Créé en 2018 par Vincent Lapierre, « reporter indépendant » passé par Égalité & Réconciliation, Le Média pour tous se défend d’être d’« extrême droite ». Son fondateur préfère parler d’une ligne « souverainiste » et d’alternative aux « grands médias ».
Avant de se lancer « en solo » avec Le Média pour tous, Vincent Lapierre a collaboré pendant cinq ans avec Égalité & Réconciliation (E&R), organisation politique fondée par le polémiste « national-socialiste » Alain Soral.
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À partir de 2015, officiellement intégré à l’équipe d’E&R, il s’improvise reporter en réalisant des pastilles vidéo pour ERTV, la « chaîne télé » du média soralien. Longtemps présent sur les réseaux sociaux sous le pseudo librepenseur007, il se crée une nouvelle identité à visage découvert : ce sera « Les reportages de Vincent Lapierre ». Armé de sa bonnette bleue flanquée d’un « VL reportages », il couvre des mouvements sociaux comme la « Marche pour la vie » ou les manifestations de chauffeurs VTC, mais aussi les attentats islamistes et la présidentielle de 2017. Vidéos qui ne sont plus disponibles sur YouTube aujourd’hui, après que la plateforme a supprimé les chaînes d’Alain Soral.
Courant 2018, il prend petit à petit ses distances avec E&R, avant d’annoncer son départ de l’organisation en juillet. Ce divorce avec Soral se fait dans la douleur. L’essayiste d’extrême droite, se sentant trahi, est le premier à attaquer avec un article titré Vincent Lapierre au pays du national-sionisme [1] et sous-titré Du militantisme au journalisme.... Le terme « journalisme » étant dans sa bouche tout sauf un compliment, puisqu’il aime répéter qu’« un journaliste est soit une pute soit un chômeur ». Lapierre ne s’est pas privé de répliquer, et il y a encore quelques mois, il mettait en ligne une vidéo d’une heure trente se proposant de réfuter les analyses complotistes d’Alain Soral sur la pandémie de Covid-19.
« Alain Soral n’est pas un raciste. Alain Soral est quelqu’un qui n’aime personne, ni les Blancs, ni les Arabes, et encore moins les juifs. » C’est ainsi que Vincent Lapierre résume la pensée de son ancien mentor, en introduction de cette même vidéo. Contacté par CheckNews, il assure que son départ d’Égalité & Réconciliation « n’est pas dû à des questions d’ego, mais bien à des questions de fond ». « Il n’y a aujourd’hui plus aucun lien, ni humain ni idéologique, entre notre média et E&R que nous considérons d’ailleurs – et nous connaissons bien le sujet pour l’avoir vu de très près – comme ce qui se fait de pire sur le Web », renchérit-il.
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Par ailleurs, il réfute d’emblée le qualificatif de « média d’extrême droite » ou « d’ultra-droite ». « Je dirais que nous nous sentons proches d’un certain souverainisme : de gauche sur les questions économiques et sociales et plutôt conservateur ou progressisto-critique [du nom « progressisme »] sur certaines questions sociétales » [2], tente-t-il de clarifier. Concrètement, Le Média pour tous se place dans le camp des europhobes, désireux de mettre en évidence les « effets délétères » de l’Union européenne sur la France, et du côté des défenseurs de la souveraineté nationale, critiquant « toutes les interventions armées occidentales systématiquement justifiées par la volonté d’instaurer, chez les autres, la démocratie ».
- Du Média pour tous au Média pour personne
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La ligne éditoriale du Média pour tous, Vincent Lapierre la définit ainsi comme « une troisième voie entre ce que l’on trouve sur Internet et ce que l’on trouve à la télévision : ni dérive complotiste des médias alternatifs, ni proximité avec le pouvoir politique et économique des grands médias ». Il assume les partis pris dans les contenus produits, revendiquant un traitement de l’actualité qui ne se veut pas « impartial » ou « neutre », mais plutôt « objectif ». Comprendre ici qu’il donne la parole « à des gens de tous horizons politiques et idéologiques », et diffuse des informations susceptibles, selon lui, de heurter les « préjugés » du public en apparence acquis au Média pour tous.
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Le site ne comportant pas de section avec les mentions légales, il est impossible de connaître le montant du capital détenu et des revenus perçus par le Média pour tous. « Jusqu’à présent, ces fonds nous ont toujours suffi », se contente de glisser Vincent Lapierre.
Il bénéficie par ailleurs de deux compléments de revenus, que sont la vente de livres et un financement participatif via la page qu’il a créée sur la plateforme Tipeee. Lorsque le « reporter tout-terrain » a lancé son média, cette plateforme était son principal mode de financement. Grâce aux fans alimentant sa cagnotte, il empochait chaque mois 1 422 euros, rapportait L’Express en décembre 2018. Aujourd’hui, s’il reconnaît que cette page « est encore en fonctionnement », il ajoute aussitôt qu’« elle ne [leur] rapporte pratiquement plus rien » puisqu’ils n’en font plus la promotion. Ce « pratiquement plus rien » équivaut à 153 euros mensuels, soit près de dix fois moins qu’à ses débuts.
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Outre ces quelques éléments d’information, le trombinoscope du Média pour tous reste mystérieux. Certains des contenus ne sont pas signés, et les noms mentionnés sur les autres articles ne renvoient vers aucune page d’informations biographiques ni de contact. Lorsqu’on reporte ces noms dans un moteur de recherche, le seul résultat qui s’affiche est « auteur sur le Média pour tous ». Vincent Lapierre confirme qu’il recourt à des pseudos : « C’était une demande de leur part, que leurs noms n’apparaissent pas sur le site. » Son nom à lui, en revanche, génère des centaines d’occurrences, de ses réseaux sociaux aux articles écrits à son sujet, en passant par sa page Wikipédia. Où il est classé, ne lui en déplaise, dans la catégorie « Extrême droite sur Internet en France ».
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