Le prophète néolibéral Jacques Attali a le mérite d’être lucide. Prenant acte de la montée en puissance des populismes en parallèle de la déstructuration du processus mondialiste, le conseiller privilégié des présidents français depuis 30 ans tente de limiter la casse. Tout est bon pour sauver la social-démocratie de marché... et surtout pour échapper à la fessée !
Voici un extrait évocateur de la gestion de crise mondialiste à la sauce attalienne :
Retenons la leçon du groupe Manoukian : aujourd’hui comme alors, la bataille contre le mal est universelle. Elle ne concerne pas spécialement les Français ; et les étrangers qui vivent dans notre pays savent et sauront, une fois de plus, y donner leur vie pour une cause qui nous dépasse tous : la liberté des générations à venir.
Mais, à l’époque de ces actes follement téméraires, résister était simple, affreusement simple : il y avait les fascistes qui voulaient détruire la République, puis les nazis, qui voulaient détruire la civilisation. Il était facile de comprendre qu’une force plus importante pouvait les détruire. Le seul débat portait sur la question de savoir si la résistance devait se faire en rejoignant les armées alliées, ou de l’intérieur ; dans les deux cas, ce qui était à combattre était clair : des gens animés d’une idéologie diabolique. Il y avait des responsables aux malheurs de la France. Et leur élimination suffirait à faire renaitre l’espoir d’un monde meilleur.
Aujourd’hui, résister n’est plus aussi simple : le capitalisme, le marché et les forces qui l’animent sont des mécanismes ; pas des gens qu’ils suffiraient d’éliminer, ou d’affaiblir. Et ceux qui, sur les tribunes, au Parlement, dans les livres ou les invectives tweetées, emploient la rhétorique de la Résistance (comme s’ils étaient confrontés à des nazis, et qu’ils étaient eux-mêmes dans le maquis.) Devraient réfléchir à deux fois avant de se croire dans les prémisses de la constitution d’un nouveau « groupe Manouchian » face à un pouvoir totalitaire.
Aujourd’hui, en tout cas, dans nos pays où règne une démocratie qui n’est certes que largement formelle, il ne sert à rien de désigner des responsables, il faut chercher des causes. Ce qui compte, ce n’est pas d’abattre des dirigeants, plus ou moins interchangeables, ni même les figures de proue d’une ploutocratie triomphante, mais de changer les mécanismes par lesquels l’agencement de la démocratie et du marché a conduit à l’actuel désastre, y compris écologique. C’est beaucoup moins romantique ; cela exige beaucoup moins de courage physique ; mais beaucoup plus de savoir, de compétence, de tactique, de stratégie, pour agir au bon moment et au bon endroit, pour faire en sorte que l’idéologie du monde change, et que les règles du jeu y soient modifiées. Agir autrement ne changera rien au monde, sinon que cela ouvrirait la voie à de nouveaux pouvoirs totalitaires, pas forcements plus plaisants que ceux d’aujourd’hui. Toutes les colères, toutes les rages sont donc bienvenues dans ces combats, à condition d’en comprendre l’enjeu et de ne pas en détourner les espérances.
C’est pigé, les victimes de l’oligarchie politico-financière ? Laissez la résistance populiste aux experts mondialistes !