratie. Il fabrique une image repoussante et méprisable de notre démocratie qu’il voit, en partie avec raison malheureusement, abandonnée au désordre, au relâchement moral, à la crise de l’autorité et à la corruption.
Le totalitarisme a toujours cherché à séduire par des images romantiques : il valorise la pureté, l’authenticité face à la corruption, à la cupidité, à la fourberie. Il fait appel à ce besoin si humain de retrouver la pureté des origines à grand renfort d’images et de symboles. Ainsi, il séduit les amateurs de vérités mystérieuses et éternelles et prépare l’âme surtout juvénile à entendre des discours de type totalitaire.
De telles théories permettent d’oublier, d’occulter la responsabilité individuelle, les multiples lâchetés du quotidien, la mauvaise conscience, l’égoïsme, la paresse, l’indifférence réelle à l’égard d’autrui en créant d’un côté une utopie merveilleuse « qui réenchante le monde » et de l’autre expliquent tous les malheurs par l’action de puissances mauvaises et cachées. Elles aident chacun à se transformer en chevalier du Bien et font croire qu’il participe au combat contre le Mal.
Mais en réalité, comme toujours, ce totalitarisme qui se présente comme porteur de valeurs spirituelles et morales, masque des appétits de pouvoir, une cratophilie pernicieuse et perverse, épicée de théories ésotériques sur l’apocalypse inévitable et l’attente d’un rédempteur dont les prophètes seraient déjà à l’œuvre pour sauver l’humanité des menées diaboliques d’une « ligue de sorciers » comme on disait au Moyen-âge, appartenant à cette « communauté dont on ne peut prononcer le nom ».
Les contradictions de Soral ne peuvent pas troubler les esprits qui recherchent non pas la vérité mais une utopie et des coupables. C’est l’esprit critique qui permet de discerner l’imposture. Le XXème siècle a prouvé que contrairement à ce que croyait Victor Hugo, ce ne sont pas les livres qui permettent de faire reculer la superstition et l’intolérance et ce n’est pas en développant l’instruction qu’on met en fuite l’imposture.
L’instruction permet peut-être – et encore ce n’est pas sûr – de se prémunir contre les erreurs du passé mais en aucun cas elle ne donne une immunité contre les mensonges du présent. Les propagandes fonctionnent encore mieux sur des esprits éduqués qui peuvent croire facilement à un mélange de vérités, de demi-vérités et de mensonges. Seul l’esprit critique est capable de discerner l’imposture.
Il s’agit donc d’un combat idéologique, d’une guerre des idées comparable à celle que nous avons connue par le passé face aux totalitarismes qui se présentent comme une nouveauté dans la civilisation, destinée à corriger les erreurs funestes du passé, un ordre nouveau donc mais qui en réalité représente une terrible régression à des étapes anciennes de l’humanité, une véritable maladie politique.
Face à ces tentations totalitaires, une fois de plus, nous avons besoin de rassembler nos idées et surtout de réviser l’idée démocratique. Nous avons besoin d’une préparation idéologique qui permettrait de retrouver la confiance dans notre héritage précieux, de ne pas nous confiner à une routine qui nous ferait croire que nous pouvons nous reposer sur la vision d’un passé démocratique qui a pu libérer les peuples des oppressions féodales et que nous sommes encore et toujours portés par l’histoire. Alors qu’il s’agit surtout d’empêcher l’histoire de tourner mal, emportée dans un tourbillon régressif.