J’ai fais des études de graphiste et nous avions des cours d’art contemporain où nous devions faire des créations et les présenter à la classe. Un jour, une fille est venue présenter son oeuvre ; une large toile (2 mètres sur 1.5 mètre) sur laquelle elle avait peint des rayures de couleur différentes au rouleau. On passait du cyan, au magenta, au jaune et à d’autres couleurs que vous trouverez directement en tube (visiblement l’idée de réaliser un mélange entre deux coloris lui avait été trop éprouvant).
Sa fainéantise et son absence totale de travail crevait les yeux, mais nous sommes bien en art contemporain. Du coup la voilà qui se lance dans l’explication de son oeuvre (en réalité la seule partie importante dans ce genre de cours). Elle commença à expliquer qu’en temps qu’éducatrice dans un centre aéré, elle avait eu pour cas un enfant qui était abusé sexuellement. Elle commença à nous peindre un tableau misérabiliste de sa situation, puis a expliquer en pleurant qu’elle avait peint sa toile en se laissant guider par ce qu’elle ressentait en pensant à ce pauvre petit garçon.
Aujourd’hui cela me fait rire, mais à l’époque je me souviens avoir été assez scandalisé par ces méthodes. Et bien figurez-vous que ce chantage affectif fonctionna totalement sur la prof qui lui mis une excellente note.
L’ambiance de ces cours et de ces présentations d’oeuvre était devenu au fil de l’année de plus en plus irréaliste. Les demoiselles (en large majorité dans la classe) ou devrais-je dire, les petites filles, se complaisaient à apporter leur "créations" bâclées et peu créatives en les légitimant comme s’il s’agissait d’une séance chez le psy. On a eu droit à la grosse ayant réalisé un plâtre de son corps des seins jusqu’au vagin, à l’hystérique lesbienne ayant fait un dessin pour dénoncer les clichers sur les homosexuels dans notre société qui leur est, bien sûre, si hostile. Cela se terminait pratiquement à chaque fois par une séance de larme.
Elles avaient vite compris "le truc". Il suffisait de chialer un bon coup, de parler de sensibilité personnelle, affective, de traumatisme et c’était la réussite assurée.
Je garde de ces cours un mépris souverain pour l’art contemporain, ainsi qu’un grand doute sur la capacité de la femme à comprendre quoi que ce soit à l’art. Donc plutôt formateur.